Cette tribune a été initialement publiée le 8 novembre 2022 dans USA Today (a)
Les dernières évaluations en mathématiques et en lecture aux États-Unis ont révélé une baisse inquiétante des résultats causée par la pandémie et les fermetures d’écoles pendant cette période. Pour de nombreux pays en développement, les effets de ce choc sont encore pires, provoquant une crise de l’apprentissage qui menace toute une génération d’enfants.
Pas moins de 70 % des enfants âgés de 10 ans dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire sont incapables de lire et comprendre un texte simple, ce que nous appelons la « pauvreté des apprentissages ». Les déficits d’apprentissage étaient déjà importants avant la pandémie, mais ils ont été aggravés par la COVID-19 qui a paralysé les systèmes éducatifs du monde entier. Cela pourrait entraîner d’énormes pertes de productivité et de revenus potentiels et mettre en péril le bien-être futur d’une génération d’enfants et de jeunes. Les États et la communauté internationale du développement doivent agir rapidement et avec détermination.
Malgré les efforts faits pour leur prodiguer des enseignements à distance pendant que les écoles étaient fermées à cause de la pandémie, les élèves n’ont acquis aucune des connaissances habituelles.
Au Malawi, par exemple, les élèves ont perdu 18 mois d’apprentissage en sept mois de fermeture parce qu’ils n’ont pas acquis de nouvelles compétences et qu’ils ont oublié une partie de ce qu’ils avaient déjà appris. Et à São Paulo (Brésil), l’une des premières grandes collectivités à avoir mesuré rigoureusement les pertes d’apprentissage, les baisses ont été si importantes que les notes sont retombées au niveau des acquis enregistrés il y a 14 ans en mathématiques et il y a 10 ans en lecture. Des pertes considérables ont également été notées en Inde, au Bangladesh et au Mexique.
Il est possible de rattraper les apprentissages perdus, si nous agissons
La plupart des écoles ont déjà rouvert, mais appliquer les mêmes méthodes pédagogiques qu’avant la pandémie ne suffira pas pour rattraper les pertes enregistrées. Les élèves ont du mal à suivre le rythme de leurs enseignants et des enseignements. Ils risquent de se démobiliser et d’être tellement à la traîne qu’ils pourraient décrocher. Les filles sont particulièrement en danger.
- Les pays doivent maintenir les écoles ouvertes et augmenter le nombre d’heures d’enseignement par semaine. Au Kenya et au Mexique, par exemple, les pouvoirs publics ont rallongé l’année scolaire en raccourcissant les vacances.
- Pour accélérer l’apprentissage, les établissements doivent être soigneusement adaptés au niveau d’acquis des élèves. Un exemple en est le programme Teach at the Right Level mis en œuvre pour la première fois en Inde, qui regroupe les enfants en fonction de leurs besoins pédagogiques plutôt que de leur âge ou de leur niveau d’études.
- Il est capital de mettre l’accent sur l’apprentissage de base. Des programmes scolaires surchargés peuvent considérablement entraver le rattrapage des apprentissages. En se concentrant sur la lecture, l’écriture, le calcul et les compétences sociales, les enseignants et les élèves cibleraient plus efficacement leurs efforts. Des pays comme l’Afrique du Sud et le Chili s’emploient à recentrer leurs programmes sur l’amélioration de l’apprentissage de base.
- Enfin, et c’est le plus important, se remettre de la crise de l’apprentissage doit être une priorité politique absolue, et les financements nécessaires doivent être apportés à cette fin. De nombreux États ont réduit leur budget de l’éducation lorsqu’ils ont fermé les écoles pendant la pandémie de COVID-19. Les pays doivent mettre en place des programmes ciblés pour améliorer les résultats scolaires et les compétences afin d’offrir des possibilités d’emploi aux jeunes. Face à des crises de développement concomitantes, nous savons que les États et les collectivités ont du mal à hiérarchiser des ressources limitées. Mais nous savons aussi que les investissements actuels dans l’éducation déterminent les chances d’un avenir meilleur.
En collaboration avec l’UNICEF, l’UNESCO, l’Agence des États-Unis pour le développement international, la Fondation Bill & Melinda Gates, la Sierra Leone, le Royaume-Uni et d’autres acteurs, nous appelons de toute urgence à agir en faveur de l’apprentissage de base. Par cette initiative commune, les pays s’engagent à investir les ressources financières et humaines nécessaires pour atteindre leurs objectifs nationaux en matière d’apprentissage, tandis que les institutions internationales s’engagent à aider activement les gouvernements à réduire de moitié la pauvreté des apprentissages dans le monde.
Si elle n’est pas résolue, la crise de l’apprentissage pourrait être à l’origine du pire choc de l’histoire récente subi par le capital humain. Mais nous pouvons limiter les dégâts. Les familles, les éducateurs, les pouvoirs publics, les donateurs, la société civile et le secteur privé doivent œuvrer ensemble pour soutenir les élèves, les enseignants et les écoles.
Les enjeux sont extrêmement importants. Si nous agissons avec détermination, nous pourrons rattraper les apprentissages perdus et permettre à une génération d’enfants et de jeunes d’acquérir les compétences fondamentales dont ils ont besoin pour se construire un avenir prospère.
Prenez part au débat