Même s’ils progressent à un rythme encore bien insuffisant, les financements climatiques ne cessent de croître (a). Cette mobilisation de fonds pour les investissements dans la lutte contre le changement climatique s’accompagnera inévitablement de risques de recherche de rente et de tentatives de corruption. Il n’y a pas lieu d’en être surpris ni de s’en offusquer. En revanche, il est indispensable d’identifier ces risques et de les anticiper pour pouvoir préserver l’intégrité, la crédibilité, l’efficience et, surtout, l’efficacité des efforts de financement de l’action climatique.
Mais d'abord, en quoi consiste la menace ? L’action climatique peut prendre la forme de petites infrastructures conçues pour se protéger contre les tempêtes et les inondations ou encore pour stocker l’eau. La corruption vient saper ces efforts d’adaptation en conduisant au gaspillage ou au détournement des ressources destinées à ces constructions. Le risque est d’autant plus grand dans les régions reculées, où les possibilités de supervision sont réduites. Mais la corruption peut également toucher de grands projets nationaux d’adaptation ou d’atténuation, en portant préjudice à la qualité des constructions. Elle affecte en outre le climat d’investissement, avec pour conséquence de retarder ou freiner les investissements dans les énergies renouvelables et d’autres composantes de la transition énergétique et des transports. Les initiatives de préservation ou de restauration des forêts sont elles aussi propices au versement de pots-de-vin destinés à se soustraire aux mesures de protection et à faciliter des activités d’exploitation forestière illégales.
Qui plus est, les dommages causés par la corruption s’étendent bien au-delà des seuls aspects financiers et de la mauvaise allocation des ressources (a). Dans le cas d’un ouvrage destiné à protéger une zone urbaine contre l’élévation du niveau de la mer, par exemple, la corruption peut conduire à une réalisation de qualité inférieure à ce qui est requis. Si la digue lâche, les coûts se chiffreront non seulement en dégâts matériels, mais aussi en pertes humaines. Il en va de même des transitions dans les domaines de l’énergie et des transports, où le coût du ralentissement des investissements dus à la corruption n’est pas que financier. Les soupçons qui sont apparus au début de cette année autour de la certification des crédits réalisée par les marchés volontaires du carbone ont révélé un défaut d’attention aux conflits d’intérêts et conduit à une baisse des investissements sur ces marchés au cours des mois suivants.
La transition écologique (a) était notamment à l’ordre du jour du récent Forum mondial sur la lutte contre la corruption au service du développement. De l’avis général des intervenants, il sera essentiel d’accorder une plus grande attention aux risques de corruption en raison de l’ampleur des financements attendus. La mise en place de nombreux canaux de financement spéciaux appelle aussi des efforts accrus de transparence et nécessite d’apporter une attention particulière à la manière dont les fonds sont utilisés, y compris de la part de la société civile.
La discussion a permis d'identifier sept pistes d’action :
- Examiner les risques, prendre des mesures pour les atténuer et s’inspirer de ce qui marche. Cette règle s’applique à tous les types de canaux et de modalités de financement.
- Instaurer et promouvoir des normes de transparence. Ces normes portent sur les résultats attendus et obtenus, ainsi que sur la transparence des flux de financement.
- Envisager la reddition de comptes de manière globale au lieu de se focaliser sur les aspects financiers. S’il est important de justifier des sommes dépensées, il est encore plus important de veiller à la performance et à l’équité des investissements réalisés.
- Gérer les risques de corruption sans pour autant entraver l’action climatique. Parce qu’il n’est que trop urgent d’investir dans l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, il faut s’attacher à atténuer les risques de corruption de manière à ne pas ralentir excessivement ces investissements.
- Exploiter la technologie pour assurer l’efficacité des efforts de reddition de comptes. Il ne s’agit pas ici d’avoir une confiance aveugle dans la technologie et de sous-estimer l’importance de l’évaluation et de l’analyse humaines, ainsi que des contrôles et vérifications physiques. Les outils technologiques peuvent néanmoins être d’une aide cruciale pour assurer le suivi des financements et des résultats sans délais ni coûts excessifs.
- Associer les parties prenantes locales en tenant compte du contexte. Les représentants de la société civile et du secteur privé peuvent jouer un rôle considérable, qui dépendra toutefois du contexte. Parfois, ce sont des intermédiaires locaux influents (a) qui sont les mieux placés pour contrôler l’exécution des investissements dans l’adaptation au changement climatique. L’implication des communautés locales dans la gestion des forêts est de plus en plus considérée comme essentielle à l’obtention de résultats durables, mais celle-ci apparaît surtout efficace si ces populations assument des fonctions plus importantes dans la prise de décision (a).
- Entretenir un dialogue permanent avec les investisseurs, tant internationaux que locaux. L’atténuation du changement climatique reposera en grande partie sur les investissements du secteur privé. C’est pourquoi le dialogue avec les investisseurs est le meilleur moyen de savoir ce qu’il convient de faire pour permettre une augmentation plus rapide des investissements, et de mettre au jour les risques de corruption susceptibles de peser sur la viabilité des investissements.
L’enjeu de la lutte contre la corruption dans l’action climatique est trop important pour être traité de manière cloisonnée ou repoussé à demain. Il doit être intégré tout au long des cycles de financement et d’investissement.
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