Débloquer des financements pour les industries créatives

Les industries créatives telles que le cinéma, la musique, la mode et la publicité sont une source d'activité économique de plus en plus importante dans le monde. Elles génèrent environ 2 000 milliards de dollars de recettes et soutiennent plus de 50 millions d'emplois, en particulier pour les jeunes. Pourtant, le secteur peine à obtenir les financements dont il a ont besoin pour réaliser son plein potentiel.

La puissance des industries créatives dans les économies émergentes

Les industries créatives sont des activités qui transforment les idées, la propriété intellectuelle et le patrimoine culturel en biens ou services créatifs. Dans les marchés émergents et les économies en développement, elles sont particulièrement importantes, car elles offrent des débouchés aux jeunes et aux femmes qui se heurtent souvent à des obstacles à leur participation à la vie économique. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure, les 15-24 ans occupent près d'un quart de tous les emplois dans les professions culturelles. Une récente série d'études par pays menées par la Banque mondiale sur les industries créatives révèle que celles-ci contribuent à hauteur de 4 à 15 % du PIB et de l'emploi, notamment aux Philippines, au Brésil, en Corée et aux États-Unis. Toutefois, en dépit de leur potentiel, les PME du secteur sont en butte à des difficultés persistantes liées à leur manque de capacités, à l'environnement réglementaire et à l'accès au financement, en particulier par rapport à leurs homologues des économies développées.

Le déficit de financement et le rôle de la propriété intellectuelle 

L'un des principaux obstacles est le manque d'accès à des financements abordables et souples. À l'échelle mondiale, l'investissement s'est déplacé vers les actifs incorporels, où la valeur de la propriété intellectuelle excède souvent celle des actifs corporels. Les actifs immatériels représentent aujourd'hui près de 80 000 milliards de dollars dans le monde. Selon la base de données mondiale INTAN-Invest de l'OMPI-LBS (a), qui couvre 26 pays représentant 52 % du PIB mondial, le total des investissements incorporels a toujours dépassé les investissements corporels, et ils ont augmenté trois fois plus vite au cours de la période 2008-2023. Même si tous ne sont pas associés aux industries créatives, ils soulignent l'importance économique croissante des actifs immatériels comme la propriété intellectuelle, dont les marques, les droits d'auteur et les brevets. Et alors que la propriété intellectuelle recèle un immense potentiel en tant qu'actif financier, elle n'est pas reconnue au niveau mondial comme une garantie en termes d'adéquation des fonds propres. Ainsi, dans le cadre de l'approche standard du risque de crédit de Bâle III, les actifs incorporels, y compris la propriété intellectuelle, ne sont pas admissibles en tant que caution pour réduire l'exposition au risque de crédit, ce qui limite leur utilisation pour garantir les prêts.

Dans nombre d’économies émergentes et en développement, le problème est aggravé par l'absence de régimes de garantie solides et de cadres réglementaires, ce qui ne facilite pas l'utilisation de la propriété intellectuelle comme garantie. Le manque de connaissances, de réflexion et de recherches sur des aspects essentiels tels que la valorisation de la propriété intellectuelle, les normes comptables, l'évaluation des risques et la dynamique du marché entrave encore davantage les progrès. Cette situation limite non seulement la croissance des PME du secteur créatif, mais freine également l'innovation et la résilience économique.

Recherches de la Banque mondiale sur la monétisation de la propriété intellectuelle et le financement des PME créatives

La Banque mondiale, avec le soutien du Fonds de partenariat Corée-Banque mondiale (a) et du Fonds fiduciaire CreatiFi, étudie de nouvelles solutions de financement pour les PME des industries créatives. L'objectif est de proposer un aperçu des bonnes pratiques et des approches existantes en matière de financement des PME du secteur, à différents stades de leur développement. 

Une première étape essentielle consiste à étudier les mécanismes et les réformes réglementaires qui permettent aux PME créatives de monétiser leurs actifs de propriété intellectuelle, au moyen de modèles traditionnels tels que les redevances de droits d'auteur versées par les organismes de gestion collective, et aussi de modèles numériques tels que le « freemium », les recettes publicitaires provenant des plateformes numériques et les cyberjetons (NFT). Pour aider les PME du secteur de la création à obtenir un accès plus formel au financement, il est également indispensable de déterminer un prix et d'aider les entreprises à générer des revenus ou des redevances à partir de leur propriété intellectuelle.

Nous analysons les besoins de financement spécifiques des PME du secteur créatif, depuis les start-up jusqu'aux entreprises matures, et proposons des stratégies pour combler le déficit de financement. Le rôle de la propriété intellectuelle en tant qu'actif incorporel sera au centre de nos prochaines publications sur ce sujet, en étudiant comment des régimes de garantie favorables, des innovations telles que les contrats intelligents et des réformes réglementaires peuvent permettre aux entrepreneurs créatifs de monétiser efficacement leur propriété intellectuelle. En traitant de questions telles que l'évaluation, la gestion des risques, la reconnaissance et la protection réglementaires, ces recherches serviront, nous l'espérons, de tremplin pour lancer et contribuer au dialogue mondial sur le financement des industries créatives adossé à la propriété intellectuelle. En outre, la Banque mondiale prépare un projet plus large intitulé « Industries créatives pour l'emploi et la croissance », dans le cadre duquel les équipes chargées du développement du secteur financier et du développement du secteur privé travaillent conjointement sur la demande et l'offre de financement pour les PME créatives.

Un appel à l’action

Le Dialogue de l'OMPI sur le financement de la propriété intellectuelle (a), une conférence réunissant des décideurs, des experts financiers, des innovateurs et des universitaires qui s'est tenue à Genève en mai 2025, a mis en évidence le besoin urgent de repenser la manière dont nous finançons la créativité et l'innovation. Alors que l'économie des actifs immatériels continue de remodeler les marchés mondiaux, les économies émergentes et en développement ne doivent pas être oubliées. La Banque mondiale s'emploie à contribuer à ce débat, en travaillant avec les gouvernements, les institutions financières et les organisations internationales afin de créer un environnement propice aux investissements privés et de faciliter le développement des industries créatives pour stimuler l'emploi et la croissance.