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Mesurer le coût économique du mariage des enfants

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Mesurer le coût économique du mariage des enfants

Le 22 juillet, le gouvernement britannique et l’UNICEF ont organisé conjointement le premier Girl Summit (a), une conférence qui vise à mobiliser les efforts de lutte contre les mariages précoces et forcés, ainsi que contre les mutilations sexuelles féminines. D’après un rapport de 2013 de l’UNICEF, 30 millions de filles risquent de subir des mutilations génitales au cours de la prochaine décennie. De récents rapports publiés par l’UNFPA (a) et l’UNICEF (a) indiquent que plus d’un tiers des filles sont mariées avant qu’elles aient 18 ans.

Le mariage des enfants recule dans le monde, mais lentement. Dans de nombreux pays, des lois ont été adoptées pour empêcher le mariage avant 18 ans, mais elles ne sont souvent pas rigoureusement appliquées. Il faut donc redoubler d’efforts. Tout le monde s’accorde à dire que le mariage des enfants viole les droits des filles, les empêche de poursuivre leur scolarité, d’apprendre et de gagner un revenu plus tard, et qu’il a des conséquences délétères sur leur santé et sur celle de leurs enfants. Cette pratique contribue indéniablement à la pauvreté et limite la croissance économique. Et pourtant, elle est toujours essentiellement perçue comme un problème social, et non économique.
 
Quel est le coût économique du mariage des enfants ? Nous ne le savons pas vraiment. Des études, notamment celles réalisées par la Banque mondiale, révèlent des effets négatifs sur le développement humain. Ainsi, la Banque a estimé que, dans certains pays d’Afrique subsaharienne, les mariages précoces pouvaient expliquer jusqu’à un tiers des cas d’abandon scolaire chez les filles dans le secondaire, et que chaque année supplémentaire de report de l’âge du mariage pourrait faire augmenter de plusieurs points de pourcentage la probabilité que ces filles soient alphabétisées et achèvent ce cycle d’enseignement. Une autre étude (a), publiée il y a quelques années dans le Journal of Political Economy, présente un constat analogue pour le Bangladesh.
 
Malheureusement, en-dehors de ces études, très peu de recherches s’intéressent à l’impact global du mariage des enfants sur les pays et leur économie, notamment sur le plan des revenus, de la productivité et, in fine, de la croissance. Si le coût économique de cette pratique était mieux estimé, cela pourrait inciter les pouvoirs publics à investir davantage dans son éradication.
                                                             
C’est pourquoi la Fondation Bill et Melinda Gates et la Children’s Investment Fund Foundation (CIFF) ont annoncé aujourd’hui un investissement de 4,2 millions de dollars dans un programme de recherche sur trois ans consacré à cette question. Ces travaux, d’une ampleur sans précédent, seront menés conjointement par l’International Centre for Research on Women (ICWR) (a) et la Banque mondiale. Ils produiront des données inédites sur les conséquences du mariage des enfants et son coût économique au niveau mondial, régional et national.
 
Le programme de recherche comportera trois phases, chacune d’une durée d’environ un an. La première s’attachera à élaborer un cadre conceptuel afin de documenter les différentes voies par lesquelles les mariages précoces affectent les filles, leurs enfants à venir et leur famille, ainsi que leur communauté et la société dans son ensemble. Les enquêtes existantes auprès des ménages serviront à mesurer l’impact du mariage des enfants dans divers domaines et sur le développement économique.
 
Au cours de la deuxième phase, les chercheurs recueilleront et analyseront des données de manière approfondie dans trois pays afin de valider les modèles conçus lors de la première phase. La troisième phase consistera à synthétiser et à diffuser largement les résultats des deux premières phases, dans l’optique d’un dialogue sur l’action à mener et d’activités de plaidoyer. Plusieurs manifestations seront également organisées en vue du renforcement des capacités et de la diffusion.
 
Ce nouveau programme de recherche aboutira donc à l’élaboration des premières estimations mondiales du coût économique du mariage des enfants, ainsi qu’à des études de cas approfondies qui pourront, par la suite, être reproduites dans d’autres pays. Les résultats permettront d’éclairer les décideurs politiques non seulement sur le coût du mariage des enfants, mais aussi sur le type d’interventions susceptibles de faire disparaître cette pratique.
 
Nous nous réjouissons de travailler avec l’ICRW, la CIFF et la Fondation Bill et Melinda Gates sur ce projet important. Partout dans le monde, les filles ont le droit d’être protégées contre le mariage précoce ou forcé afin qu’elles puissent être en bonne santé, s’instruire et réaliser tout leur potentiel.
 
Sur le même sujet : voir l'appel à l'action lancé par Jim Yong Kim contre les mutilations sexuelles féminines et les mariages précoces (vidéo)
Suivez l’équipe Éducation de la Banque mondiale sur Twitter @wbeducation


Auteurs

Quentin Wodon

Économiste principal, Éducation, Banque mondiale

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