En Afrique, les deux tiers de la population ont moins de 24 ans, et un grand nombre de ces jeunes, y compris parmi ceux qui sortent de l'université, n’ont pas un emploi qui leur permet de vivre décemment. En Asie du Sud, une étude de 2019 a montré que plus de la moitié (a) des jeunes diplômés ne possédaient pas les compétences requises pour décrocher un emploi à l’horizon 2030. Dans un monde où la jeunesse est en plein essor, deux questions se posent avec une acuité toujours plus d'actualité : comment remodeler l’enseignement supérieur pour faire en sorte qu’il tienne sa promesse d’emploi ? Quelle place pour des voies alternatives qui forment les talents de demain ?
Le rôle traditionnel des diplômes universitaires est en pleine mutation. Les inscriptions dans l’enseignement supérieur ont plus que doublé au cours des deux dernières décennies. Mais en même temps, de nombreux diplômés ont du mal à s'insérer dans la vie professionnelle. Face à ce constat, il est indispensable de repenser l’éducation et de se tourner vers des innovations qui facilitent la transition des étudiants vers le marché du travail. L’intégration d’autres modèles d’apprentissage, à l’instar notamment des programmes de formation rémunérée, peut permettre d’adapter l’offre éducative aux défis que rencontrent aujourd’hui les entreprises.
Un modèle gagnant-gagnant pour les étudiants et les employeurs
Comme son nom l’indique, le principe de la formation rémunérée est de permettre aux apprenants d’acquérir des compétences pertinentes tout en percevant un revenu. Ce type de programme, qui prend généralement la forme d’un partenariat entre un employeur et un établissement d’enseignement, offre la flexibilité nécessaire pour concilier études et travail. Contrairement aux formations « sur le tas » ou en cours d'emploi, qui consistent à développer les compétences des employés déjà en poste, les programmes de formation rémunérée permettent aux étudiants d’acquérir une expérience et des compétences professionnelles et de bénéficier en même temps d’un vrai revenu.
Ce modèle est important à deux titres.
Premièrement, les programmes d’apprentissage alternatifs peuvent inciter davantage de jeunes à faible revenu à poursuivre des études supérieures et les mener à leur terme. Un corpus croissant de travaux (a) montre que les étudiants issus de milieux défavorisés sont plus susceptibles d’abandonner leurs cursus universitaires. En Amérique latine, malgré une augmentation des taux bruts d’inscription, l’accès à l’enseignement supérieur reste plus élevé dans les tranches de revenus les plus aisées (a). Il en est de même en Afrique où, en dépit d’une croissance annuelle de 15 % de la demande, 9 % seulement des jeunes âgés de 18 à 23 ans (a) sont inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur. Plus de la moitié (a) des adultes de la région craignent de ne pas pouvoir payer leurs frais de scolarité.
Deuxièmement, les programmes de formation rémunérée permettent de développer les viviers de talents, ce qui constitue un élément essentiel de la croissance et de l’efficacité des organisations. En nouant des partenariats avec les universités, les entreprises peuvent identifier et remédier aux pénuries actuelles et futures de compétences, réduire leurs coûts de formation et encourager l’innovation. Cet impératif est rendu d'autant plus urgent avec les nouvelles mutations de la main-d’œuvre mondiale. En 2030, ce sont près d’un tiers (a) des emplois dans le monde qui auront été transformés par les progrès technologiques. Et, selon un rapport LinkedIn, environ 50 % (a) des professionnels de la gestion des talents perçoivent cette crise des compétences. Comme en écho à ce chiffre, 77 % des dirigeants d’entreprise (a) pensent que leurs organisations doivent aider leurs employés à se perfectionner et se mettre à niveau. D’où l'intérêt des programmes de formation rémunérée, qui contribuent à la constitution d’un écosystème de talents plus solide, au développement professionnel et à la productivité économique. Ce modèle pourrait changer la donne en facilitant l’insertion de nombreux jeunes dans l’emploi.
Le Maharishi Invincibility Institute (MII) en fournit une illustration remarquable. Cet institut promeut des programmes d’enseignement supérieur gratuits au Brésil, en Afrique du Sud, au Mexique, au Zimbabwe et en Zambie. Son dispositif de formation rémunérée offre aux étudiants une allocation mensuelle qui leur permet de poursuivre leurs études tout en développant une expérience professionnelle utile. Il se double d’un autre dispositif grâce auquel les bénéficiaires du programme financent la formation d’autres étudiants. Et les résultats sont éloquents : les diplômés de l’institut Maharishi devraient gagner environ 3 milliards de dollars de revenus cumulés au cours de leur carrière professionnelle, aidant ainsi à briser le cercle vicieux de la pauvreté. Rien qu’en Afrique du Sud, le programme Nelson Mandela Extranet, une initiative de certification entre pairs, a déjà bénéficié à plus de 600 000 jeunes et devrait toucher 2 millions de personnes supplémentaires au cours des cinq prochaines années.
Un impact démultiplié par les partenariats
Il est possible de démultiplier cet impact grâce à des collaborations stratégiques. Cela passe d'abord par des partenariats plus étroits entre universités et employeurs, ce qui suppose d’amener les établissements d’enseignement supérieur et les entreprises à prendre conscience de l’urgence à adopter de nouveaux modèles d’apprentissage. C'est ce à quoi s’emploie le programme D4TEP d’IFC (a), une initiative axée sur la transformation numérique de l’enseignement tertiaire et à laquelle ont déjà adhéré plusieurs établissements résolument tournés vers l’avenir. Leur objectif ? Améliorer l'expérience d'apprentissage, favoriser la réussite des étudiants et rester compétitifs. Le programme a été mis en œuvre dans 25 établissements d’enseignement supérieur, au profit de plus de 950 000 étudiants en Asie, en Afrique et en Amérique latine-Caraïbes.
L’urgence est planétaire. Aux États-Unis, plus de la moitié (a) des jeunes diplômés universitaires sont sous-employés un an après l’obtention de leur diplôme. En Afrique, une étude portant sur huit pays révèle que plus de 40 % des entreprises considèrent le manque de compétences sur le marché comme un frein majeur à leurs activités. D’ici à 2030, plus de 85 millions de postes (a) pourraient rester non pourvus en raison de la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. C’est d'ailleurs le principal obstacle à la transformation des entreprises, selon le rapport 2025 du Forum économique mondial sur l’avenir de l’emploi (a).
Dans ce contexte, les pouvoirs publics ont un rôle clair à jouer. Les politiques d’éducation pourraient être adaptées pour stimuler le développement des dispositifs de formation rémunérée. Des crédits d’impôt pourraient ainsi encourager davantage d’employeurs à adopter ces programmes, tandis que des aides financières pourraient aider les participants à couvrir leurs frais de formation tout en travaillant et en acquérant une expérience essentielle en même temps. Les pouvoirs publics peuvent également promouvoir des réformes dans les programmes d'études et proposer des parcours de reconnaissance des compétences qui répondent aux normes du monde du travail.
Enfin, le secteur privé doit aussi être associé à ces efforts. Les organisations du secteur privé doivent collaborer avec les pouvoirs publics et les milieux universitaires pour cocréer des solutions qui ouvrent grand les portes de l’apprentissage alternatif.
Il est indispensable d’innover pour ne laisser aucun jeune de côté.
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