Au cours de la prochaine décennie, les pays du Sud global devront offrir des perspectives à 1,2 milliard de jeunes qui atteindront l’âge de travailler. Un chiffre sans précédent alors que, dans le même temps, le marché du travail ne devrait créer que 420 millions d’emplois, privant ainsi près de 800 millions de jeunes de l’une des voies les plus sûres vers la prospérité.
C’est pourquoi la Banque mondiale redouble d’efforts sur le front de l’emploi, en faisant de cet enjeu un objectif explicite de ses projets, et non pas seulement un résultat incident. À l’évidence, le développement urbain jouera un rôle déterminant dans ce processus.
Les villes occupent une place centrale dans la création d’emplois et le développement
Il est admis depuis longtemps que les villes sont des moteurs de la croissance économique et du développement. C’est dans ces viviers d’activité, d’innovation et de productivité que sont créés la plupart des emplois du secteur privé et qu’est généré l’essentiel du PIB. Les villes offrent aux entreprises les avantages des effets d'agglomération et des retours sur investissement élevés, lesquels jouent un rôle capital dans le développement économique.
L’urbanisation agit comme un levier de sortie de la pauvreté : aucun pays n’a jamais atteint le statut de pays à revenu intermédiaire sans un processus d’urbanisation. Au fur et à mesure qu’une ville s’agrandit, elle devient aussi de plus en plus productive : le doublement de la taille d’une ville est corrélé à une hausse de la productivité de 12 % en Inde, 17 % en Afrique et 19 % en Chine.
Les principaux facteurs qui contribuent à ces gains de productivité sont les suivants :
- Émulation des connaissances : Les agglomérations urbaines permettent aux entreprises de secteurs d’activité similaires de s’implanter à proximité les unes des autres, ce qui facilite la diffusion des idées et des innovations, avec à la clé des progrès technologiques plus rapides et de meilleures méthodes de production.
- Gisements d'emploi et de main-d’œuvre : Les villes constituent de vastes bassins d’emploi et de main-d’œuvre qui permettent aux travailleurs de quitter plus facilement une entreprise pour une autre plus productive, d’améliorer le rendement de la main-d’œuvre, de mieux mettre en relation les entreprises et les travailleurs, et d’encourager le développement de compétences plus spécialisées.
- Services publics : La densité des villes facilite la fourniture des services publics de base et diminue leur coût, ce qui attire les entreprises et les investissements.
- Économies d'échelle : En se regroupant dans les zones urbaines, les entreprises peuvent accéder à des infrastructures et des services partagés, ce qui fait baisser les coûts et accroît l’efficacité de la production.
- Réduction des coûts de transport : Les villes assurent aux entreprises une plus grande proximité avec leurs fournisseurs et leurs clients, ce qui réduit le coût du transport des biens et des services et diminue les coûts de production.
- Spécialisation : L’agglomération peut encourager les entreprises et les travailleurs à se spécialiser dans des tâches ou des produits spécifiques, ce qui peut conduire à une hausse de la qualité et de la production.
Les défis auxquels sont confrontées les villes des pays en développement
Cependant, malgré ces atouts de poids, plusieurs facteurs empêchent d’exploiter le potentiel de productivité et de développement économique que recèlent les villes. La liste est longue des difficultés auxquelles se heurte un grand nombre d’entre elles : prix élevés du logement et de l’immobilier commercial, inefficacité de l’utilisation du sol et de l’aménagement du territoire, manque de fiabilité de l’accès aux services essentiels, charges onéreuses pour les entreprises, systèmes de transport public insuffisants, offre d’éducation et de formation médiocre, réseaux d’innovation limités, et impact croissant des dérèglements climatiques et des aléas naturels.
Si ces difficultés concernent l’ensemble des villes, celles des pays en développement manquent de moyens financiers pour investir dans les infrastructures permettant d’y remédier, des réseaux de transport public à l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement en passant par la qualité de l’air. De plus, elles ne sont souvent pas en mesure d’adopter et de mettre en œuvre les politiques nécessaires au bon fonctionnement des marchés du travail.
