Publié sur Opinions

La crise des réfugiés exige une réponse humanitaire et de long terme

Denham et sa famille vivent sous cette tente dans un camp de réfugiés depuis quatre ans. © Dominic Chavez/Banque mondiale


Les plus grands périls ne s’arrêtent pas aux frontières. La crise actuelle des réfugiés le démontre clairement, par son ampleur inédite et ses retentissements sur des individus et des régions très éloignés des lieux touchés par la guerre civile, la fragilité et le conflit. Le référendum qui vient de consacrer le divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne témoigne, pour partie, de la portée déstabilisante des déplacements forcés.

Pendant des années, l’essentiel de la réponse à cette crise a été assumé par une poignée de pays et des travailleurs humanitaires risquant leur vie au quotidien (je pense notamment à ces hôpitaux régulièrement bombardés en Afghanistan (a), en Iraq, en, Libye, en Syrie ou au Yémen) pour faire face à une situation d’urgence dont chacun pressent qu’elle devrait perdurer, probablement sur plus d’une génération.

De nouveaux chiffres publiés la semaine dernière indiquent que le nombre d’individus fuyant leurs foyers continue d’augmenter : selon le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, il y aurait désormais 65 millions de personnes déplacées de force dans le monde, contre 60 millions l’an dernier.

Là encore, cette information rappelle l’impérieuse nécessité de trouver des solutions pour aider les réfugiés et les habitants de pays déchirés par un conflit. Trop longtemps, les acteurs de l’humanitaire et ceux du développement ont travaillé en vase clos. La situation actuelle exige qu’ils coopèrent, sans attendre.

L’intérêt d’organisations de développement comme le Groupe de la Banque mondiale, c’est leur pouvoir de mobilisation de fonds et d’expertises et leur capacité avérée à organiser la scolarisation des enfants et créer des emplois, pour les réfugiés comme pour les communautés hôtes.

En travaillant avec des humanitaires et les pays accueillant des réfugiés, nous mettons actuellement en place des solutions de financement de long terme et à taux d’intérêt quasiment nuls pour étayer le déploiement de projets à l’échelle requise.

L’an dernier, le Groupe de la Banque mondiale a lancé une initiative de financement en faveur de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Notre objectif ? Mobiliser 1 milliard de dollars sur cinq ans et, grâce à ce levier, assurer entre 3 et 4 milliards de prêts concessionnels de long terme. Récemment, l’Union européenne a rejoint les huit pays qui se sont engagés à abonder ce fonds par des dons, des prêts et des garanties afin d’aider les réfugiés syriens et les communautés hôtes en Jordanie et au Liban et de participer à la relance et la reconstruction dans la région.

Pour renforcer ces initiatives, nous mettons sur pied une plateforme de réponse aux crises mondiales, qui pourrait fournir des ressources aux pays à revenu faible et intermédiaire accueillant des réfugiés. Son lancement est prévu en septembre prochain, lors de l’Assemblée générale des Nations Unies.

Nous réfléchissons par ailleurs à la possibilité d’appliquer les modalités du financement axé sur les résultats aux crises humanitaires prolongées. L’emploi de cet instrument, qui apporte actuellement des solutions novatrices dans les interventions de développement, consisterait à conditionner le versement de fonds aux pays et aux organisations humanitaires à la réalisation de résultats donnés. Je suis convaincu que nous tenons là un outil redoutablement efficace face aux drames humanitaires.

Le Groupe de la Banque mondiale s’efforce par ailleurs de réunir toujours plus de données et d’éléments probants sur les démarches les plus mieux adaptées à tel ou tel contexte. Couplées à ce que nous avons pu apprendre sur le terrain, ces informations devraient nous permettre d’apporter une réponse optimale aux réfugiés et aux pays d’accueil.

Avec six autres banques multilatérales de développement, le Groupe de la Banque mondiale collabore plus systématiquement autour d’enjeux comme la création d’emplois, le renforcement des moyens financiers ou l’analyse des causes profondes de la fragilité et de la violence et réfléchit à des solutions pour aider la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord le jour où les conflits qui la déstabilisent prendront fin.

De tels partenariats avec les banques de développement, les organisations humanitaires et les pays d’accueil vont nous aider à préparer la reconstruction dès que des accords politiques mettront fin à la guerre en Syrie, en Libye et au Yémen. Les banques de développement s’intéresseront également aux facteurs qui poussent les populations locales à quitter leur région.

C’est une crise que les acteurs de l’humanitaire et du développement doivent prendre, ensemble, à bras le corps. Premiers à réagir, les travailleurs humanitaires ont rendu un immense service à la collectivité. À nous d’apporter ces solutions de long terme dont ceux qui ont déjà tant sacrifié ont désespérément besoin.
Jim Yong Kim est président du Groupe de la Banque mondiale.
 

Ce billet est une traduction d'un article publié sur le Huffington Post (a).


Auteurs

Jim Yong Kim

Ancien président du Groupe de la Banque mondiale

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