Publié sur Opinions

Du football à la lutte contre la pauvreté, un appel à la bonne gouvernance

Children playing football in Timor-Leste. © Alex Baluyut/World Bank


​L'enquête, la mise en accusation et l'arrestation de plusieurs responsables de la FIFA envoie un message simple et puissant : dans le monde actuel, aussi intouchable qu’une entité puisse sembler, aucune organisation, aucune entreprise, aucun gouvernement ne peut ni échapper à la vigilance du public ni se soustraire à la loi lorsqu’il y a des allégations de fraude et de corruption. La corruption est de moins en moins tolérée comme un « coût de la pratique des affaires ».
 
Dans sa lutte contre la pauvreté, la Banque mondiale s’efforce de faire pencher la balance en faveur de l’honnêteté. Nous enquêtons et nous demandons des comptes aux responsables lorsque nous recevons des allégations de pratiques délictueuses dans le cadre de nos projets. Depuis que nous nous attelons à cette tâche, nous avons sanctionné plus de 700 personnes physiques et morales pour faute grave. La plupart de ces sanctions entraînent une forme d’exclusion : il est fait interdiction à ces personnes physiques et morales de présenter une offre pour obtenir un marché financé par la Banque. Nous avons récemment publié une revue actualisée (a) de notre expérience des enquêtes et du règlement de cas de fraude et de corruption, qui montre qu’il est possible de combattre la corruption de manière efficiente, efficace et équitable

Avec le recul, nous constatons qu’il a fallu des années à la Banque mondiale pour constituer un solide système de sanctions. Nous pouvons partager les leçons de cette expérience avec les autorités chargées du maintien de l’ordre et du respect de la loi au niveau national, ainsi qu’avec les entreprises et les nouveaux partenaires de développement qui rejoignent notre lutte contre la pauvreté.
 
Que savons-nous de la fraude et de la corruption ? D’une part, il est clair que le problème ne se limite pas à un pays ou à une région. Il ne s’agit pas non plus d’un phénomène propre au monde en développement : les entreprises et les individus qui sont pris en flagrant délit de corruption ou de mensonge sur leurs performances viennent autant de pays riches que de pays pauvres. 
 
Qu’est-ce qui caractérise ces affaires ? Il s’agit bien souvent de versements de pots-de-vin ou de dessous-de-table dans le but d’obtenir un contrat ou de pratiques de collusion afin d’étouffer la concurrence. Nombre de cas relèvent directement de la fraude : présentation d’une fausse expérience, dissimulation d’un conflit d’intérêts ou fausses factures. Plus de 80 % des sanctions infligées par nos enquêteurs portent sur des allégations de pratiques frauduleuses. Et la fraude peut avoir des conséquences aussi désastreuses sur le développement que les pots-de-vin. C’est le cas par exemple lorsqu’un entrepreneur utilise des matériaux de mauvaise qualité pour construire une route et ment pour être payé. Des pans entiers de cette route seront emportés après une saison de fortes pluies, et ce sont les personnes qui ont besoin de cette infrastructure pour accéder aux marchés, aux hôpitaux et aux écoles qui seront lésées.
 
Qui vole aux pauvres ? Tout le monde, depuis les multinationales jusqu’aux petites entreprises, en passant même par les ONG. Le problème est omniprésent. Quel que soit le secteur ou la taille du contrat, la fraude et la corruption peuvent fausser les marchés publics et grever l’efficacité du développement.
 
Les sanctions que nous imposons sont prises au sérieux. Lorsque nous excluons une personne physique ou morale, non seulement elle perd des opportunités commerciales avec la Banque mondiale, mais elle est automatiquement exclue des opérations avec les autres banques multilatérales de développement. Le coût pour sa réputation est tout aussi significatif : les sanctions de Banque mondiale sont annoncées publiquement et notre liste d’exclusion (a) est de plus en plus surveillée par les organismes nationaux, les ONG et les services de contrôle du secteur privé.
 
Les sanctions sont essentielles pour éviter que les actes délictueux ne se reproduisent. Cependant, même si la répression est nécessaire, elle ne sera jamais suffisante pour résoudre le problème de la mauvaise gouvernance. Après huit années consacrées à la mise en place et au renforcement d’un solide système de sanctions, la Banque mondiale s’intéresse désormais de plus en plus aux incitations à la coopération et à l’adoption de mesures de conformité strictes. En d’autres termes, nous cherchons, avec nos partenaires, à instiller une culture de prévention et d’intégrité afin d’aider les personnes physiques et morales à se tenir à l'écart de ces pratiques et à protéger les rares ressources qui peuvent être consacrées au développement.
 
Nous observons une tendance encourageante. Une entreprise a en effet tout intérêt à refuser la corruption non seulement parce que le risque de se faire prendre est accru, mais également pour des raisons de bonne gouvernance. Si les membres du personnel versent des pots-de-vin ou falsifient des factures, cela montre que les contrôles que l’entreprise a mis en place ne protègent pas non plus son chiffre d’affaires. Nous avons appris là une leçon importante, et le monde du football semble lui aussi l’avoir comprise.

 
Ce billet a été initiallement posté sur LinkedIn.


Auteurs

Sri Mulyani Indrawati

Directrice générale et directrice des opérations

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