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Journée mondiale de lutte contre le sida : une stratégie en 4 points pour juguler l’épidémie

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Cette année, la Journée mondiale de lutte contre le sida est marquée par des progrès remarquables (mais peu médiatisés) dans la lutte contre le VIH et les autres principales maladies infectieuses. Au cours de cette année, les diagnostics et les traitements du VIH ont franchi un cap décisif : des tests de charge virale plus fiables ainsi que des traitements à la posologie moins élevée, moins toxiques mais plus efficaces sont désormais commercialisés à moindre coût. En fait, le prix des médicaments n’a jamais été aussi bas : les traitements génériques de première intention représentent aujourd’hui une dépense annuelle de 95 à 158 dollars par patient, soit une baisse de 60 à 70 % sur la période 2007-2014. Et nous disposons aujourd’hui d’un comprimé combiné, contenant un inhibiteur de la protéase, moins toxique et aussi efficace que de multiples médicaments. Enfin, en Afrique du Sud, les négociations ont permis de faire baisser le prix des tests de mesure de la charge virale à 9,40 dollars.
 
Dans la lutte contre la tuberculose, un secteur où les thérapies et les diagnostics n’avaient pas évolué depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (soit 70 ans !), nous disposons à présent du test Xpert (a) et de nouvelles générations de médicaments mieux tolérés, qui accroissent le taux d’élimination de la résistance aux traitements (près de 80 % contre moins de 50 % précédemment). Des traitements très performants sont également disponibles contre le virus de l’hépatite C, tandis que le laboratoire pharmaceutique Sanofi-Pasteur est en passe de mettre au point un vaccin prometteur contre la dengue.

Le financement des traitements et des soins associés aux maladies infectieuses comporte certes des difficultés mais celles-ci ne sont pas insurmontables. Dans le sillage de la crise financière mondiale des années 2000, alors qu’on pouvait redouter que l’aide internationale au développement consacrée à la lutte contre le VIH ne régresse, celle-ci est restée stable à environ 8 milliards de dollars par an. Quant aux financements nationaux, ils ont globalement augmenté, notamment dans les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure ; la croissance a toutefois été plus faible dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et dans les pays à faible revenu.
 
Si la portée des programmes s’accélère à un rythme sans précédent, des manques criants subsistent. Environ 16 millions de patients bénéficient désormais d’un traitement contre le sida, mais la moitié des personnes séropositives (41 % des adultes et 32 % des enfants) en sont toujours privées. Au cours de la dernière décennie, le nombre de nouvelles infections au VIH a baissé d’un tiers, pour passer de 3 à 2 millions par an, même si chez les adultes cette tendance marque le pas.
 
Mais nous pouvons ambitionner d’atteindre une couverture totale et de juguler l’épidémie du VIH. À condition de réussir dans quatre domaines : pérenniser les sources de financement internationales contre le VIH ; accroître les financements nationaux contre le VIH ; être plus efficace ; et tirer parti des innovations scientifiques et technologiques.
 
Nous devons donc, en premier lieu, veiller à un équilibre optimal entre financement international et investissement national. Les BRICS et les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure y contribuent déjà largement, libérant de ce fait des ressources internationales vitales pour d’autres. Les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure resteront toujours tributaires d’un appui financier extérieur, mais seront tenus d’accroître leur part de financement. L’époque où les pays à revenu intermédiaire pouvaient financer moins de 10 % de leur lutte contre le sida est révolue. Les fonds ainsi dégagés permettront aux partenaires de développement de continuer à financer la plus grosse part de la lutte contre l’épidémie dans les pays à faible revenu qui sont les plus gravement touchés.
 
Il nous faudra, en deuxième lieu, tirer profit de la croissance économique, accroître les financements dans le secteur de la santé en général et intégrer les services et les financements liés au sida dans les systèmes de santé et les prestations relevant de la couverture sanitaire universelle.
 
Certains des pays fortement touchés par le VIH ont réduit la part de budget allouée aux dépenses de santé. Ce qui pouvait alors passer pour une stratégie judicieuse, au plus fort de l’aide internationale en faveur de la santé, est aujourd’hui intenable. Les premiers travaux d’analyse (a) du Groupe de la Banque mondiale menés auprès de pays représentatifs de l’Afrique de l’Est, qui tablent sur une croissance économique de 5 %, montrent que si ces pays augmentaient de 8-10 % la part du budget national consacrée à la santé, ils pourraient financer l’intégration de la prise en charge du sida dans l’assurance maladie. Si cette prise en charge est intégrée dans la couverture sanitaire universelle et dans les systèmes de santé, les pays pourront proposer une offre universelle de services et les grands partenaires de développement, tels que le plan PEPFAR (a) et le Fonds mondial, accélérer le mouvement sur les campagnes de lutte nationale et endiguer ainsi plus rapidement l’épidémie.
 
