Publié sur Opinions

Quand l’éducation par le divertissement change notre conception du développement

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Améliorer le bien-être de tous ne se résume pas à proposer des services. Cela suppose aussi que chacun s’investisse activement au développement, en exigeant des services et des produits utiles au quotidien et en adoptant des réflexes propres à améliorer son existence. La prévention en matière de santé en est une bonne illustration.

En 2009, dans le cadre de notre atelier sur l’évaluation des résultats obtenus dans la lutte contre le sida organisé en Afrique du Sud, dans la ville du Cap, j’ai suivi l’intervention de Nancy Padian. Cette chercheuse en médecine au Women’s Global Health Imperative (a) a passé au crible les conclusions d’essais randomisés contrôlés testant l’efficacité des campagnes de prévention du VIH.

L’étude (a) présentée expliquait qu’une trentaine de ces campagnes avaient échoué à modifier le comportement sexuel et à faire baisser l’incidence du VIH.
Ce travail nous a donné à réfléchir : il faisait ressortir l’inefficacité de campagnes de communication qui ne parvenaient ni à changer les comportements ni à enrayer l’épidémie du VIH.
Un examen plus approfondi a mis en évidence une communication privée de trames narratives inspirantes et reposant sur des supports désuets et sans intérêt (panneaux d’affichage, dépliants, etc.).

Nous nous sommes alors posé la question de savoir si nous pouvions faire autrement.

En 2016, l’équipe de recherche de la Banque mondiale sur les évaluations d’impact (DIME) a lancé un nouveau programme sur l’éducation par le divertissement (ou ludo-éducation) (a). Depuis cette date, le groupe a effectué de nouveaux essais sur des initiatives menées au Mexique, au Brésil, au Nigéria et en Inde dans le but de prévenir les addictions, encourager les ambitions, réduire le nombre de grossesses précoces, favoriser la scolarisation des filles et juguler les violences contre les femmes.

Ce programme s’appuie sur un principe novateur : reconnaître la compétence des professionnels de la narration, qui savent captiver les masses et créer des récits propres à susciter l’émotion et à pousser à l’action. Une fois informé des tenants et des aboutissants, le public peut évoluer sur une question sociale, voire changer de regard et de comportement. En testant de manière rigoureuse la réalité de cette prise de conscience, nous pourrons identifier ce qui fonctionne et révolutionner la conception des campagnes de communication dans le cadre des projets de développement.

Notre première étude, menée en partenariat avec les fondations MTV et Gates, a produit des résultats saisissants ! La série télévisée MTV Shuga, version africaine de Sex and the City, nous a fait sourciller dans un premier temps, mais elle a contribué à réduire de 57 % la transmission de maladies sexuellement transmissibles chez les femmes ciblées par rapport aux populations témoin du Nigéria. Ce programme, éducatif et néanmoins très divertissant, est associé à une réduction du nombre de partenaires sexuels. Outre son efficacité, MTV Shuga a l’avantage de pouvoir monter en puissance : diffusée dans plus de 70 pays, elle touche près de 720 millions de téléspectateurs. Le seuil du milliard est proche, et de nouvelles saisons portant sur les violences sexuelles et sexistes seront bientôt tournées en Égypte et en Inde.

Notre prochain atelier prévu ce mois à New Delhi s’attachera à évaluer l’impact des programmes de divertissement des médias de masse en lien avec l’amélioration des résultats dans le domaine du développement. Cet événement, qui rassemblera un nombre remarquable de partenaires et de donateurs, aura pour but de présenter les conclusions les plus récentes des travaux réalisés dans ce domaine. Fort du soutien d’auteurs de documentaires (ITVS) et du projet Discovery sur l’éducation des filles, nous travaillerons avec des équipes de projet à la prochaine génération de travaux de recherche sur la ludo-éducation.

L’équipe DIME continuera à tisser des liens avec l’industrie du divertissement et des donateurs sensibles à notre approche. Avec plus de financements et de soutiens, nous pouvons faire en sorte que les projets de développement changent la donne. Outre la fondation Gates et le Département britannique pour le développement international (DFID), nous bénéficions aujourd’hui de l’aide précieuse d’un nouveau partenaire, l’Agence norvégienne de développement (NORAD), qui s’est jointe à notre aventure !


Auteurs

Arianna Legovini

Chef du département d'évaluation d’impact sur le développement (DIME)

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