Publié sur Opinions

Combattre le fléau des violences faites aux femmes : un impératif pour assurer un redressement durable

Foto: Dominic Chavez/IFC Foto: Dominic Chavez/IFC

Pandémie invisible, la violence contre les femmes est un fléau pour celles qui en sont victimes, mais aussi pour leurs familles et leurs communautés.  Rien qu’au cours des 12 mois précédant l’apparition du nouveau coronavirus (COVID-19), 243 millions de femmes dans le monde avaient subi des violences physiques ou sexuelles de la part d’un partenaire intime. Un chiffre qui fait écho à d’autres statistiques glaçantes : 15 millions d’adolescentes (âgées de 15 à 19 ans) dans le monde subissent des rapports sexuels forcés et, chaque jour, 137 femmes sont tuées par un membre de leur famille. 

Pourtant, en moyenne, moins de 40 % des femmes et des filles victimes de violences demandent de l’aide. Pendant la pandémie, les appels aux numéros d’assistance téléphonique ont été multipliés par cinq dans certains pays, signe que la situation se dégrade à la faveur des confinements et autres restrictions de déplacement.

Comme nous l’ont appris les précédentes pandémies (a), plusieurs facteurs se conjuguent pour attiser la recrudescence des violences de genre : stress économique, mobilité et accès aux services de santé réduits, quarantaines et isolement social, exposition accrue aux relations d'exploitation...

La violence contre les femmes et la pandémie de COVID-19 présentent des similitudes  : les deux sont un phénomène mondial, qui se joue des frontières et ne fait aucune distinction de revenu, d’origine ou de religion ; les deux sont mortelles et infligent de terribles souffrances, physiques et morales, à leurs victimes. Et pour les combattre, l’une comme l’autre, nous devons modifier nos comportements.

Il existe pourtant une différence de taille : tandis que la pandémie de COVID-19 mobilise l’attention et l’action de la communauté internationale, les violences contre les femmes suscitent relativement peu d’intérêt . C’est d’une action mondiale, notamment pour modifier les comportements, dont nous avons besoin de toute urgence. Nous avons déjà perdu trop de temps.

Pour cette raison, pendant les « 16 Jours d’activisme pour mettre fin à la violence faite aux femmes », nous avons alerté sur la nécessité de redoubler nos efforts et nos investissements face à ce fléau qui présente toutes les caractéristiques d’une pandémie mondiale.   

La lutte contre les violences de genre fait partie intégrante des programmes d'activité de la Banque mondiale dans chaque pays. Notre détermination à faire progresser cette cause s’articule autour de trois grands axes  : 

  • intégration de mesures contre les violences sexistes dans la mise en œuvre d’IDA-19, notre programme triennal de 82 milliards de dollars pour soutenir le développement dans les pays les plus pauvres du monde ;
  • à partir du 1er janvier 2021, exclusion de tous les sous-traitants ne respectant pas les obligations vis-à-vis de la lutte contre les violences sexistes ;
  • inclusion systématique de volets dédiés à la lutte contre les violences sexistes dans nos opérations de riposte à la pandémie de COVID-19 et, plus généralement, dans le reste de notre portefeuille.

L’opération d’urgence de 128 millions de dollars (a) engagée au Sri Lanka permet ainsi au ministère de la santé d’inclure des initiatives pour améliorer la réponse du système sanitaire aux victimes de violences sexistes. Le ministère va pouvoir augmenter le nombre de centres de prise en charge et renforcer les capacités de son personnel à proposer des services de qualité. Il va également sensibiliser les communautés à ces services pour inciter les victimes à demander de l’aide en toute confiance.  

Cette opération montre que les gouvernements ont les moyens de lutter contre les violences faites aux femmes tout en agissant pour endiguer la pandémie de COVID-19, notamment :

  • en s’assurant que les services destinés aux victimes au sein du système de santé soient considérés comme « essentiels » ;
  • en formant le personnel de santé à repérer les cas de violences de genre, gérer correctement les signalements et orienter les patientes vers des services complémentaires ;
  • en intégrant des messages contre les violences sexistes dans les campagnes de sensibilisation des communautés pendant la riposte d’urgence ;
  • en prévoyant des modules dans les formations à la COVID-19 pour aider le personnel à repérer, soigner et orienter les victimes de violences de genre. 

