Publié sur Opinions

En 2024, les envois de fonds des migrants vers les pays en développement devraient atteindre 685 milliards de dollars et dépasser le montant cumulé des IDE et de l’APD

En 2024, les envois de fonds des migrants vers les pays en développement devraient atteindre 685 milliards de dollars et dépasser le montant cumulé des IDE et de l’APD

18 décembre : Journée internationale des migrants

Le montant officiel des envois de fonds des migrants vers les pays à revenu faible et intermédiaire devrait atteindre 685 milliards de dollars en 2024. Le poids réel des remises migratoires devrait même être encore plus important si l’on tient compte des canaux informels. Les envois de fonds ont ainsi progressé de 5,8 % par rapport à 2023, soit une croissance nettement supérieure au taux de 1,2 % enregistré en 2023 (tableau 1).
 

Tableau 1. Remises migratoires vers les régions à revenu faible et intermédiaire, 2017-2024

Milliards USD

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024e

Pays à revenu faible et intermédiaire

465

510

536

530

587

640

647

685

   Asie de l’Est et Pacifique

129

137

143

132

128

132

135

136

       Hors Chine

65

70

75

72

75

81

85

88

   Europe et Asie centrale

42

47

49

46

55

68

62

64

   Amérique latine et Caraïbes

81

89

96

104

131

144

155

163

   Moyen-Orient et Afrique du Nord

54

55

57

59

67

65

55

58

   Asie du Sud

117

132

140

147

157

177

185

207

   Afrique subsaharienne

42

49

50

43

49

54

55

56

Pays à revenu élevé

179

189

193

191

208

205

218

219

Monde

644

699

729

721

795

844

865

905

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Croissance annuelle (%)

 

 

 

 

 

 

 

 

Pays à revenu faible et intermédiaire

8,9

9,7

5,0

-0,9

10,6

9,0

1,2

5,8

   Asie de l’Est et Pacifique

5,3

7,0

4,0

-8,0

-2,5

2,8

2,0

1,0

       Hors Chine

5,8

8,4

6,4

-3,4

4,5

7,4

5,2

3,3

   Europe et Asie centrale

20,1

13,1

4,2

-7,2

20,2

24,1

-8,7

3,0

   Amérique latine et Caraïbes

10,9

9,9

8,2

7,4

26,2

10,4

7,5

5,5

   Moyen-Orient et Afrique du Nord

13,4

1,8

3,9

4,1

12,8

-3,2

-14,6

5,4

   Asie du Sud

6,0

12,3

6,1

5,2

6,7

12,4

5,1

11,8

   Afrique subsaharienne

9,6

17,1

0,9

-13,8

13,6

10,3

1,0

2,4

Pays à revenu élevé

7,0

5,8

2,3

-1,4

8,9

-1,5

6,6

0,7

Monde

8,4

8,6

4,2

-1,1

10,2

6,3

2,5

4,2

Source : estimations des auteurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes:  e = estimation

 

 

 

 

 

 


Les cinq principaux pays bénéficiaires de ces envois de fonds en 2024 sont l’Inde (129 milliards de dollars), le Mexique (68 milliards de dollars), la Chine (48 milliards de dollars), les Philippines (40 milliards de dollars) et le Pakistan (33 milliards de dollars) (figure 1). Dans les petites économies, les remises migratoires représentent une part très importante du PIB, ce qui souligne l’importance de ces envois de fonds pour le financement des déficits de la balance des paiements et du budget de l'État. Au premier rang de ces pays figure le Tadjikistan (45 % du PIB), suivi des Tonga (38 %), du Nicaragua (27 %), du Liban (27 %) et du Samoa (26 %) (figure 2).


Figure 1. Principaux destinataires des remises migratoires parmi les pays à revenu faible et intermédiaire, en volume, 2024e

 

Figure 1. Principaux destinataires des remises migratoires parmi les pays à revenu faible et intermédiaire, en volume, 2024e

 



Figure 2. Principaux destinataires des remises migratoires parmi les pays à revenu faible et intermédiaire, en pourcentage du PIB, 2024e

 

Figure 2. Principaux destinataires des remises migratoires parmi les pays à revenu faible et intermédiaire

 

Source : estimations des auteurs.  Note : PIB = produit intérieur brut ; e = estimation ; faute de données valides, les chiffres concernant le Yémen, la Somalie et le Soudan du Sud ne sont pas inclus dans les graphiques.

La croissance des envois de fonds a été principalement tirée par la reprise post-COVID des marchés de l’emploi dans les pays à revenu élevé de l’OCDE. C’est particulièrement vrai aux États-Unis, où l’emploi des travailleurs étrangers s'est progressivement redressé, pour atteindre aujourd’hui un niveau supérieur de 11 % à celui observé en février 2020, avant l’explosion de la pandémie (figure 3). En revanche, les chiffres de l’emploi chez les travailleurs nés aux États-Unis ont tout juste retrouvé leur niveau pré-COVID. On observe une tendance analogue dans le cas des travailleurs hispaniques, qui constituent un facteur clé de la vigueur des envois de fonds vers la région Amérique latine et Caraïbes.


