Publié sur Opinions

Une Journée de la Terre entre crainte et espoir

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Nous célébrons la Journée de la Terre alors que la crise mondiale de la COVID sévit depuis plus d’un an. Cet événement sera-t-il placé sous le signe de la crainte ou de l’espoir ? Ces deux sentiments empreignaient déjà la toute première édition de la Journée de la Terre, en 1970, née tant de l’angoisse qu’ont suscitée les révélations du Printemps silencieux sur le fléau des pesticides et l’embrasement de la rivière Cuyahoga que de la promesse portée par le lever de Terre photographié par la NASA. 

La pandémie a jeté un éclairage cru sur l’état des services de santé publique et des systèmes de soins, en mettant en lumière le manque chronique de moyens pour gérer les risques sanitaires émergents. Dans le même temps, la crise climatique, véritable quadrature du cercle, menace de compliquer toujours plus la donne. 


Les dérèglements du climat présentent le risque avéré de perturber et de submerger les systèmes de santé, freinant le déploiement de la couverture sanitaire universelle, notamment là où les fragilités sont les plus grandes.  Malgré les nombreuses raisons de s’alarmer, la volonté collective et internationale de prendre la COVID-19 à bras-le-corps a révélé qu’un monde souvent divisé sait coopérer pour faire face à une pandémie, avivant l’espoir d’une résorption possible de la crise climatique.

Changement climatique et risques sanitaires

Les risques sanitaires liés au changement climatique sont tout aussi pressants que la crise de la COVID. Mais, contrairement à l’épidémie actuelle, ces risques devraient s’exacerber au cours des prochaines décennies à moins d’une mobilisation rapide et profonde. Certes, les dérèglements du climat n’ont pas directement provoqué l’émergence ou la transmission du nouveau coronavirus. Cependant, les répercussions sanitaires de ces deux crises interagissent à de nombreux niveaux, avec plusieurs facteurs communs et un impact similaire sur des populations vulnérables. Face à elles, les interventions du secteur de la santé se recoupent, soit pour parer aux menaces actuelles, soit pour saisir toutes les occasions de mieux reconstruire. 


La mobilisation du secteur de la santé face à la pandémie de COVID peut favoriser à terme la résilience et l’adaptation des systèmes sanitaires aux événements climatiques.  La collaboration mondiale que l’on a vue à l’œuvre face à la pandémie montre comment l’on pourrait faire face au double défi climatique et sanitaire. En outre, au-delà d’une plus grande adaptation aux chocs climatiques, la convergence entre COVID et changement climatique est l’occasion concrète de résoudre simultanément les deux crises en bâtissant des systèmes de santé réellement durables qui s'affranchissent des émissions de carbone pour progresser vers une couverture sanitaire universelle. 

L’adoption du concept « Une seule santé » en est une illustration : en intégrant les données relatives à la santé humaine, animale et environnementale au suivi de la santé publique et à l’évaluation des risques, on peut anticiper plutôt qu’agir a posteriori en se donnant pour objectif ultime de prévenir les crises. De même, dans le domaine de la préparation, de l’intervention et du relèvement dans les situations d’urgence, on aurait beaucoup à gagner de l’élaboration de plans de préparation et d’intervention multirisques qui intègrent à la fois les risques liés aux pandémies et aux dérèglements du climat, favorisent l’amélioration de la gouvernance et de la coordination et prévoient des mécanismes de financement en cas d’urgence.  

La résilience climatique concerne la santé et d’autres secteurs

L’élargissement des capacités de dépistage, d’isolement et de traitement face à la COVID devrait être l’occasion de généraliser le recours à des sources d’énergie renouvelable et hybride pour un approvisionnement en électricité fiable. On peut également privilégier une production locale pour l’achat de produits médicaux essentiels destinés à soigner les victimes de pandémies et de catastrophes naturelles : cet approvisionnement serait ainsi régulier, durable et limiterait les émissions dues au transport. 

Les stratégies vaccinales, qui ont un rôle décisif, doivent investir dans des chaînes du froid et des systèmes d’approvisionnement durables et économes en énergie qui consolident les secteurs de la santé. Ces investissements pourraient concerner des modes de transport décarbonés, des équipements médicaux et des emballages recyclables, des solutions de réfrigération respectueuses de l’environnement et le recours à des sources d’énergie à faible émission de carbone ou renouvelables. 

Au-delà des interventions d’urgence, c’est peut-être en reconstruisant mieux dans l’optique d’un développement vert, résilient et inclusif que les gains les plus importants pourront être réalisés. Pour atteindre cet objectif, il faudra davantage investir dans les équipements médicaux climato-intelligents, basculer vers une production d’énergie renouvelable à grande échelle et promouvoir le transport actif (marche et vélo). 

Pour rebâtir, rénover ou moderniser des établissements de soins de santé sinistrés, l’adoption de principes de construction écologique est vitale, comme le recours à des solutions naturelles (a) pour se prémunir des inondations ou des incendies de forêt ou le déphasage thermique des bâtiments.

Autre point crucial : catalyser les investissements des secteurs public et privé au moyen de mécanismes de financement innovants afin d’appuyer les mesures climato-intelligentes qui nécessiteront des ressources dans des secteurs multiples (hors santé ou climat), comme l’énergie, l’agriculture, l’eau, l’urbanisme, les transports et l’environnement. Des domaines connexes tels que la santé numérique peuvent également être bénéfiques pour le climat, même s’ils ne se destinent pas formellement à l’atténuation des émissions.

La pandémie a déjà remodelé le monde, exacerbant les lacunes des systèmes de santé et creusant les inégalités déjà présentes. Le changement climatique va transformer notre planète.
Il nous faut agir dès maintenant et prolonger cette dynamique internationale inédite qui s’est enclenchée l’an dernier, afin de renforcer la résilience des systèmes de santé face aux changements climatiques et aux pandémies , aujourd’hui et demain. 

Mobilisons-nous pour qu’à la prochaine Journée de la Terre l’espoir l’ait emporté sur la crainte !


Auteurs

Stephen Dorey

Consultant en santé, nutrition et population, Banque mondiale

Tamer Samah Rabie

Spécialiste principal de la santé

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