La Banque mondiale plaide également pour le changement dans son dialogue avec les responsables politiques, en les aidant à appréhender toute la palette de réformes pouvant être engagées pour lutter contre les violences faites aux femmes. C’est le cas notamment aux Fidji où, après l’apparition de la COVID-19, le ministère des femmes, des enfants et de la lutte contre la pauvreté a piloté la mise en place de circuits d’orientation virtuels, collaboré avec les forces de police pour organiser des transports sûrs pour les femmes pendant le couvre-feu et formé le personnel de santé. Les autorités ont également renforcé les services d'assistance téléphonique nationaux et se sont associées au secteur privé pour une campagne de communication axée sur les violences contre les femmes et la COVID-19.  

« La campagne 16 jours d’activisme pour mettre fin à la violence faite aux femmes appelle avec force la communauté internationale, secteurs public et privé confondus, à combattre la double pandémie de la COVID et de la violence de genre. Nous devons renforcer l’alliance internationale de partenaires engagés activement dans la lutte contre les violences sexistes. »

Pendant la phase de redressement, les pouvoirs publics peuvent aussi améliorer la résilience des ménages vulnérables en atténuant leur stress économique par l’octroi de subventions, de logements, d’allocations en espèces ou de bons d’alimentation. Ils créeront ainsi les bases d’une situation économique stable et durable, dans la mesure où les difficultés financières, le chômage ou le fait de vivre dans des quartiers défavorisés peuvent, nous le savons, multiplier et aggraver les cas de violence conjugale. Toutes ces initiatives peuvent par ailleurs aider les femmes à mieux contrôler les ressources économiques.

Afin d’accompagner les équipes de la Banque mondiale, nous avons défini des lignes directrices pour organiser avec les pouvoirs publics des transferts monétaires ou en nature en faveur des femmes. Plus de 70 % des 22 études quantitatives et qualitatives consacrées à ce type de dispositif (a) montrent que les transferts aux ménages pauvres réduisent les violences conjugales. Chaque gain obtenu grâce à un programme spécifique, aussi modeste soit-il, est important, étant donné la couverture, la modularité et la rentabilité des transferts monétaires. Des interventions peuvent aussi aider les gouvernements à étendre l’éligibilité et la couverture aux employées domestiques, aux femmes travaillant dans le secteur informel et aux aidantes non rémunérées, puisque ces dernières risquent de ressentir plus durement les effets économiques de la pandémie de COVID-19 que les femmes exerçant d’autres formes d’emplois. Nos équipes peuvent en outre encourager les pouvoirs publics à étendre et assouplir les critères d’éligibilité pour l’assurance chômage qui pénalisent les femmes, notamment en excluant les travailleurs informels.  

Nous progressons, mais nous sommes encore loin du compte. La campagne « 16 jours d’activisme pour mettre fin à la violence faite aux femmes » appelle avec force la communauté internationale, secteurs public et privé confondus, à combattre la double pandémie de la COVID et de la violence de genre.  Nous devons renforcer l’alliance internationale de partenaires engagés activement dans la lutte contre les violences sexistes. 

Je sais que nos équipes ont à cœur, et je les en remercie, de ne pas oublier cette autre urgence vitale alors qu’elles travaillent sans relâche à organiser la riposte à la pandémie de COVID-19. J’invite notre personnel et la communauté internationale à redoubler d’efforts en ces temps exceptionnels, qui nous donnent la possibilité d’éradiquer deux pandémies dans un même élan. Le Groupe de la Banque mondiale est déterminé à jouer un rôle actif dans cette entreprise, en promouvant la collaboration à l’échelle mondiale, régionale et nationale. Nous avons la conviction de pouvoir mettre fin à la pandémie des violences contre les femmes et les filles de notre vivant.   

 

LIENS UTILES

Le Groupe de la Banque mondiale et la pandémie de coronavirus (COVID-19)

La Banque mondiale et l'égalité hommes-femmes

ONU Femmes : 16 jours d’activisme pour mettre fin à la violence faite aux femmes


Auteurs

Axel van Trotsenburg

Directeur général senior de la Banque mondiale, Politiques de développement et partenariats

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