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COVID-19 : trois axes d'action pour améliorer la prise en charge des personnes âgées et handicapées

Bénéficiaire du programme Vision 2020 Umurenge du Rwanda (VUP), Susanne Nyiramahungura, 72 ans, a expliqué aux équipes de la Banque mondiale que ce programme lui avait donné une seconde chance dans la vie. Handicapée de naissance, Susanne remercie Dieu et le VUP de lui avoir permis de mettre de l'argent de côté et de vivre mieux. Photo : © Sarah Farhat/Banque mondiale Bénéficiaire du programme Vision 2020 Umurenge du Rwanda (VUP), Susanne Nyiramahungura, 72 ans, a expliqué aux équipes de la Banque mondiale que ce programme lui avait donné une seconde chance dans la vie. Handicapée de naissance, Susanne remercie Dieu et le VUP de lui avoir permis de mettre de l'argent de côté et de vivre mieux. Photo : © Sarah Farhat/Banque mondiale

La pandémie de coronavirus (COVID-19) a révélé de nombreux points faibles dans les systèmes de soins à travers le monde. S'il menace toutes les catégories de population, le risque épidémique est particulièrement élevé chez les personnes âgées et les personnes handicapées , qui sont proportionnellement moins protégées que le reste de la population. Les conséquences sont dramatiques, qu'il s'agisse du nombre de décès, des pertes d'opportunités et du recul de l'inclusion. Les personnes âgées de plus de 65 ans représentent 9 % de la population mondiale et celles de plus de 80 ans près de 2 %. Le grand âge est associé à une plus grande fragilité et une incidence accrue du handicap. Les personnes handicapées représentent quant à elles 15 % de la population mondiale et sont plus susceptibles d'être pauvres, moins éduquées et plus exposées à l'insécurité et aux chocs économiques. Elles sont aussi plus sensibles aux infections et leur pronostic de guérison est souvent plus défavorable.

Les modes de logement et les besoins de soins des populations vulnérables posent des problèmes particulièrement difficiles à surmonter en ces temps de pandémie.  Les personnes dépendantes hébergées dans des établissements de soins vivent généralement dans des espaces exigus et parfois surpeuplés, ce qui facilite la propagation du virus. Pour maîtriser le risque d'infection et protéger les personnes âgées nécessitant des soins de longue durée, de nombreux pays ont adopté diverses mesures : sur le plan de la prévention et de la lutte contre l’épidémie, mais aussi en matière de gestion des ressources humaines et financières, ou encore pour le signalement des cas et la coordination avec les autorités de santé publique. Parmi ces mesures, on peut citer la surveillance quotidienne des symptômes, les règles de distanciation sociale, les restrictions de visites, les procédures de dépistage et de quarantaine, le renforcement des méthodes de désinfection, la formation et la protection du personnel, les procédures de signalement, la clarification des structures de décision, les campagnes de sensibilisation et l'adoption d'autres règles et plans de prévention nationaux ou locaux (consulter le site ltccovid.org pour un remarquable panorama de ces mesures dans les différents pays).

« Les pays doivent tirer des leçons de cette crise pour concevoir et améliorer leurs systèmes sociaux et de soins aux personnes âgées. »

Pour certains aidants, la situation est extrêmement tendue, car ils doivent faire face à de multiples besoins de soins, la perte d’un emploi et bien d'autres difficultés liées à la pandémie. Pour les bénéficiaires de soins à domicile et les aidants familiaux qui n'habitent pas sous le même toit, le confinement a posé des problèmes particulièrement complexes pour respecter les mesures de distanciation tout en apportant l'aide et les soins nécessaires.

Les pays doivent tirer des leçons de cette crise pour concevoir et améliorer leurs systèmes sociaux et de soins aux personnes âgées.  Voici trois axes d’action pour améliorer la réponse immédiate et faire en sorte qu’elle protège les plus vulnérables, pour renforcer à moyen terme la santé et la sécurité des personnes âgées fragiles et des personnes handicapées, et pour penser les réformes de long terme qui permettront de mettre sur pied des systèmes de soins efficaces, équitables et résilients.

Premièrement, renforcer la solidité et la sécurité des systèmes de protection sociale et médicale des personnes âgées fragiles et des personnes handicapées.

