Les vagues de chaleur record de cet été ont eu de graves répercussions dans les pays du Moyen Orient et d’Afrique du Nord (MENA) : incendies de forêt, aggravation des coupures de courant et pressions accrues sur des ressources naturelles déjà fragiles comme l’eau et les terres. En Iraq, des manifestants (a) sont descendus dans les rues de Bagdad en juillet pour dénoncer les pénuries d’eau et d’électricité, tandis que dans les camps de réfugiés du Liban et du Yémen (a), le manque d’eau potable et d’assainissement menace la santé des populations.
Comme le souligne la feuille de route de la Banque mondiale pour l’action climatique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (a), la région est très vulnérable aux dérèglements du climat, dont elle ressent déjà les effets. Elle fait face à une accentuation de la désertification, une diminution de la biodiversité, et une augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes. Parallèlement, le littoral méditerranéen est en proie à l’érosion côtière et l’élévation du niveau de la mer. Ces transformations viennent compromettre les avancées accomplies sur le front du développement, accentuer les risques d’insécurité alimentaire et mettre à mal les moyens de subsistance. Les secteurs économiques qui dépendent du capital naturel sont déjà touchés par les effets néfastes du changement climatique. Alors qu’elle représente une source essentielle d’emplois et joue un rôle considérable dans les économies du Maghreb, l’industrie touristique le long des côtes méditerranéennes est un secteur particulièrement vulnérable.
Pour les populations des pays de la région MENA en situation de fragilité, conflit ou violence, les risques climatiques se doublent de la menace de l’insécurité. Or, les capacités d’adaptation des individus et des institutions sont généralement limitées dans ces situations, ce qui les rend plus vulnérables aux chocs. C’est ce que met en lumière le rapport Désamorcer les conflits : La gestion de l’environnement et des ressources naturelles au service de la paix. Les stress climatiques peuvent par conséquent amplifier les fragilités politiques et économiques qui sous tendent les situations de conflit. La guerre qui sévit au Yémen, par exemple, a réduit les capacités d’adaptation des populations locales et aggravé la mauvaise gestion des ressources. Dans le même temps, le changement climatique exacerbe l’insécurité hydrique et alimentaire, et contribue à attiser les conflits locaux autour de l’accès à des ressources naturelles qui sont particulièrement essentielles pour assurer l’alimentation, l’approvisionnement en énergie et les moyens de subsistance des plus vulnérables. La situation climatique et environnementale fait donc partie des facteurs qui risquent de prolonger encore davantage le conflit dans le pays (a).
Une gestion durable des ressources naturelles axée sur les populations locales peut aider à juguler ces dangers et produire des « cobénéfices » tant sur le plan de l’adaptation au climat que de la réduction de la pauvreté et de la prévention des conflits et de la fragilité :
- Les projets communautaires sont par nature moins vulnérables (a) aux désordres causés par un conflit armé que les activités relevant uniquement des institutions étatiques. En outre, les programmes de développement communautaire et local mis en œuvre dans le cadre des opérations de la Banque mondiale ont fait la preuve de leur capacité à atteindre efficacement des zones reculées ou peu sûres.
- Les approches de proximité permettent de faire en sorte que les projets répondent aux besoins les plus urgents des communautés et de prévenir ainsi les risques de « maladaptation ».
- Les investissements dans la gestion des ressources naturelles et dans l’adaptation peuvent jouer un rôle essentiel dans la revitalisation durable des moyens de subsistance et la réduction de la pauvreté. Avec, à la clé, une meilleure résilience des communautés aux chocs et une réduction des répercussions du changement climatique sur la fragilité et les conflits.
- Enfin, ces projets peuvent également contribuer à la consolidation de la paix. Mener des interventions de proximité qui s’appuient sur les ressources et les institutions locales et augmentent leur résilience est indispensable pour permettre aux populations de s’extraire du piège des conflits (a) en Iraq, en Libye, en Syrie et au Yémen. S’ils sont bien conçus, les projets de gestion de l’environnement et des ressources naturelles peuvent être des angles d’attaque précieux pour créer des opportunités économiques durables et renforcer la cohésion sociale (a). En venant compléter des démarches qui s’inscrivent à l’échelon de l’État, cette forme de participation ascendante, qui part de la base pour atteindre le sommet, est essentielle pour reconstruire le tissu social et le capital humain détruits par la guerre.
Pour que ces interventions procurent des bénéfices, elles doivent appréhender la gestion des ressources naturelles à travers le prisme des conflits. Cette nécessaire prise en compte des enjeux propres aux situations de conflit tient au fait que les interventions ne sont pas neutres et qu’elles sont susceptibles d’exacerber ou perpétuer des tensions sous jacentes. C’est pourquoi il est tout particulièrement essentiel de prêter attention aux effets différenciés des conflits et des changements climatiques sur les femmes ou les groupes marginalisés, et d’anticiper et atténuer leurs répercussions spécifiques sur ces groupes de population.
Dans le sillage de la Semaine du climat MENA 2023, les professionnels du développement sont invités à faire preuve de créativité pour trouver de nouvelles façons de remédier au fossé entre vulnérabilité climatique et accès au financement climatique. Le rapport Désamorcer les conflits rassemble des ressources pour ceux qui œuvrent dans le domaine de la gestion des ressources naturelles. Parmi ces ressources figure notamment un questionnaire qui permettra d’améliorer la compréhension des interactions entre environnement et conflit, de la conception à la mise en œuvre des projets.
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