Pour toutes ces raisons, les conditions de vie dans les villes en développement nuisent à la productivité, l’habitabilité et la croissance. Leurs habitants sont par exemple confrontés à des taux d’homicide quatre fois plus élevés que les citadins des pays développés, ils passent de 19 à 30 % de temps en plus dans la circulation et subissent des niveaux de pollution entre 16 et 28 % plus élevés.
L’approche de la Banque mondiale en faveur d’économies locales plus dynamiques
Ces efforts visent à mieux connecter les marchés du travail, à former une main-d’œuvre plus qualifiée, à améliorer l’accès au foncier pour créer des opportunités économiques, à mettre en place des conditions propices à l’entreprise, à faciliter l’accès aux financements et à favoriser les possibilités de développement économique local. En voici quelques exemples :
- En Haute-Égypte, le programme de développement local (a) a pour objectif de stimuler la croissance économique et la création d’emplois en améliorant l’environnement des affaires et en renforçant la capacité des administrations locales à fournir des infrastructures et des services de qualité. Cofinancé par la Banque mondiale, ce programme axé sur les résultats vise à autonomiser les autorités locales, à améliorer les infrastructures et à créer un climat d’investissement plus propice au développement du secteur privé. À ce jour, il a bénéficié à 59 000 entreprises et environ 8 millions d’habitants, avec la création de quelque 70 000 emplois directs.
- En Arménie, le projet de développement de l’économie et des infrastructures locales (a) visait à améliorer les services d’infrastructure et les capacités institutionnelles dans un certain nombre de régions du pays, de manière à accroître la contribution du tourisme à l’économie locale, Grâce à ce projet, le gouvernement arménien a favorisé la création de plus d’un millier d’emplois, permis d’augmenter considérablement les dépenses touristiques et amélioré la qualité de vie des habitants grâce à de meilleures infrastructures et services.
- En Argentine, le projet de transformation du Grand Buenos Aires (a) a financé un ambitieux programme d’intégration économique de l’un des quartiers les plus emblématiques et défavorisés de la métropole, le Barrio Mugica (ou Barrio 31). Il s'est attaché à améliorer le niveau de vie des habitants grâce à la rénovation des logements et des infrastructures et à favoriser leur accès à des emplois plus nombreux et de meilleure qualité grâce à des formations professionnelles, des services d’aide à l’insertion et un accès aux marchés. Le projet a mis en place un centre de développement économique local dont ont bénéficié environ 20 000 résidents et près de 2 200 entreprises, permettant à près de 2 000 personnes d’accéder à leur premier emploi dans le secteur formel et à environ 200 entreprises de sortir de l'économie informelle.
Par ailleurs, la Banque mondiale investit activement dans les connaissances et la recherche afin d’aider les pays à développer leur économie et à offrir plus de débouchés à leur population, en particulier dans les zones urbaines. Citons par exemple le rapport Dix mille pas à sa place, qui analyse le rôle des transports publics dans l’autonomisation économique des femmes en milieu urbain, ou encore Migrants, marchés et maires, qui traite plus particulièrement des villes secondaires africaines et de la manière dont leurs édiles pourraient mieux intégrer les migrants au marché du travail. Une publication régionale à paraître prochainement se penchera sur le rôle des villes pour l’emploi et la croissance au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Conclusion
Les villes jouent un rôle central dans la création d’emplois et le développement économique. Ce sont des pôles d’activité, d’innovation et de productivité. Un développement urbain bien maîtrisé est essentiel pour lutter contre la pauvreté, créer des emplois et favoriser la croissance économique. Des investissements dans les infrastructures, les services et les équipements des villes sont nécessaires pour rapprocher leurs habitants des opportunités d’emploi et assurer une croissance inclusive.
En tirant parti de tout le potentiel de transformation qu’apportent les villes, nous pouvons stimuler une croissance durable, sortir des millions de personnes de la pauvreté et contribuer à combler le déficit d’emplois dans le monde. Il n’y a pas de temps à perdre !
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