Inondations au Malawi et au Pakistan, tremblements de terre en Türkiye et en Syrie, cyclone Mocha au Myanmar... L'actualité récente est venue douloureusement nous rappeler les effets dévastateurs des catastrophes naturelles, et combien il est important de renforcer la résilience face aux changements climatiques et aux aléas naturels. L’on y parviendra d’autant mieux que l’on valorisera la participation active des femmes, des personnes en situation de handicap, des personnes âgées, des peuples autochtones et d’autres groupes marginalisés, dont les savoirs sont extrêmement précieux et pourtant souvent négligés. Les populations qui sont en général exclues des activités visant à atténuer les risques de catastrophe possèdent des connaissances qui, si elles sont exploitées et partagées avec les personnels de secours, peuvent contribuer à sauver des vies et des moyens de subsistance.
À partir des enseignements tirés des expériences diverses de deux acteurs — WomenStrong, une petite organisation à but non lucratif, et la Facilité mondiale pour la prévention des catastrophes et le relèvement (GFDRR) de la Banque mondiale —, voici cinq conseils à l’intention des pouvoirs publics et des experts du développement. Ou comment renforcer l’inclusion dans la planification de la gestion des risques de catastrophe.
1. Reconnaître l’expertise des habitants
Associer la population locale, et en particulier les femmes, permet de mobiliser un savoir de première main. Les femmes assurent souvent la fonction de premiers et derniers secours lors de situations d’urgence. Elles possèdent une connaissance des zones à risque, des familles et des personnes vulnérables qui permet d’identifier les besoins critiques. De même, les personnes en situation de handicap (a) et les personnes âgées sont bien placées pour connaître les zones les plus difficiles d'accès dans leur ville et leur participation aux exercices de cartographie devrait donc être systématique.
C'est ce qu’illustre notamment l’association Roots of Health (a), l’un des partenaires-bénéficiaires de WomenStrong active à Palawan, aux Philippines. Ses équipes ont participé aux efforts de secours après le typhon Rai (a) en formant des agents de l'État à la réalisation d’enquêtes auprès des ménages. Les informations, recueillies en grande partie auprès de femmes assumant des charges familiales, ont aidé à dresser un état des lieux des différents besoins des ménages et ont permis de faire parvenir des vivres aux sinistrés qui en avaient le plus besoin : familles monoparentales, personnes âgées, femmes enceintes ou allaitantes et personnes handicapées.
À la suite des ouragans Eta et Iota, un projet d’urgence financé par la Banque mondiale a été mis en place au Honduras, avec l’appui technique de la GFDRR. Le projet donne la priorité à l’inclusion, avec le recours à des processus participatifs pour répondre aux besoins des groupes vulnérables. En mettant ainsi l’accent sur l’inclusion et la participation des groupes vulnérables, le projet vise à favoriser une reprise sans exclus, qui réponde aux difficultés spécifiques de ces populations et garantisse un accès équitable aux bénéfices procurés par l’amélioration des infrastructures et des services.
2. Intégrer les connaissances des femmes et d’autres groupes marginalisés dans la planification et la conception des efforts de préparation et d’intervention en cas d’urgence
Il faut convier les femmes et des membres divers de la communauté aux processus de recensement des parties prenantes, d'aménagement et de décision. Il faut aussi demander à ces habitants ce qui, selon eux, aiderait les populations vulnérables à quitter les lieux rapidement ou à se mettre à l’abri en cas de catastrophe, et exploiter ces informations pour mieux planifier les itinéraires d’évacuation, les abris, les dispensaires et les centres d'aide, afin d’assurer la sécurité et le bien-être de tous les membres de la communauté.
L’une des stratégies promues par WomenStrong consiste à accorder des dons « sur la base de la confiance » (a). Cette approche laisse aux partenaires la liberté d’utiliser leur financement pour répondre aux besoins les plus urgents de leurs communautés, ce qui leur permet d’apporter aux habitants un soutien vital rapide, flexible et efficace.
Après les catastrophes qui ont frappé la province indonésienne de Sulawesi central, en 2018, un projet financé par la Banque mondiale a permis de reconstruire les infrastructures et les équipements publics, en veillant à ce que tous les citoyens puissent bénéficier de la remise en état et de la rénovation des zones sinistrées. Il a pour cela priorisé des modes de planification des interventions soucieux de l’inclusion des femmes en s’attachant à intégrer leur point de vue de « marginalisées » et à les sensibiliser à leurs droits et possibilités d'action pour favoriser leur autonomie. Le projet est aussi parvenu à contrer efficacement les risques de violence sexiste en mettant en place des mesures de prévention durant le processus de reconstruction.
3. Associer, informer et mobiliser les groupes traditionnellement marginalisés
Un grand nombre de survivants de catastrophes naturelles doivent leur salut à des voisins (a). Or, le rôle des habitants peut être amplifié s’ils disposent de plateformes numériques connectées aux unités d’intervention d’urgence. L'expérience montre comment cette mobilisation peut permettre de détecter des besoins urgents et d'acheminer efficacement les ressources là où elles sont le plus nécessaires. À Dar es Salam, par exemple, un projet financé par la Banque mondiale a appuyé la formation et l’activation de comités de gestion des catastrophes. Ces comités coordonnent désormais des aspects liés à la gestion des catastrophes dans leurs zones géographiques respectives, dont notamment la préparation et la réponse aux inondations durant la saison des pluies. Leurs membres ont bénéficié de formations et d'activités de renforcement des capacités qui leur ont permis d'acquérir un socle de compétences fondamentales dans la gestion des risques de catastrophe.
4. Rémunérer les personnes qui contribuent à la planification de la gestion des risques de catastrophe
Tous les participants devraient être rémunérés à la hauteur de leurs contributions. Afin de montrer clairement la valeur accordée aux connaissances locales et le rôle essentiel exercé par les populations (a) dans la gestion des risques de catastrophe, les pouvoirs publics, les organismes de secours et l’ensemble des parties prenantes doivent faire en sorte que le temps et les efforts investis par chacun et chacune soient rétribués de manière sûre et transparente, par le biais par exemple de comptes bancaires numériques.
Le modèle de « travaux publics numériques » (a) promu par la GFDRR au Kenya propose une démarche innovante de collecte, production et validation de données urbaines qui renforce la résilience tout en permettant aux jeunes, aux femmes et aux personnes en situation de handicap d’avoir accès à des activités rémunératrices et d'acquérir de nouvelles compétences digitales.
5. Placer les femmes et les autres populations vulnérables au centre des interventions post-catastrophe et des stratégies de planification future
Le souci d’une planification inclusive doit idéalement s'étendre au-delà des conséquences immédiates d’une catastrophe , comme en témoigne clairement l’expérience de WomenStrong avec son partenaire Roots of Health. Leur travail se poursuit, avec la création d’une base de données à partir des enquêtes menées auprès des ménages qui permettra d’aider les autorités provinciales à mieux gérer les risques de catastrophe en assurant des processus de planification et de reconstruction inclusifs.
Parce qu’elles possèdent des connaissances précieuses au sein de leur communauté, les femmes et les autres populations marginalisées doivent être associées aux analyses post-catastrophe afin qu’elles puissent faire part de leur point de vue aux autorités locales, aux organisations humanitaires et aux partenaires de développement. Les résultats des actions de développement seront d’autant plus solides qu'elles associent les populations locales et tirent parti de leur sentiment d’appartenance à la communauté. En faisant participer activement les habitants au processus d’évaluation et en les incluant dès l’étape de la planification, nous pourrons assurer une réponse plus efficace et bienveillante face aux catastrophes futures et bâtir des collectivités plus résilientes.
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