Vous êtes-vous déjà demandé quel parcours accomplissaient vos achats de vêtements ou de matériel électronique jusqu'à vos magasins habituels ? Ils traversent très probablement des frontières et des mers, c'est pourquoi les ports sont des étapes importantes sur leur trajet. En effet, un port n'est pas qu'un simple lieu d'amarrage pour un bateau ; c'est aussi un espace grouillant d'activité, un centre névralgique pour la rapidité du fret international. Complexe, la gestion portuaire relève de divers acteurs privés et publics. Heureusement, les nouvelles technologies sont là pour faciliter le bon fonctionnement des ports et éviter les écueils.
Les plateformes numériques permettent désormais aux différents acteurs des complexes portuaires de partager données et informations. En améliorant la logistique, elles facilitent les échanges commerciaux. Le type de plateforme le plus récent est le « Port Community System » (PCS).
En quoi un PCS se distingue-t-il des autres solutions numériques utilisées dans les ports ? Imaginez une salle de réunion où tous les acteurs concernés — opérateurs de terminal, affréteurs, autorités portuaires, douanes, etc. — peuvent communiquer entre eux, à cette différence qu'au lieu de se parler, ils s'échangent des informations par la voie électronique. En réduisant de manière spectaculaire la paperasse et les lourdeurs administratives qui accompagnent traditionnellement la logistique portuaire, ce système accélère la prise de décisions et rationalise les opérations.
De manière plus générale, un PCS représente la cheville ouvrière qui renforce les chaînes d'approvisionnement mondiales contre les chocs. Plus les entreprises intervenant dans la logistique et dans les chaînes d'approvisionnement internationales échangent d'informations, mieux elles s'adaptent aux obstacles imprévus. Par ailleurs, un PCS représente pour les pays à revenu faible et intermédiaire un mécanisme élaboré de facilitation du commerce (a), qui optimise la connectivité logistique (a) des flux internationaux. Il pourrait marquer une étape majeure sur la voie de la prospérité par le commerce. En effet, un port au fonctionnement plus efficace gagne en capacité et donc en trafic.
Les avantages d'un PCS se traduisent aussi en chiffres, tant pour le consommateur que pour les entreprises et l'environnement. Par exemple, aux Pays-Bas, le système PORTBASE a réduit les coûts des sociétés de logistique de 245 millions de dollars. En plus de donner ainsi un coup de pouce à l'économie néerlandaise, il améliore les conditions de fonctionnement de la communauté portuaire au niveau micro-économique. En informant les entreprises de transport routier du moment exact où leur chargement sera prêt, ce même système a supprimé 30 millions de kilomètres de déplacements en camion et donc considérablement atténué leur impact sur l'environnement.
Les ports qui ont adopté un PCS réalisent désormais leurs opérations de manière plus rapide. Et, comme le dit le proverbe, le temps, c'est de l'argent, ce qui se vérifie dans le secteur du commerce international plus que partout ailleurs. Supposons que vous attendiez des jours et des jours que votre marchandise passe en douane. S'il s'agit de denrées périssables, elles seront bonnes à jeter et vos clients seront mécontents. Grâce à un PCS, fini le cauchemar des formalités administratives. Prenons l'exemple du port de Cotonou, au Bénin. La mise en œuvre d'un PCS y a procuré une réduction incroyable du temps d'attente pour les poids lourds, de 269 heures à 3 heures seulement en 2012 !
Un autre atout du PCS est le suivi en temps réel : vous voyez où en est exactement votre cargaison à l’autre bout du monde, tout comme vous suivez le parcours de la pizza que vous avez commandée en ligne. À Djibouti, par exemple, le PCS offre une vue à 360 degrés de tous les mouvements du fret, non seulement à destination de la ville mais aussi de l'Éthiopie voisine.
Avantage supplémentaire : à l'heure où nous nous préoccupons de plus en plus de notre empreinte environnementale, le PCS démontre encore plus son intérêt. Ainsi, le PCS utilisé à Dubaï a permis d'éviter 12,74 millions de visites physiques d'agents de transit et autres prestataires dans les installations portuaires. En outre, on a remplacé 42,47 millions d'échanges sur papier par des équivalents numériques, ce qui équivaut à environ 1 700 tonnes d'émissions de CO2 en moins. C'est comme si 347 voitures disparaissaient de la circulation pendant toute une année.
Pour qu'un PCS fonctionne efficacement, il faut qu'il soit bien intégré dans les autres systèmes déjà en cours d'utilisation dans le port. Par exemple, les ports disposent souvent d'un guichet commercial unique, destiné au partage de données entre les douanes et d'autres organismes d'inspection frontaliers. À cet égard, la République démocratique du Congo (RDC) constitue un bon exemple. Dans ce pays, le PCS multimodal national a été conçu pour fonctionner en lien direct avec le guichet unique national du commerce, les deux systèmes interconnectés se complétant l'un l'autre.
Cependant, des obstacles d'ordre technique ou financier empêchent de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire d'adopter un PCS. Cela explique pourquoi, sur l'ensemble des ports utilisant la plateforme à travers le monde, seulement 16 % se situent dans un pays à revenu faible ou intermédiaire, pour 84 % dans un pays à revenu élevé. Des technologies émergentes comme l'intelligence artificielle ou le cloud ne cessant de progresser, cette fracture numérique risque de s'aggraver.
Mais les organisations internationales peuvent atténuer cette fracture, via un appui technique et financier. La Banque mondiale et l'Association internationale des ports (IAPH) vont prochainement publier, à l'intention des ports envisageant l'adoption d'un PCS, un rapport intitulé Port Community Systems: Lessons from Global Experience, qui comportera un guide pratique étape par étape. Les États vont eux aussi jouer un rôle essentiel en établissant un protocole détaillé de mise en œuvre d'un PCS, couvrant entre autres thèmes la gouvernance, les modèles de financement et les réglementations.
Les systèmes de communauté portuaire représentent l'avenir de l'informatisation des ports. Loin de n'apporter qu'une mise à niveau technique, ils offrent un outil puissant, apte à révolutionner le commerce international et, par extension, les structures économiques mondiales. Il n'est pas étonnant que les ports les mieux notés à l'indice de performance logistique (a) de la Banque mondiale, importante mesure de la compétitivité, ont tous adopté de tels systèmes, contrairement à la plupart des complexes en bas du classement.
C'est pourquoi les pays les moins développés doivent agir vite. En effet, s'ils tardent à se mettre au PCS, ils risquent de manquer d'importantes opportunités. Par chance, il existe des soutiens financiers et techniques pour les aider à profiter eux aussi du commerce du 21e siècle, lequel passe par le numérique.
Ce travail a bénéficié du soutien de la Banque mondiale, avec un financement du Programme d’appui à la facilitation des échanges (TFSP) (a). Le TFSP est lui-même financé par neuf partenaires donateurs : l'Australie, le Canada, la Commission européenne, les États-Unis, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. Cette initiative consiste en une assistance apportée à des pays souhaitant aligner leurs pratiques commerciales sur l'Accord de facilitation des échanges de l'Organisation mondiale du commerce (AFE-OMC).
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