Dans l'immédiat, il faut prendre des dispositions pour gérer de possibles nouvelles flambées épidémiques et assurer les soins nécessaires aux personnes dépendantes. Les mesures qui ont donné de bons résultats doivent être maintenues pour protéger les résidents des établissements de soins, à savoir la généralisation des tests de dépistage pour prévenir la propagation et isoler les cas, la mise à disposition d'équipements de protection individuelle pour les soignants, la gestion de leur charge de travail et la couverture de leurs arrêts maladie. Parallèlement, les systèmes de protection sociale existants peuvent être adaptés de manière à mieux couvrir les arrêts de maladie rémunérés, à ajuster les montants des prestations d'invalidité et la fréquence des paiements et à fournir une aide financière aux personnes qui cessent de travailler pour soigner des membres de leur famille handicapés ou prévenir leur contamination, et qui ne perçoivent pas d'allocations de chômage ou de maladie pour aider ceux qu'elles accompagnent. La réponse à moyen terme consiste à élargir l'offre structurée de soins à domicile et à améliorer la recherche et les données pour suivre, évaluer et renforcer les systèmes de santé et de prestation de soins afin de répondre aux besoins des personnes âgées et des personnes handicapées.

Deuxièmement, renforcer la tutelle du marché de la santé par les pouvoirs publics.

Les pays disposant déjà de systèmes publics d'aide aux personnes âgées dépendantes, aux personnes handicapées et à d'autres groupes nécessitant des soins spécifiques pourraient apporter une réponse plus efficace en s'appuyant sur ces systèmes en place, par exemple en élargissant leur périmètre pour soutenir à la fois les patients et les soignants. Alors que les types de prestataires et les modalités d'accords entre prestataires et financeurs sont généralement déterminés par les politiques et les conditions propres à chaque pays, la crise actuelle peut susciter des discussions importantes sur les conditions convenant le mieux aux uns et aux autres. Une tutelle efficace de l’État se caractérise, entre autres, par des systèmes dotés de circuits de financement performants, des mécanismes de suivi, de contrôle et d'amélioration continue de la qualité des soins assurés par tous les types de prestataires (mécanismes qui, dans les établissements d'accueil, sont fortement dépendants des ressources humaines qui y sont déployées), de coordination entre prestations sociales et médicales, et de systèmes d'information pour la transmission montante et descendante des données.

Le pilotage public est particulièrement important dans les pays qui disposent déjà de systèmes de prestations sociales et d'assurance maladie et qui envisagent de développer des structures de financement et de prestation de soins. Le fait de faire reposer la responsabilité principale sur la famille ou d'autres acteurs privés impose de lourdes contraintes aux aidants familiaux en âge de travailler — parmi lesquels les femmes sont surreprésentées — et nuit à l'efficacité de l'utilisation des ressources médicales. Cette crise a montré que, si le rôle des aidants familiaux et les frais supportés à titre privé seront toujours importants dans de nombreux pays, une surveillance publique et des modèles de financement spécifiques adaptés à la situation de chaque pays sont nécessaires pour soutenir les personnes âgées et leurs familles.

Troisièmement, recourir à des solutions technologiques pour assurer la continuité des soins et lutter contre l'isolement.

Les systèmes de télémédecine réduisent les possibilités de transmission d'agents pathogènes tout en permettant d’assurer la continuité des soins pour les personnes vulnérables et de répondre aux urgences. Par exemple, les technologies de communication mobile permettent de surveiller les constantes vitales et rappeler les heures de prise des médicaments, ce qui limite la nécessité d'un contact physique avec les soignants. L'isolement, un problème permanent pour les personnes dépendantes et qui a de graves conséquences psychologiques et physiologiques, a été aggravé par les mesures de distanciation sociale. Néanmoins, il peut être atténué par la disponibilité constante et la plus grande facilité d'utilisation des systèmes de téléconférence et autres outils de communication, spécialement conçus pour répondre aux besoins des personnes âgées fragiles et des personnes handicapées.

Les conséquences négatives de la pandémie sur les personnes âgées fragiles, les personnes handicapées, leurs familles et leurs aidants sont préoccupantes.  En effet, ces groupes comptent déjà parmi les plus vulnérables de la société et ont besoin de contacts physiques avec d'autres personnes pour survivre, ce qui aggrave leur exposition au virus. Il est donc essentiel que les pouvoirs publics prennent des dispositions pour répondre aux besoins immédiats de ces personnes pendant la crise. Il est tout aussi important de mettre en place des systèmes et des politiques pour atténuer les crises futures, dont notamment une deuxième vague éventuelle de coronavirus, ainsi que les problèmes de santé durables liés à l'infection. Mettre en place des systèmes résilients et accessibles ciblant à la fois les soins en établissement et à domicile, renforcer la surveillance des autorités publiques et recourir intelligemment à des solutions informatiques et des mécanismes de protection sociale sont donc trois moyens susceptibles de mieux préparer les sociétés à protéger les personnes âgées fragiles, les personnes handicapées et d'autres personnes dépendantes, que ce soit face à la crise actuelle ou à d'autres qui surviendraient.

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Auteurs

Michal Rutkowski

Directeur, Protection sociale et Emploi, Banque mondiale

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