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Tout ce que vous devez savoir sur l'énergie et la pauvreté

Systèmes portables de captation d'énergie solaire en Mongolie rurale © Dave Lawrence/Banque mondiale


Premièrement, il est impératif de lutter contre la pauvreté énergétique pour mettre fin à la pauvreté tout court.

La pauvreté énergétique revêt en fait deux aspects : tout d'abord, ce sont les pauvres qui ont le moins de chance d'avoir accès à l'électricité ; ensuite, sans électricité, ils ont davantage de risques de rester pauvres.
 
Environ un habitant de la planète sur sept, soit 1,1 milliard de personnes, n'a pas accès à l'électricité, et près de 3 milliards continuent d'utiliser des combustibles polluants pour cuisiner (kérosène, bois, charbon de bois, déjections animales, etc.).

 
L'accès à l'électricité reste un défi immense en Afrique. À titre d'exemple, seulement 2 % de la population libérienne dispose d'un accès régulier à l'électricité.
 
Et même parmi les pays équipés, le service est souvent très peu fiable. Un tiers des pays en développement subissent au moins 20 heures de coupure de courant par mois.
 
Lorsqu'elle est disponible, l'électricité peut s'avérer coûteuse : dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne, les consommateurs paient le kilowattheure entre 20 et 50 cents de dollar, alors que la moyenne mondiale se situe autour de 10 cents.
 
Une croissance économique inclusive constitue le seul moyen efficace de faire reculer la pauvreté et de promouvoir une prospérité partagée. Cependant, la plupart des activités économiques sont impossibles sans une énergie moderne adéquate, fiable et proposée à un prix compétitif.
 
C'est pour cela que l'accès à l'énergie a tant d'importance dans la lutte contre la pauvreté.
 
Deuxièmement, l'accès à l'énergie doit être pensé durablement.

Selon les données les plus récentes, le nombre de personnes qui ont accès à l'électricité augmente actuellement à un rythme sans précédent. En revanche, le recours aux énergies renouvelables ne progresse pas à la même vitesse et l'amélioration de l'efficacité énergétique a pris beaucoup de retard.
 
D'après l'Agence internationale de l'énergie, l'efficacité énergétique constitue désormais dans les pays à revenu élevé la « principale source d'énergie », car l'énergie ainsi économisée peut être utilisée ailleurs.
 
Cela signifie qu'il suffirait d'améliorer la maîtrise de l’énergie pour rompre le lien entre croissance économique et besoins énergétiques.
 
Avec des économies d'énergie égales à sa consommation entre 1990 et 2010, la Chine fait figure de géant en matière de réduction de l'intensité énergétique. L'économie du pays reste toutefois deux fois plus énergivore que celle du Japon, ce qui laisse encore une grande marge de progression.
 
Si toutes les technologies d'optimisation de l'efficacité énergétique dont nous disposons actuellement étaient mises en œuvre, la consommation d’énergie pourrait être réduite d'un tiers.
 
On voit aujourd'hui un certain nombre de pays passer des combustibles fossiles aux énergies renouvelables en investissant massivement dans des technologies bien connues telles que l'hydroélectricité, la géothermie, le solaire et l'éolien.
 
Entre 2010 et 2012, le recours à des énergies renouvelables modernes a progressé de 4 % à l’échelle mondiale. Dans ce domaine, c'est l'Asie de l'Est qui arrive en tête, avec 42 % des nouveaux sites de production.
 
La transition dans le monde en développement n'en est qu’à ses balbutiements. L'Afrique et l'Asie n'exploitent que 10 à 20 % de leur potentiel hydroélectrique, et commencent seulement à prendre conscience de tout le potentiel qu'offre le solaire.
 
Troisièmement, les obstacles qui entravent l’accès à l’énergie ne sont pas seulement financiers et concernent aussi les choix de politique.
 
De nombreux pays continuent de subventionner les combustibles fossiles pour en faire baisser le coût pour les ménages. Toutefois, en plus d'être très coûteuses, les subventions non ciblées sapent les mesures d'économie d'énergie et profitent essentiellement aux plus riches, car ceux-ci consomment plus de ces combustibles que les pauvres.
 
En 2013, près de 550 milliards de dollars de fonds publics ont été dépensés en subventions directes aux combustibles fossiles à l'échelle mondiale. Cette immense masse d'argent pourrait être consacrée aux problèmes de développement prioritaires.
 
Nombre de pays sont confrontés à un autre problème majeur : les énergies renouvelables nécessitent des investissements à forte intensité de capital, et ce dernier peut s'avérer difficile à lever dans les environnements à risque. De nombreux pays ont adopté des mesures incitatives pour surmonter ces obstacles. Le Brésil et l'Inde ont mis en place des systèmes d’enchères.
                                                                                                                                          
Les petits projets solaires peuvent aussi considérablement accélérer l'élargissement de l’accès à l’énergie. Les systèmes solaires domestiques à faible coût ont permis à des pays comme le Bangladesh et la Mongolie de fournir de l'énergie à des ménages pauvres qui, autrement, vivraient dans l'obscurité.
 
Le Bangladesh possède à présent le plus grand programme d'électrification hors réseau au monde. Débuté en 2003 avec le branchement d'environ 11 000 foyers, le programme raccorde à présent plus de 850 000 foyers par an à une énergie solaire totalement sûre.
 
En matière d’énergie renouvelable, on assiste aujourd’hui à une révolution majeure avec l’apparition de nouvelles possibilités de stockage. Les nouvelles technologies d'accumulateurs pourraient permettre au monde de passer bien plus rapidement qu'attendu à au moins 50 % d'énergies renouvelables, voire plus.
 
Quatrièmement, l'énergie renouvelable pour tous est une question que le Groupe de la Banque mondiale prend très au sérieux.
 
Nous sommes bien conscients du fait que, pour atteindre cet objectif, il faudra tripler les flux de capitaux dédiés jusqu'à présent aux projets d'appui à l'accès à l'énergie et aux énergies propres.
 
L'année dernière, les deux tiers de nos prêts ont été attribués à des pays d'Asie du Sud et d'Afrique subsaharienne où vivent l'essentiel des personnes dépourvues d'accès à l'énergie.
 
Plus de 90 % des prêts consacrés à la production d'électricité vont à des projets liés aux énergies propres : gaz naturel, hydroélectricité, solaire, éolien et géothermie. À de très rares exceptions près, nous ne finançons aucun projet de production d'électricité reposant sur le charbon.
 
Nous jouons également un rôle important pour aider les pays à mettre en place un climat propice à l'investissement, particulièrement dans le domaine des énergies renouvelables.
 
Nous sommes fermement convaincus que mettre fin à la pauvreté énergétique est un objectif qui mérite toute notre attention.
 
C'est la raison pour laquelle nous coprésidons l'initiative Énergie durable pour tous (a) avec le secrétaire général des Nations Unies. Ensemble, nous nous focalisons sur trois objectifs : assurer l'accès universel à des services énergétiques modernes, multiplier par deux la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique mondial et doubler le taux d'amélioration de l'efficacité énergétique.
 
Nous avons bon espoir que la pauvreté énergétique figure parmi les nouveaux Objectifs de développement durable (ODD) que la communauté internationale adoptera cette année.
 
Ce billet s'appuie sur un discours prononcé en juin 2015 (a).


Auteurs

Sri Mulyani Indrawati

Directrice générale et directrice des opérations

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