Imaginons que vous êtes une maman en train de faire la lessive à la borne-fontaine située à proximité de la maison. Votre enfant de deux ans, qui joue par terre, a besoin d’aller aux toilettes. Que faites-vous ? Il y a de fortes chances pour que vous le laissiez faire ses besoins par terre, là où il se trouve.
Selon une analyse récemment menée par le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et le Programme pour l’eau et l’assainissement (WSP) de la Banque mondiale dans un certain nombre de pays clés, plus de 50% des ménages ayant des enfants de moins de trois ans indiquent n’avoir pris aucune précaution d’hygiène la dernière fois que l’un d’eux a fait ses besoins. Ce qui signifie, concrètement, que les enfants défèquent là où ils se trouvent et que leurs excréments sont laissés là, à l’air libre. Par ailleurs, les excréments d’autres enfants du voisinage sont jetés dans une rigole ou un fossé, ou bien enterrés ou jetés avec les déchets solides, et restent donc dans l’environnement direct de la zone d’habitation.
L’analyse fait observer que, même dans les foyers qui ont accès à des toilettes ou des latrines répondant aux normes mondiales de l’assainissement « amélioré », les matières fécales des enfants ne sont pas forcément bien éliminées. C’est par exemple le cas de 56 % des ménages interrogés en Inde, parmi les 23 % d’entre eux qui ont accès à un assainissement amélioré. Dans quasiment tous les pays, les excréments des enfants de moins de trois ans sont éliminés avec moins de précautions que ceux du reste de la population. Il n’est pas surprenant que l’analyse ait également constaté que cette tâche incombe aux femmes. Enfin, c’est dans les ménages ruraux pauvres et comptant les enfants les plus jeunes que ces pratiques à risque sont les plus répandues.
Pourquoi est-ce important?
S’il peut sembler dégoûtant pour certains de laisser à l’air libre les excréments des nouveau-nés et des enfants, à proximité de l’endroit où d’autres enfants en bas âge se trouvent, jouent et parfois mangent de la terre, nombreux sont ceux qui pensent que cette pratique ne présente aucun danger. Ce n’est malheureusement pas le cas, car ces excréments renferment davantage de pathogènes que ceux des adultes. Les recherches sur les conséquences sanitaires d’une élimination des excréments d’enfants sans précautions d’hygiène sont rares, mais quelques études montrent que ces conséquences peuvent être graves pour les enfants : ces pratiques peuvent notamment accroître la prévalence de la diarrhée, des vers intestinaux, de l’entéropathie et de la malnutrition, ainsi que le nombre de décès. Si des études supplémentaires sont nécessaires, le Groupe de références épidémiologiques sur la santé de l'enfant (CHERG) a conclu que les données « indiquaient fortement » que l'élimination sans risque des selles était une mesure de protection [i].
Que pouvons-nous faire?
La plupart des programmes visant à atténuer l’incidence de la diarrhée ou du retard de croissance ne s’intéressent pas aux facteurs comportementaux d’une élimination sans risque des excréments des enfants. Même les programmes destinés à changer les habitudes d'hygiène des adultes oublient souvent les enfants en bas âge, alors même que l’impact de leur intervention est in fine mesuré par les effets de la diarrhée ou du retard de croissance chez les enfants... Dans le cadre des Objectifs de développement durable, et si l’on veut l’éliminer d’ici 2030 la défécation en plein air, il faudra recentrer l’attention sur ce problème. Pour en savoir plus, veuillez consulter les fiches-pays produites par le WSP et l’UNICEF ou lire la synthèse de l’étude.
[i] Scott, B, Children’s Stool Disposal: A Review of Prevalence of Practice and its Relationship with Health, and Recommendations for Filling the Evidence Gaps. Non publié. London School of Hygiene and Tropical Medicine.
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