Publié sur Opinions

L’économie mondiale entre dans sa pire récession depuis 80 ans malgré des mesures de relance massives

Manifestation d'ouvriers du textile réclament leurs salaires impayés durant la pandémie de COVID-19 à Dhaka au Bangladesh. Photo: © Zabed Hasnain Chowdhury / Shutterstock Manifestation d'ouvriers du textile réclament leurs salaires impayés durant la pandémie de COVID-19 à Dhaka au Bangladesh. Photo: © Zabed Hasnain Chowdhury / Shutterstock

Le coronavirus (COVID-19) a provoqué l’effondrement de l’activité économique mondiale.  Et, en dépit des mesures de relance sans précédent adoptées par les gouvernements dans les économies avancées mais aussi dans nombre de pays en développement, la pandémie provoquera probablement en 2020 la plus forte récession mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale.

Nos dernières Perspectives économiques mondiales publiées aujourd’hui prévoient une contraction de 5,2 % de l’économie planétaire cette année.

L'activité économique dans les économies avancées devrait décliner de 7 % en 2020, sous l'effet des graves perturbations qui ont frappé l’offre et la demande intérieures, ainsi que les échanges et la finance . Le groupe des économies de marché émergentes et en développement devrait connaître sa première contraction en 60 ans, avec une baisse globale de son PIB de 2,5 % en 2020. Il en résultera une diminution de 3,6 % des revenus par habitant, ce qui fera basculer des millions de personnes dans l'extrême pauvreté cette année.

La pandémie provoquera probablement en 2020 la plus forte récession mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale

Si la pandémie est suffisamment endiguée d’ici le milieu de l’année dans les économies avancées et un peu plus tard dans les économies de marché émergentes et en développement, nos projections prévoient un rebond mondial à 4,2 % en 2021, avec un taux de croissance de 3,9 % dans les premières et de 4,6 % dans les secondes.

Les perspectives sont toutefois très incertaines, et dominées par des risques de détérioration, dont notamment une pandémie plus longue qu'anticipé, un désordre financier durable et un affaiblissement du commerce mondial et des chaînes d'approvisionnement.

Confrontées à une crise sanitaire aiguë, beaucoup d’économies émergentes et en développement sont aujourd’hui moins bien préparées à surmonter une récession mondiale qu’elles ne l’étaient au moment de la crise financière de 2008. Les plus vulnérables sont celles dont les systèmes de santé sont défaillants, celles qui sont tributaires des exportations de produits de base et celles qui sont grevées par des niveaux élevés de dette souveraine et d’endettement des entreprises.

L’urgence dans ces pays est de prendre des mesures sanitaires et économiques pour amortir le choc de la pandémie, protéger les populations vulnérables et renforcer les capacités nationales à anticiper et gérer des crises similaires  à l'avenir. En raison de leur plus grande vulnérabilité, il est absolument essentiel que les économies émergentes et en développement renforcent leurs systèmes de santé publique, mais aussi qu'elles répondent aux problèmes posés par la prédominance du secteur informel et le manque de filets de protection sociale et qu’elles engagent des réformes qui permettent d'assurer une croissance vigoureuse et durable une fois la crise sanitaire endiguée.

Les responsables publics peuvent encourager les investissements dans des technologies qui favorisent la productivité en instaurant un climat d'affaires efficace, une gouvernance solide et des réglementations simplifiées et dûment appliquées.

Mais ces actions nécessaires à court terme devront s’accompagner de mesures de long terme. Il faut notamment accroître la productivité du travail et la production potentielle, car ce sont des facteurs indispensables à la pérennité des gains de prospérité et à une réduction durable de la pauvreté . Pour cela, les responsables publics peuvent encourager les investissements dans des technologies qui favorisent la productivité en instaurant un climat d'affaires efficace, une gouvernance solide et des réglementations simplifiées et dûment appliquées. Enfin, et bien sûr, ils devront renforcer leur capital humain en garantissant aux enfants une éducation de meilleure qualité, centrée sur l’acquisition des apprentissages.

Scénario pessimiste

Si l’épidémie dure plus longtemps qu’anticipé, les pays pourraient être contraints de maintenir ou réintroduire des mesures de restriction des déplacements et des interactions sociales.  En supposant un prolongement pendant trois mois supplémentaires de strictes mesures de confinement, la production mondiale pourrait chuter de près de 8 % en 2020. Même avec des mesures supplémentaires de relance budgétaire, les entreprises fragiles devront mettre la clé sous la porte, tandis que les ménages vulnérables réduiront fortement leur consommation et que le secteur des voyages restera fortement déprimé. Ces graves perturbations s’accompagneront aussi de répercussions internationales plus importantes et conduiront à des interruptions de la production généralisées. Un désordre des marchés financiers durable et sévère provoquera une hausse des faillites dans le monde entier et plongera nombre d’économies émergentes et en développement dans de graves difficultés financières.

Scénario optimiste

Malgré les risques accrus de détérioration qui pèsent sur les projections de croissance et la gravité de plus en plus évidente de la contraction qui frappe actuellement l’activité économique mondiale, l’hypothèse de résultats plus favorables que prévu n’est pas exclue. En effet, la suppression attendue des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus conjuguée à une riposte politique mondiale rapide et sans précédent face à la pandémie est susceptible d’entraîner rapidement le retour de la confiance et la reprise de l’emploi, avec à la clé un rattrapage de la demande. Mais même selon ce scénario plus positif, la contraction de la production mondiale atteindrait 3,7 % en 2020, soit un déclin près de deux fois supérieur à celui observé pendant la récession mondiale de 2009, tandis que les économies émergentes et en développement connaîtraient une croissance négative.


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Auteurs

Justin-Damien Guénette

Économiste senior, Groupe des perspectives de développement, Banque mondiale

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