Cette Journée mondiale des toilettes est l’occasion de sensibiliser chacun à l’intérêt d’un assainissement sûr pour tous. Autant nous sommes tous convaincus de l’importance des toilettes pour la dignité, la santé et la sécurité, autant nous sommes moins nombreux à connaître leur utilité pour atténuer le changement climatique et promouvoir un développement durable.
Pourquoi se soucier de quelque chose qui va de soi ? Impossible pourtant de prévenir la propagation des maladies, de protéger l’environnement, d’assurer la scolarité des enfants ou de préserver la productivité économique sans toilettes.
En 2020, pratiquement la moitié de la population mondiale n’avait pas accès à des installations sanitaires gérées en toute sécurité. Pour atteindre le sixième objectif de développement durable — garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement d’ici à 2030 —, nous allons devoir investir et innover, aussi bien au niveau des toilettes que du transport, de la collecte et de traitement des déchets humains.
Le changement climatique aggrave les problèmes d’assainissement. Les inondations et l’élévation du niveau de la mer menacent les installations sanitaires, avec un risque de propagation des excréments dans les sources d’eau et les champs cultivés pour l’alimentation humaine, tandis que les sécheresses extrêmes accentuent la pression sur des ressources hydriques déjà limitées pour nettoyer les réseaux d’égouts.
Inversement, un mauvais système d’assainissement renforce les effets du changement climatique. À l’échelle de la planète, 80 % des eaux usées retournent dans la nature sans avoir été traitées ou réutilisées et des systèmes défaillants de gestion des eaux usées pourraient engendrer jusqu’à 9 % des émissions de méthane produites par l’homme. Si les effets du méthane ne sont pas aussi durables que ceux du dioxyde de carbone, ils sont jusqu’à 34 fois plus prononcés. D’où l’idée que nous pouvons obtenir des avancées rapides et importantes dans la lutte contre le changement climatique en nous efforçant, en plus de viser la neutralité carbone à plus long terme, de contrôler ces émissions.
Les déchets humains sont un fardeau, certes, mais utile. Profitons de cette Journée mondiale des toilettes pour changer de discours et les envisager comme une ressource plutôt que comme un risque ! Nous avons besoin d’installations sanitaires capables d’atténuer le changement climatique et de s’adapter aux évolutions qu’il entraîne. Une réutilisation des déchets humains en toute sécurité permet d’économiser de l’eau, de réduire et piéger les émissions de gaz à effet de serre et d’apporter au secteur agricole des intrants (eau, engrais et produits dérivés riches en nutriments) durables.
Le Groupe de la Banque mondiale est en première ligne de l’innovation dans ce domaine.
En 2018, nous avons lancé en Amérique latine et dans les Caraïbes l’initiative Wastewater: From Waste to Resource afin d’aborder la question des eaux usées et de sensibiliser les responsables politiques à leur potentiel en tant que ressource. Dans cette région, 60 % environ de la population est raccordée à un système d’assainissement et entre 30 et 40 % seulement des eaux usées collectées sont traitées. Une approche de l’économie circulaire appliquée au traitement des eaux usées pourrait transformer les services d’assainissement, actuellement très onéreux, en des services autonomes et porteurs de valeur ajoutée pour l’économie.
À Guayaquil, la plus grande ville de l’Équateur, des investissements récents dans la collecte et le traitement des eaux usées ont déjà des effets positifs sur la qualité de l’eau et la pollution. Deux nouvelles stations d’épuration, pour lesquelles les appels d’offres de construction sont en cours, intègreront des installations de cogénération afin de transformer en électricité le biogaz produit par la digestion des boues — et de produire ainsi jusqu’à 35 % de l’énergie nécessaire au fonctionnement de ces sites.
Dans l’arrondissement de Grand Dakar, au Sénégal, plus de 445 000 mètres cubes d’eau sont consommés par jour mais 126 000 mètres cubes d’eaux usées seulement sont collectés par le réseau d’assainissement et, sur ce volume, à peine 28 % sont traités. Le Groupe de la Banque mondiale accompagne les réflexions de l’Office national de l’assainissement du Sénégal pour mettre en place des solutions en lien avec l’approche de l’économie circulaire (comme le réemploi à certaines conditions des eaux usées pour irriguer et amender les sols), dans le but de renforcer la sécurité hydrique.
C’est un début. Mais pour avoir un véritable impact, nous devons renoncer aux projets ponctuels et isolés de traitement des eaux usées au profit de solutions pleinement intégrées et correctement planifiées, seules capables de nous promettre un avenir durable...
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