En troisième lieu, il nous faut améliorer l’ efficacité de la répartition des ressources (a). Les 40 analyses tirées du modèle Optima du Groupe de la Banque mondiale indiquent que nous pouvons rapidement accroître cette efficacité de 30 % dans les foyers à épidémie concentrée, de 20 % dans les épidémies mixtes et 10 % dans les épidémies généralisées, ce qui équivaudrait à une augmentation du budget de 10 à 30 %. De nombreux travaux montrent par ailleurs que la répartition des ressources serait plus efficace si les investissements privilégiaient trois interventions dont les effets sont très élevés : les traitements, la circoncision de la population masculine en Afrique de l’Est et en Afrique du Sud, et la prévention combinée chez des populations clés (travailleurs de l’industrie du sexe, population masculine homosexuelle et consommateurs de drogues par injection).
 
Nous pouvons également viser une exécution plus efficace, en améliorant le ciblage géographique, l’intégration, la passation des marchés, la logistique, la délégation des tâches, les services sanitaires numériques, les données en temps réel et les contrats de performance. Soit un gain d’efficacité de 20-30 % — et, là encore, une hausse effective du budget de 20 à 30 %. Selon les analyses préliminaires du plan PEPFAR, la proportion de patients bénéficiant d’un traitement doublerait si on leur prescrivait à chaque visite une quantité de médicaments contre le sida égale à six mois de traitement et si les tests de charge virale étaient effectués annuellement.
 
Enfin, en quatrième lieu, il nous faut mettre à profit les avancées scientifiques et technologiques.
 
Les innovations dans les technologies de soins ne cessent de s’accélérer et permettent d’améliorer rapidement l’efficacité des prestations. Le centre de Themba Lethu, le plus grand établissement du monde pour le traitement du VIH situé à l’hôpital Helen Joseph de Johannesburg (Afrique du Sud), comptait 30 000 patients avant de décentraliser ses services dans les cliniques. Cet établissement a modifié un robot Vodacom programmé à l’origine pour trier des téléphones mobiles et des accessoires pour l’adapter au tri et à l’emballage de médicaments contre le sida, ce qui a permis de réduire le délai de délivrance de ces produits de 4 h à 30 minutes.
 
Le même projet expérimente désormais des distributeurs automatisés, conçus à l’origine pour les médicaments contre le VIH et qui s’étendent progressivement à la tuberculose et à d’autres maladies chroniques. Le Malawi s’appuie également sur la technologie pour élargir le rôle des agents de santé de proximité dans les soins prodigués contre le VIH. Des innovations sociales telles que les « clubs d’observance aux traitements antirétroviraux » augmentent la couverture et l’efficacité sans compromettre l’adhésion des patients (il s’agit essentiellement de groupes de patients qui désignent un des leurs pour la collecte et la distribution des médicaments à chacun).
 
Pour résumer, si nous cumulons les bénéfices liés à la pérennisation de l’aide internationale, la part croissante des financements intérieurs, la plus grande adoption de techniques innovantes et une efficacité accrue, nous nous retrouvons face à la perspective réjouissante d’être en mesure de mobiliser pratiquement tout l’argent nécessaire à la lutte contre le VIH et de parvenir ainsi au but ambitieux d’enrayer ce fléau.
 
Il serait tragique de ne pas exploiter ce potentiel. Nous formons le vœu que ces réflexions sonnent l’appel à une révolution dans la mise en œuvre de la lutte contre le VIH. Une révolution par laquelle nous pourrons recueillir tous les gains de l’amélioration de la répartition des ressources, du ciblage, de l’exécution, de l’intégration et de la simplification, et qui nous permettra d’atteindre notre objectif : maîtriser l’épidémie du VIH et voir enfin la fin du sida.
 
Nous vous invitons à suivre le compte @WBG_Health de l’équipe Santé de la Banque mondiale sur Twitter.
 
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Auteurs

David Wilson

Program Director, Health Nutrition and Population practice of the World Bank

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