Publié sur Opinions

Changement climatique : plus les pays repoussent l'échéance, plus la facture sera élevée

Climate change ministerial, IMF/World Bank Spring Meetings 2014En septembre dernier, les meilleurs scientifiques mondiaux déclaraient que l’homme avait une influence « patente » sur le climat. En mars, ils nous mettaient en garde contre les menaces grandissantes que le réchauffement fait peser sur nos économies, l’environnement, l’approvisionnement vivrier et la sécurité dans le monde. Aujourd’hui, alors que paraît le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), axé sur les mesures d’atténuation, ils nous décrivent la marche à suivre.


D’après le GIEC, les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) ont progressé plus vite depuis dix ans qu’au cours des trente années précédentes et ce, malgré les efforts de réduction. Sans mesures supplémentaires d’atténuation, la température pourrait augmenter d’ici la fin du XXIe siècle de 3,7 à 4,8 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Le GIEC indique aussi que la cible d’un réchauffement maximal de 2°C reste accessible, à condition de procéder à des changements radicaux, sur le plan technologique, économique, institutionnel et comportemental.

L’équation est simple : à chaque fois que la température monte d’un degré, les risques pour les populations, surtout les plus pauvres et les plus vulnérables, augmentent eux aussi.

Les conclusions du GIEC sont explicites : il n’y a plus de temps à perdre. Plus vite nous prendrons ce problème à bras le corps, meilleures seront nos chances d’y remédier et, surtout, d’y remédier à un coût encore soutenable.

Réunis vendredi au siège de la Banque mondiale, à Washington, pour une rencontre avec les dirigeants du Groupe de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international et des Nations Unies, les ministres des Finances partageaient ce sentiment d’urgence. Ils n’ont pas ergoté sur les conclusions des experts, les traduisant immédiatement en risques pour la stabilité économique et financière, en instruments politiques au service d’une croissance sobre en carbone et en moyens à mobiliser pour investir dans la résilience de leurs pays.

Ils ont insisté sur l’importance du message car souvent, les politiques qui portent leurs fruits en matière de réduction des émissions s’accompagnent d’autres bénéfices plus tangibles. La Banque mondiale s’apprête d’ailleurs à publier un rapport qui analyse en profondeur certains de ces « co-avantages ».


En formalisant les politiques à leur manière, les ministres des Finances espèrent susciter davantage de soutien. Dans les transports par exemple, l’amélioration des normes de construction automobile et l’investissement dans les transports publics pour en généraliser l’utilisation réduisent la pollution atmosphérique (source d’asthme, de maladies cardiaques et de cancers du poumon qui font 3,7 millions de morts par an) et les émissions de GES. 
Ils savent aussi, nous l’avons vu lors de la conférence de l’ONU sur le climat en septembre 2013, qu’ils doivent prendre l’initiative chez eux, pour installer une croissance résiliente, créatrice d’emplois et respectueuse de l’environnement.

Ensemble, nous avons évoqué un certain nombre de pistes pour commencer enfin à prendre la mesure du défi du changement climatique.

• Faire payer les émissions du carbone : c’est la clé pour modifier nos modes de consommation énergétique et susciter des investissements en faveur d’une croissance sobre en carbone. Nous invitons les pays et les entreprises à rejoindre une alliance de pionniers, toujours plus nombreux, pour la tarification du carbone.

• Nous exhortons les décideurs et les organismes réglementaires à favoriser l’efficacité énergétique tous azimuts, par des normes pour le bâtiment, l’éclairage et l’automobile, et à inciter les marchés à privilégier des solutions écoénergétiques. Il y a là un réel gisement d’emplois.

• Nous plaidons pour des investissements cruciaux dans des villes vertes, résilientes et vivables. Comme le souligne le GIEC, la plupart des zones urbaines que nous connaîtrons en 2030 font encore partie de la campagne. Les autorités nationales doivent adopter des politiques budgétaires permettant aux villes d’accéder à des fonds d’investissement et aux collectivités municipales de bénéficier d’allocations de moyens régulières. Avec elles, nous pouvons améliorer la cote de crédit des villes.

• Nous suggérons aux pays de suivre l’exemple de l’Afrique et de nous rejoindre pour augmenter la productivité agricole et la nutrition, améliorer la résistance des exploitants et, en modifiant les pratiques du secteur, réduire les émissions de GES — autant d’objectifs qui concourront au développement d’une agriculture climato-intelligente.

• Nous pressons vivement les autorités nationales et les entreprises pétrolières, nationales et indépendantes, à s’engager en faveur de la disparition du torchage du gaz à l’horizon 2030, en rejoignant les pionniers du secteur.

Si les décideurs nationaux envoient des messages clairs et prévisibles de ce type et rendent l’environnement réglementaire plus sûr, les investisseurs suivront le mouvement. C’est vital. Le décollage du marché des obligations vertes est à cet égard impressionnant. En janvier dernier, le président du Groupe de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, a appelé au doublement de ce marché (à 20 milliards de dollars) d’ici le sommet des Nations Unies sur le climat de septembre prochain. Il a fixé des objectifs encore plus ambitieux pour les deux réunions suivantes, à Lima fin 2014 et à Paris en 2015. Les progrès sont d’ailleurs rapides, grâce notamment aux entreprises émettrices d’obligations vertes, qui élargissent ainsi la base d’investissement dans des actifs écologiques.

Le mouvement en est à ses débuts mais il peut avoir un impact tangible. Et l’objectif est accessible.


Dernier point, le rapport du GIEC nous rappelle que plus l’on tarde à relever le défi climatique, plus l’on doit faire appel à des technologies non éprouvées et sensiblement plus coûteuses.


Je n’appelle pas ça de la bonne gestion économique.


 
Rachel Kyte
Vice-présidente et représentante spéciale du Groupe de la Banque mondiale pour le changement climatique
@rkyte365

Photo: Government ministers meet with the heads of the World Bank Group, IMF, and United Nations to discuss the challenges climate change is posing for their countries and policy tools they could use to respond. World Bank Photo.

Auteurs

Rachel Kyte

Directrice générale du programme SE4All

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