Crise globale, impact local : Comment la Côte d’Ivoire fait face aux retombées de la guerre en Ukraine

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Depuis 2012, date du retour de la paix après une période de conflit civil qui a duré de 2002 à 2011, la Côte d'Ivoire a été l'une des économies d'Afrique subsaharienne à la croissance la plus rapide, avec un PIB réel en progression de 8,2 % en moyenne. Cependant les retombées économiques de la guerre en Ukraine ont porté un coup aux pays en développement, déjà éprouvés par la pandémie de COVID-19 et la hausse mondiale du prix des produits alimentaires. La Côte d'Ivoire a néanmoins fait preuve d'une résilience remarquable face à ces chocs successifs.   

La protection d'une économie forte

La Côte d'Ivoire a abordé la crise de la COVID-19 en position de force, portée par sa croissance économique et des politiques macroéconomiques saines. La réponse rapide du gouvernement face à la pandémie a permis de protéger le pays des pires impacts de cette période. Cependant la guerre en Ukraine et ses conséquences viennent perturber la fragile reprise économique du pays. La guerre a entraîné une accélération de l'inflation et d'importantes fluctuations des principales devises, l'euro et le franc CFA d'Afrique de l'Ouest (FCFA) connaissant une forte dépréciation face au dollar américain (US).  

Flambée du prix des intrants agricoles 

Les prix des matières premières (a) exportées de Russie et d'Ukraine, en particulier le pétrole et le gaz, le blé ainsi que les engrais ont connu une envolée. Au niveau mondial, le prix des engrais a augmenté de plus de 90 % entre janvier et août 2022, par rapport à la même période en 2021.  En conséquence, les importations ivoiriennes d'engrais ont diminué de 55 % entre janvier et août, par rapport à la même période en 2021. Cette tendance a entraîné une hausse du prix des engrais sur le marché intérieur. Sans les subventions accordées par le gouvernement pour le pétrole et le diesel, le prix des carburants aurait également augmenté de 50 %. 

La flambée du prix des intrants agricoles combinée aux perturbations du commerce mondial ont entraîné une hausse du prix des produits alimentaires sur le marché intérieur. Entre janvier et août 2021, l'indice du prix des aliments et des boissons non-alcoolisées a augmenté de 6 %. Une hausse qui s'est répétée en 2022 avec 7 % d'augmentation de cet indice entre les mois de janvier et août, par rapport à 1 % pour la même période en 2019 et 2020. 

Les populations les plus pauvres seront les plus touchées 

Tant que l'inflation actuelle et la perturbation des échanges commerciaux ne s'aggravent pas, les retombées de la guerre ne devraient pas entraîner de récession générale en Côte d'Ivoire, du fait de la solidité économique du pays avant la pandémie et la guerre. Cependant, les populations les plus pauvres du pays seront affectées. Plus de 10 millions d'habitants, sur une population totale de 27 millions (39,5 %) vivent sous le seuil de pauvreté nationale, et environ 4,3 % des habitants vivent en situation d'insécurité alimentaire grave (soit entre les phases 3 à 5 du Cadre Harmonisé (a))1. L'impact de la hausse des prix, entraînée par les prix élevés des produits alimentaires sur le marché international et les coûts importants du transport intérieur, dépendra du panier alimentaire des ménages.  Il devrait rester limité sur les féculents produits à l'intérieur du pays comme les ignames et le magnoc, mais plus important pour les produits d'importation comme le riz et le blé, un ingrédient essentiel pour le pain, aliment de base des populations urbaines. La hausse des prix du transport, de l'énergie (électricité) associée à l'inflation – plus de 5 % en 2022 et 2,3 % en 2023, selon les estimations officielles – pèseront encore davantage sur le budget déjà serré des ménages.

Le niveau des prix et la faiblesse de la monnaie impactent l'agroalimentaire

Bien que l'augmentation des prix alimentaires ait un impact négatif pour les consommateurs, l'impact sur les agriculteurs, qui font souvent partie des populations les plus pauvres, pourrait être positif.  L'affaiblissement du franc CFA rend en effet les exportations du pays plus compétitives. Si les prix à la production s'alignent sur les prix internationaux, cela pourrait stimuler significativement les revenus des agriculteurs et contribuer en même temps à la croissance économique. Le secteur agricole représente 23 % du PIB et constitue la principale source de recettes en devises. L'agriculture emploie environ 45 % de la population active en Côte d'Ivoire (a). 

Alors que la faiblesse de la monnaie locale fait augmenter le prix des produits d'importation, ce contexte pourrait amener les consommateurs à se tourner vers des alternatives locales et favoriser l'innovation – en privilégiant par exemple la farine de magnoc produite sur place plutôt que la farine de blé importée et plus chère. L'appui du gouvernement au sous-secteur des cultures vivrières pourrait ainsi connaître un nouvel élan.

Mesures d'atténuation

Afin d'atténuer les impacts économiques de la guerre, le gouvernement a mis en place plusieurs mesures : une régulation du prix des carburants et des denrées alimentaires de base, des réductions temporaires et des exemptions de taxe sur la valeur ajoutée, de prélèvements, et de droits de douane pour les aliments de base ainsi que des subventions aux intrants pour les agriculteurs. Les importations de blé sont exonérées de droit de douane, et le gouvernement prévoit d'accroître la production de magnoc et de maïs.

Un appel pour l'avenir

Ces chocs multiples appellent à poursuivre l'augmentation de la production agricole intérieure de façon durable, afin de promouvoir la production locale d'engrais biologiques, et d'accroître la transformation alimentaire au niveau national.  Ces actions ont le potentiel de renforcer la résilience des petits producteurs et des consommateurs ivoiriens. 

 

14.3 % de l'échantillon de la population comptant 7 076 154 personnes.


Auteurs

Melanie Ahoba

Agriculture Economist Consultant

Chakib Jenane

Directeur régional pour le développement durable, Afrique de l’Ouest et du Centre

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