Publié sur Opinions

Ce que nous enseignent les initiatives de soutien à l'emploi dans les situations de fragilité, de conflit et de violence

Tayo Uniforms est une entreprise de confection détenue et gérée par des femmes à Hargeisa, en Somalie, et qui vend des uniformes à des écoles et des sociétés. Tayo Uniforms est une entreprise de confection détenue et gérée par des femmes à Hargeisa, en Somalie, et qui vend des uniformes à des écoles et des sociétés.

Depuis quelque temps, la communauté du développement se préoccupe davantage du soutien à l'emploi dans les situations de fragilité, de conflit et de violence. Si nous ignorons encore bien des choses dans ce domaine, nous avons progressé et nous pouvons tirer les leçons des programmes financés à hauteur de 14 milliards de dollars dans le cadre d'IDA-18 et de plusieurs nouvelles évaluations d'impact.

Nous avons résumé ces enseignements dans notre récente note sur l'emploi, intitulée Supporting Jobs in Fragility, Conflict, and Violence (FCV) Situations, dont voici les points clés.

Les transferts en espèces (et certaines aides en nature) ont fait la preuve de leur efficacité pour augmenter les revenus.

Dans des situations troublées, il est très risqué d'investir dans une entreprise. Souvent, la seule source de financement est l'épargne personnelle du ménage ou des prêts de la famille et des amis. L’attente est longue et frustrante pour des jeunes actifs qui économisent dans le but de lancer une petite activité.

Il n'est donc pas très surprenant de constater les bons résultats de projets qui accordent des subventions de 200 à 1 000 dollars pour aider les petites entreprises (ou un soutien en nature aux agriculteurs). À la suite d'évaluations d'impact (a) majeures, ce type d'interventions est en train de se généraliser, à l'image de l'initiative d'inclusion productive au Sahel (a) qui bénéficie à quelque 50 000 ménages. Cependant, certaines interrogations subsistent : quelle est la portée concrète d'une assistance financière modeste pour les bénéficiaires ? Les avantages sont-ils durables ? (a) Qu'en est-il de ceux qui ne reçoivent pas d'aide : sont-ils soumis à une concurrence plus rude ou réussissent-ils à trouver de nouveaux clients ? (a). Il est bien sûr indispensable de répondre à ces questions, mais l'apport direct de liquidités mérite une attention particulière en tant que moyen de soutenir l'emploi dans les situations de fragilité, de conflit et de violence.

Si l'objectif est d'améliorer rapidement les résultats en matière d'emploi, il vaut mieux y réfléchir à deux fois avant de parier gros sur la formation professionnelle ou la microfinance.

En raison du faible niveau de compétences et d'un accès quasi inexistant aux financements, les économies des pays touchés par la fragilité, les conflits et la violence ont besoin d'investissements réguliers dans l'éducation et les infrastructures financières  pour tenter de renforcer leurs capacités. Néanmoins, si l'objectif est d'améliorer la situation de l'emploi à court terme, la formation technique et la microfinance ne permettent pas d'obtenir de bons résultats (a) dans de tels environnements. Cela peut s'expliquer : un travailleur plus qualifié ne s'en sortira peut-être pas beaucoup mieux si son entreprise manque de financement et si le marché est morose. Par ailleurs, dans un contexte où le moindre investissement est risqué, les candidats au microcrédit seront très peu nombreux. Comme ces méthodes ont en outre un certain coût (a), il est utile de se poser des questions cruciales sur l'objectif à atteindre et sur ses chances de succès. Il existe cependant des exceptions à cette généralité : les champs-écoles, les services de vulgarisation agricole numérique et les formations liées aux compétences comportementales se sont révélés prometteurs pour un coût limité.

Les programmes de travaux publics à forte intensité de main-d'œuvre sont un levier éprouvé de hausse des revenus à court terme, mais ne permettent pas nécessairement de résoudre les problèmes à long terme.

Parce qu'ils constituent un moyen relativement simple et rapide de soutenir les revenus, les travaux publics à forte intensité de main-d'œuvre sont des outils précieux pour apporter des emplois après une catastrophe naturelle, à la suite de la démobilisation de groupes armés  ou lorsque la désorganisation des marchés du fait d’un conflit est telle qu'il est difficile de gagner sa vie avec une petite entreprise. En outre, certains programmes qui ont eu recours à ce type de travaux ont pu réussir à envoyer un signal de redressement (a) après un conflit.

Cela étant, nous avons parfois tendance à les considérer comme une solution miracle à une multitude de difficultés : développer des compétences durables, aider les bénéficiaires à trouver un emploi stable, prévenir les conflits ou encore autonomiser des communautés. Les programmes de travaux publics peuvent quelquefois aboutir à des résultats (a) dans ces domaines, mais la plupart du temps d'autres formes de soutien sont nécessaires (a). Il est donc prudent de les considérer comme des objectifs « extrêmes » et de les évaluer sur la base de ce qu'ils sont censés apporter : un soutien aux revenus à court terme.

Il faut s'intéresser davantage à la faiblesse de la demande du marché dans les environnements fragiles.

La plupart des projets de développement en faveur de l'emploi cherchent à renforcer les capacités des entreprises et des travailleurs. Toutefois, les économies fragiles se caractérisent notamment par la perturbation des marchés. Les conflits affectent le pouvoir d'achat des consommateurs et les commerçants qui se déplacent de ferme en village et de village en ville s'exposent à la fois à des risques physiques et financiers. En effet, il est souvent difficile de trouver des clients, et rien ne garantit que les investissements consentis seront rentables.

Il n'y a pas de formule passe-partout, mais deux méthodes de stimulation de la demande semblent prometteuses. Tout d'abord, il est utile de s'interroger sur la meilleure façon de soutenir la demande dans le cadre des dépenses déjà engagées pour le développement. Par exemple, s'approvisionner localement pour la nourriture destinée à l’aide alimentaire peut faire la différence, de même que les allocations versées aux combattants démobilisés (a) et les prestations sociales sont susceptibles de stimuler la demande sur des marchés atones. Deuxièmement, il convient de soutenir directement les acteurs qui relient les marchés entre eux (a), comme les « agrégateurs », ces structures qui gèrent la commercialisation de la production des petits producteurs. Nous devrions procéder à des expérimentations dans ce domaine pour mettre au point une palette d’outils plus efficace.

Il est temps de tester des interventions de soutien psychosocial à grande échelle.

Les chercheurs et les professionnels du terrain ont commencé à se pencher sur le stress psychologique que représente le fait de devoir gagner sa vie dans un environnement fragile et ils ont mis au point des programmes d'assistance adaptés. Alors que des sessions de groupe de courte durée ont démontré leur efficacité (a) à petite échelle, leur possibilité de généralisation mérite d'être testée.

Ce billet s’inspire du document Supporting Jobs in Fragility, Conflict, And Violence (FCV) Situations Solutions Note, publié en avril 2020. Il s’agit du sixième billet d’une série consacrée aux travaux de recherche menés dans le cadre des Jobs Solutions Notes (a) de la division Emplois de la Banque mondiale. Ces publications synthétisent les résultats issus des activités financées par le Fonds fiduciaire multidonateurs pour l’emploi (a) et d’autres sources, à partir d’études, évaluations, expériences pilotes et opérations. Chaque note présente une brève analyse des initiatives et des difficultés, et passe en revue les points forts et les limites des projets.Voici les billets précédents :


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