Alors que l'économie mondiale se relève progressivement de la pandémie de COVID-19, la fragilité de la reprise nous est rappelée chaque jour par la menace de nouveaux variants, foyers épidémiques et rebonds des contagions. En outre, la reprise est hétérogène et inégalitaire. De nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire connaissent encore des niveaux élevés d’infections et des blocages en matière de vaccination, ce qui a pour effet de limiter l'activité des entreprises à des niveaux inférieurs à ceux enregistrés avant la pandémie.
Les entreprises, et en particulier les PME, continuent de subir de plein fouet le choc économique. Afin d'éclairer l'élaboration de politiques publiques à même de stimuler une reprise du secteur privé tirée par la productivité, la Banque mondiale a « pris le pouls » des entreprises de 76 pays grâce à plusieurs séries d'enquêtes destinées à rendre compte de l'impact de la COVID-19 sur leurs performances depuis le début de la pandémie (les Business Pulse Surveys et les Enterprise Surveys). Disposant aujourd'hui de données sur plus de 100 000 entreprises du monde entier, nous pouvons mieux comprendre la façon dont elles ont fait face à la crise et ce qui doit être mis en place pour leur ouvrir la voie à un avenir durable.
Une reprise en U de l'activité des entreprises: Le redémarrage de l'activité est un premier signe encourageant révélé par les enquêtes. Trois entreprises sur quatre qui avaient fermé temporairement au cours des premiers mois de la pandémie sont à nouveau en activité. Bien que le chiffre d'affaires des entreprises soit encore inférieur de 28 % aux niveaux antérieurs à la pandémie, il s'agit d'une amélioration significative par rapport à la baisse de 41 % enregistrée dans les mois qui ont immédiatement suivi le début de la crise, ce qui suggère une courbe de reprise en forme de U. Malgré les perturbations des chaînes de production mondiales, les exportateurs se redressent plus rapidement que les autres entreprises, même si leurs ventes sont aussi moins importantes qu'auparavant.
Davantage d'entreprises se mettent au numérique: De plus en plus de sociétés, dont notamment celles tournées vers l’import-export, ont misé sur les technologies numériques pour s'adapter à la crise. La proportion d'entreprises ayant intensifié leur recours à des technologies numériques est passée de 31 % dans les premiers mois de la pandémie à 44 % environ 7 à 12 mois après le début de la crise, tandis que la part de celles ayant réalisé de nouveaux investissements dans des solutions numériques est passée de 17 à 29 %. Il est encourageant de constater que les microentreprises féminines ont été beaucoup plus enclines à utiliser des plateformes digitales que leurs homologues masculins.
Les embauches reprennent, mais lentement: Nos enquêtes montrent que si les entreprises sont moins nombreuses à réduire leurs effectifs, le rythme de la reprise de l'emploi reste lent par rapport au déclin initial. La part des firmes diminuant le temps de travail ou les salaires est passée de 44 % au début de la crise à 32 % quelques mois plus tard. Il s'agit certes d'une amélioration, mais le nombre d'emplois recréés est encore bien inférieur aux destructions enregistrées au début de la pandémie.
Malgré le redémarrage de l'activité, le passage au numérique et une certaine embellie de l'emploi, l'incertitude persistante et les vulnérabilités financières restent les plus grandes menaces pour une reprise durable et plus équitable. De fait, les entreprises interrogées font état d’un sentiment d’incertitude qui ne faiblit pas plus d'un an après le début de la pandémie. De même, les fragilités financières sont toujours une menace : alors que 37 % des entreprises disent avoir désormais surmonté le risque de retards de paiement des premiers mois de la pandémie, 30 % sont à présent en situation d'arriérés de paiement ou en passe de le devenir.
Le climat d’incertitude aiguë pèse aussi sur la propension des entreprises à investir dans les technologies numériques et à embaucher. Selon nos enquêtes, le redressement de la courbe des ventes ne s'est pas nécessairement accompagné d'une reprise des embauches. Les données indiquent aussi clairement que la lenteur des créations d'emploi n'est pas liée à une plus forte automatisation ou au passage au numérique, mais plutôt aux incertitudes encore marquées des dirigeants d'entreprise. Ce constat suggère que, sans intervention des pouvoirs publics, tous les emplois détruits pendant la crise ne seront peut-être pas rétablis, même si les chiffres d'affaires ont tendance à revenir à leur niveau d'avant la crise.
Comme l’histoire le montre, une incertitude élevée exige des décideurs politiques qu'ils injectent non seulement des capitaux, mais plus important encore, de la confiance dans le monde des affaires. Pour cela, les gouvernements doivent premièrement faire connaitre avec clarté et en temps opportun les critères d'éligibilité, la durée et les objectifs des programmes d'aides publiques, afin de rassurer les entreprises par des annonces et des réponses politiques cohérentes. Ce qui implique, à notre niveau, de continuer à collecter et analyser des données pour rendre compte de l'impact de la crise sur les entreprises et des réponses politiques, et permettre ainsi, dans un contexte de poursuite de la pandémie, de mieux cerner les mesures nécessaires et de surveiller l'efficacité des programmes d'aide.
Deuxièmement, il est fondamental de préserver la capacité du secteur financier à continuer d'octroyer des prêts, tout particulièrement dans les pays où les marchés financiers sont moins matures. Comme le révèlent les résultats de nos enquêtes, les grandes entreprises se rétablissent plus rapidement que les petites et microentreprises. En outre, la vulnérabilité financière est plus importante pour les entreprises dirigées par des femmes que pour celles détenues par des hommes. Par conséquent, aider les banques et autres institutions financières et non financières à accroître les fonds alloués aux petites et moyennes entreprises viables et productives pourrait contribuer à combler les inégalités entre les sexes et les déficits de financement. Outre ces difficultés d'accès aux financements, les entreprises féminines se heurtent à toute une série de contraintes qui, des lois aux politiques en passant par les règlements, les défavorisent. Le moment est venu de remédier à ces distorsions afin que les entreprises appartenant à des femmes puissent participer pleinement à la reprise.
Troisièmement, les gouvernements ont la possibilité d'accélérer la transition numérique grâce à des programmes qui facilitent et encouragent l'adoption de ces technologies . Le numérique s'est révélé un outil efficace pour atténuer l'impact de la crise sur la performance des entreprises, en particulier celles dirigées par des femmes. Pourtant, de nombreuses sociétés — les petites en particulier — investissent relativement peu dans les technologies numériques et l'innovation. Les politiques publiques favorisant l'adoption de ces technologies aideront les entreprises à surmonter les effets de la crise actuelle et jetteront les bases d'une croissance de la productivité plus rapide.
Tous ces constats issus des enquêtes et bien d'autres sont analysés plus en détail dans un récent document de travail (a) de la Banque mondiale. En enrichissant le tableau de bord Business Pulse Survey (a), qui contient à présent 30 indicateurs allant des niveaux de ventes aux attentes des entreprises, nous nous attachons à aider les responsables politiques du monde entier à mieux évaluer les risques pour les entreprises et à concevoir des programmes adaptés d'aides publiques. Alors que la pandémie n’est pas encore terminée, nous espérons que cette collecte de données pertinentes et actualisées pour éclairer les politiques contribuera à établir les bases d'une reprise durable, résiliente et inclusive, et aussi à améliorer l'arsenal d'outils dont disposent les décideurs pour faire face aux chocs futurs.
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