Figure 3. Évolution de l’emploi des travailleurs étrangers et des travailleurs nés aux États-Unis

 

Figure 3. Évolution de l’emploi des travailleurs étrangers et des travailleurs nés aux États-Unis

 

Source : Bureau américain des statistiques du travail (BLS).

 

En ce qui concerne les tendances régionales, c'est l’Asie du Sud qui devrait connaître la plus forte progression des remises migratoires en 2024, à hauteur de 11,8 % (figure 4), à la faveur principalement de la poursuite de flux soutenus vers l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh. Vient ensuite le Moyen-Orient et Afrique du Nord, avec une hausse estimée à 5,4 %, qui s'explique principalement par le rebond des remises migratoires vers l’Égypte, alors que la région avait enregistré une chute des envois de fonds de 14,6 % en 2023.

La croissance des envois de fonds vers l’Amérique latine et les Caraïbes devrait ralentir à 5,5 % en 2024, contre 7,5 % un an auparavant. Les remises migratoires vers le Mexique devraient s’accroître de 3 %, pour atteindre environ 68 milliards de dollars en 2024. Le Mexique est de loin le pays qui reçoit le plus gros volume d’envois de fonds dans la région, suivi du Guatemala. Il se classe également au deuxième rang des principaux pays destinataires dans le monde.

Les envois de fonds continueront d’affluer vers le Mexique et le Guatemala en raison non seulement de la vigueur du marché de l’emploi aux États-Unis mais aussi du nombre considérable de migrants transitant par ces pays (en provenance notamment de Cuba, de Chine, d’Équateur, d’Haïti, d’Inde, du Nicaragua et du Venezuela, selon le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis). Le nombre d’arrestations de migrants par la patrouille frontalière américaine en novembre 2024 est le plus bas depuis juillet 2020, tandis que le nombre de migrants à la frontière sud du Mexique semble augmenter.

Ailleurs dans le monde, la croissance des remises migratoires vers l’Europe et Asie centrale devrait rebondir à 3 %, après avoir chuté de 8,7 % en 2023. La normalisation des envois de fonds vers les pays d’Asie centrale, principalement en provenance de Russie, est venue compenser la faiblesse persistante des flux vers l’Ukraine. Enfin, le montant des remises migratoires devrait progresser de 3,3 % pour l’Asie de l’Est et Pacifique (hors Chine) et de 2,4 % pour l’Afrique subsaharienne.


Figure 4. Variation annuelle des flux de remises migratoires en 2023 et 2024, par région et agrégat

 

Figure 4. Variation annuelle des flux de remises migratoires en 2023 et 2024, par région et agrégat

 

Source : estimations des auteurs. Note : LMIC = pays à revenu faible et intermédiaire (la Bulgarie, les Palaos et la Russie sont passés dans la catégorie des pays à revenu élevé sur l’exercice 2025) ; e = estimation.


Il convient de noter que les envois de fonds des migrants continuent de surpasser les autres catégories de flux financiers extérieurs vers les pays à revenu faible et intermédiaire. Ils dépassent même largement les IDE (figure 5). Les remises migratoires devraient encore creuser l’écart avec les IDE en 2024. Au cours de la dernière décennie, elles ont progressé de 57 %, tandis que les IDE ont connu un déclin de 41 %. On peut s’attendre à ce que ces envois de fonds continuent d’augmenter en raison des très fortes pressions migratoires dues aux tendances démographiques, aux inégalités de revenus et aux dérèglements du climat. Les pays doivent par conséquent prendre acte de l’ampleur et de la résilience des remises migratoires et faire en sorte de les exploiter pour réduire la pauvreté, financer la santé et l’éducation, assurer l’inclusion financière des ménages et améliorer l’accès des entreprises (publiques ou non) aux marchés financiers.


Figure 5. Les remises migratoires continuent de surpasser le montant cumulé des IDE et de l’APD

 

Figure 5. Les remises migratoires continuent de surpasser le montant cumulé des IDE et de l’APD

 

 

Source : estimations Banque mondiale/KNOMAD ; Indicateurs du développement dans le monde ; Statistiques de la balance des paiements du FMI.
Note : IDE = investissement direct étranger ; APD = aide publique au développement.


Les bases de données historiques sur les flux d’envois de fonds pour tous les pays peuvent être consultées ici.


Dilip Ratha

Économiste principal et conseiller de l’Agence multilatérale de garantie des investissements

Sonia Plaza

Économiste principal au sein de la Pratique mondiale pour la Finance, compétitivité et innovation de la Banque mondiale

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