Publié sur Voix Arabes

À Gaza, la transformation du secteur de la pêche peut créer de l'emploi et améliorer les moyens de subsistance

Bateaux de pêche dans la bande de Gaza. Photo : Shutterstock.com Bateaux de pêche dans la bande de Gaza. Photo : Shutterstock.com

Le poisson se retrouve souvent au menu des familles de Gaza, où la mer Méditerranée assure traditionnellement la subsistance des habitants. Mais depuis quelques années, le mode de vie local est menacé.

En février 2020, nous nous sommes entretenus avec des acteurs du secteur de la pêche, dans le cadre notamment d'ateliers animés par la Banque mondiale. Pêcheurs, commerçants, restaurateurs, pisciculteurs, transporteurs, scientifiques, officiels et représentants d'ONG ont évoqué les difficultés de la pêche à Gaza et son déclin. Ils ont aussi manifesté leur volonté de revitaliser le secteur, moyennant une meilleure gestion de ses ressources, l'amélioration de ses chaînes de valeur et le développement de l'aquaculture. Par leur action conjointe, ces piliers d'une gestion durable de la pêche peuvent accroître la sécurité alimentaire, tout en créant de l'emploi et des revenus.

Près de 2 millions d'habitants vivent dans la bande de Gaza. Ils puisent de longue date leur subsistance dans la Méditerranée. La pêche y joue un rôle vital pour l'emploi, en faisant vivre plus de 100 000 personnes. Aujourd'hui, la mer ne représente pourtant plus une manne, comme nos interlocuteurs en ont souvent témoigné. La population de Gaza ne peut plus compter sur le poisson, ni même, parfois, s'en offrir. La plupart des familles de pêcheurs sont pauvres. Et leur situation devient de plus en plus précaire, car les écosystèmes marins ne cessent de se détériorer.

Un rapport récemment réalisé par la Banque mondiale, intitulé en anglais Rapid Fishery and Aquaculture Sector Diagnosis Using Fishery Performance Indicators in the Gaza Strip et financé à l'aide du dispositif PROBLUE (a), dresse un état des lieux alarmant du secteur. Fort heureusement, Gaza dispose d'une pêche bien organisée et le sous-secteur de l'aquaculture voit émerger de nouveaux entrepreneurs. Il n'empêche que ses écosystèmes sont dégradés, que ses équipements et ses installations portuaires sont vétustes et qu'une grande partie des espèces de poissons dont dépend la population est surexploitée.

À Gaza, les pêcheurs sont parmi les plus pauvres et doivent faire face à des difficultés particulières

Gaza, où le taux de chômage atteignait 45 % en 2019, connaît des difficultés particulières. Des pêcheurs nous ont dit qu'ils trouvaient dans leurs filets de plus en plus de déchets. Ils sont aussi confrontés au manque d'électricité et à de fréquentes coupures de courant. S'ajoutent à cela les problèmes endémiques posés par une mobilité réduite et par les fluctuations des zones de pêche dues aux restrictions imposées aux pêcheurs de Gaza au gré du conflit.

Enfin, des difficultés plus courantes touchent le secteur, notamment l'obsolescence du matériel et l'impossibilité d'accéder aux marchés, que la pandémie de coronavirus risque d'aggraver à brève échéance.

Cependant, dans la perspective de la reprise économique post-COVID, la pêche représente pour les partenaires du développement un point d'entrée pour soutenir des initiatives pilotées par les communautés, en commençant par la fourniture d'une assistance technique et de filets de protection sociale en faveur des plus démunis et vulnérables.

L'étude diagnostique menée par la Banque mondiale établit aussi que, dans l'état où il se trouve, l'écosystème marin de la bande de Gaza exige une action d'urgence. Les rejets en mer d'eaux usées non ou partiellement traitées nuisent à la biodiversité sous-marine et à la santé publique. Ils perturbent l'équilibre écologique entre poissons, zooplancton, phytoplancton et macroalgues, ainsi que leur habitat.

Une partie de la ressource se perd aussi après la pêche, faute de techniques adéquates de manipulation, ainsi que d'équipements dans les installations portuaires et dans les unités de conditionnement du poisson. Des pertes qui s'expliquent aussi par un manque aigu d'espace de stockage et par des ruptures de la chaîne du froid. Les ports ne possédant pas d'installations de manipulation du poisson dans des conditions sanitaires correctes, ni d'entrepôts réfrigérés, le poisson, mal conservé, se vend moins cher. À l'inverse, si les poissons pêchés et élevés à Gaza étaient conservés et traités dans de bonnes conditions, ils se vendraient mieux, avec à la clé plus de revenus et plus d'emplois.

Étant donné les contraintes pesant sur les zones de pêche et les difficultés logistiques que connaît Gaza, les solutions apportées devront être innovantes et flexibles. L'atelier de consultation mené en février a été l'occasion d'un dialogue entre acteurs du marché. Nous espérons que ces échanges mèneront à l'adoption de bonnes pratiques, notamment dans le sous-secteur de l'aquaculture, dont l'essor présente l'avantage d'échapper aux fluctuations des zones de pêche. Notre rapport recommande en outre que se développent et se perpétuent une coordination et des consultations entre les différents acteurs et associations.

Le développement de l'aquaculture, source d'emploi dans la bande de Gaza

Avant tout, Gaza a besoin d'emplois. L'aquaculture s'impose aujourd'hui comme un sous-secteur de la pêche émergent et rentable. La réussite et le fort potentiel de certaines entreprises aquacoles sont propres à attirer de nouveaux investisseurs privés. L'élevage du tilapia est l'une des plus anciennes activités d'aquaculture à Gaza. Réalisé dans l'intérieur des terres dans de petits étangs et des champs irrigués, il offre des rendements prometteurs. L'Autorité palestinienne souhaite étendre ces techniques à la Cisjordanie. Adapté aux besoins des pêcheurs gazaouis, un projet innovant d'aquaculture en cage est également en cours en Méditerranée, avec le soutien de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et de l'Italie.

Les scientifiques locaux ne sont pas en reste et promeuvent des pratiques innovantes dans l'aquaculture, poussés en partie par un déficit chronique en aliments pour les poissons d'élevage à Gaza. Une étude récente montre par exemple que les pelures d'agrumes, la peau d'orange par exemple, incorporées aux aliments de certains tilapias, augmentent chez ces poissons l'absorption des nutriments et favoriseraient par conséquent leur croissance.

Certaines exploitations aquacoles florissantes ouvrent d'ores et déjà la voie vers le développement de cette activité. Gaza doit poursuivre la construction de son sous-secteur aquacole en mer comme à l'intérieur des terres, avec pour objectif de se doter d'une infrastructure moderne qui engendre de l'emploi et des revenus plus élevés pour les communautés locales.

 

Pour plus d'informations:

Programme d' ÉCONOMIE BLEUE de la Banque mondiale 

Blog : Le programme MENA BLUE, notre réponse collective pour sauver les côtes du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord

 

 

 


Auteurs

Sachiko Kondo

Senior Natural Resources Management Specialist, World Bank Group

Lia Sieghart

Chef de programme et spécialiste principale du changement climatique

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