Ce billet est publié en mémoire de Judith (Judy) Heumann (a), infatigable militante des droits civiques qui fut la première conseillère de la Banque mondiale en matière de handicap et de développement, de 2002 à 2006. Décédée le 4 mars 2023, Judy a joué un rôle déterminant dans l'élaboration du programme d'inclusion des personnes handicapées poursuivi par la Banque mondiale.
Beata Nyirahabinshuti, enseignante à Kigali, sait ce que signifie de se sentir exclue. Malvoyante, elle avait du mal à s'épanouir dans son métier en raison de l'absence d'aménagements pour son handicap. Mais un jour, tout a changé. L’Initiative pour l'éducation inclusive (a) et le Conseil rwandais de l'éducation de base ont dispensé une formation à Beata et à 21 autres enseignants malvoyants, ainsi qu'à leurs chefs d'établissement, afin de leur permettre d'enseigner dans des écoles classiques. Celle de Beata lui a aussitôt confié une classe accessible et affecté un assistant pédagogique, elle lui a fourni du papier braille et un ordinateur portable équipé d'un logiciel adapté. Aujourd'hui, Beata se sent pleinement en capacité de mener sa classe et de vivre sa passion pour l'éducation des enfants.
Le cas de Beata est loin d'être isolé. Une femme sur cinq dans le monde — 20 % de la population féminine — est atteinte d’un handicap. Si les femmes handicapées rencontrent les mêmes difficultés que celles qui ne le sont pas, elles sont de plus en butte à d'autres formes de discrimination et à des obstacles matériels qui les empêchent de participer à la vie socio-économique. En cette Journée internationale des femmes, alors que nous célébrons les femmes dans toute leur diversité à travers le monde, leurs réalisations et leurs ambitions, nous devons continuer à nous efforcer de lever les barrières auxquelles elles se heurtent encore, en particulier celles qui sont marginalisées, pour participer librement et sur un pied d'égalité à la vie de la société. Le Groupe de la Banque mondiale vient de se doter d’une nouvelle boîte à outils (a) pour faciliter l'intégration des femmes et des filles porteuses d’un handicap dans ses opérations et être ainsi en mesure de mieux respecter ses engagements en matière d'égalité des sexes et d'inclusion des personnes handicapées.
Le manque de connaissances pratiques sur l'inclusion des femmes handicapées et des données lacunaires sont parmi les facteurs qui entravent l'efficacité des interventions. Les femmes en situation de handicap sont largement absentes des statistiques et des enquêtes officielles, car les données sur les personnes handicapées sont rarement ventilées par sexe , et celles sur le genre précisent rarement les handicaps. La nouvelle boîte à outils recense les questions clés à examiner sous l'angle du genre et du handicap lors de la conception de projets et d'autres interventions, à savoir notamment les enjeux liés à l’accessibilité physique et numérique, la présence d’un cadre législatif et réglementaire porteur, la disponibilité des données, la sensibilisation, l'accessibilité financière, l'acceptabilité et la sécurité.
Garantir la participation significative des femmes handicapées est essentiel pour lutter contre leur exclusion. Les structures de direction des mouvements de défense du handicap reflètent souvent des normes patriarcales présentes dans de nombreuses sphères de la société, et les femmes handicapées ont beaucoup moins de chances d'occuper des postes de direction que les hommes dans une situation analogue. Pour lutter contre ces inégalités entre les sexes, la boîte à outils aide les responsables de la mise en œuvre des projets à se pencher sur les questions croisées de l'inclusion des femmes et des personnes handicapées tout au long du cycle du projet. Les solutions pour contourner les obstacles comprennent la création d'espaces sûrs pour les femmes handicapées, la flexibilité des horaires de réunion et la présence de facilitatrices. Les projets de développement ne peuvent être véritablement inclusifs que lorsque les voix des femmes handicapées sont entendues.
L'intégration des personnes handicapées suppose de franchir le « dernier kilomètre » qui conduit à un processus de développement véritablement durable et inclusif. Cet effort conduit à des changements de comportement qui enrichissent la vie quotidienne des individus et modifient la perception du handicap. Beata peut en attester : même la communication de son école est désormais plus accessible. « Avant, ils postaient une photo sur le groupe WhatsApp sans explications, dit-elle. Maintenant, ils ajoutent une description. Le chef d'établissement a même commencé à donner des exemples d'intégration des personnes handicapées au cours de ses réunions. » En cette Journée internationale des femmes, réaffirmons notre engagement à garantir l'égalité des chances pour tous.
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