Publié sur Investing in Health

Les nouveaux vaccins contre le paludisme sauveront des vies. Mais comment assurer durablement leur déploiement ?

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Jestina Wright a nurse (hands in far left) prepares to vaccinate children at Redemption Hospital in Monrovia, Liberia L’un des deux vaccins antipaludiques recommandés par l’OMS prévient environ 75 % des accès palustres lorsqu’il est administré de manière saisonnière, en association avec d’autres interventions efficaces. Copyright : Dominic Chavez/Banque mondiale

Le mois dernier, le Cameroun est devenu le premier pays du monde à lancer le déploiement d’un vaccin antipaludique dans le cadre de son programme de vaccination systématique, et le Burkina Faso vient de lui emboîter le pas. Cette initiative fait suite à des essais thérapeutiques concluants menés au Ghana, au Kenya et au Malawi, où plus de 2 millions d’enfants ont participé à l’évaluation du RTS, S, l’un des deux vaccins recommandés par l’OMS contre le paludisme.

Selon le Programme de mise en œuvre du vaccin antipaludique, un dispositif créé pour évaluer l’utilisation du RTS, S, le vaccin prévient environ 75 % des crises lorsqu’il est administré de manière saisonnière, en association avec d’autres interventions efficaces.  Les données montrent que la mise en œuvre du vaccin a entraîné une baisse significative des hospitalisations dues à un paludisme grave et que son utilisation est également associée à une réduction remarquable (13 %) des décès toutes causes confondues (paludisme et autres).

Une nouvelle arme contre le paludisme

C'est une grande nouvelle, car le paludisme demeure l’une des maladies les plus mortelles au monde : il tue plus d’un demi-million de personnes chaque année, en grande partie des enfants de moins de cinq ans en Afrique subsaharienne. En raison d’une baisse de l’immunité pendant la grossesse, les femmes sont aussi particulièrement vulnérables : 25 millions de femmes enceintes sont touchées chaque année.

Le paludisme a des répercussions considérables sur les familles en raison de la lourde charge qu’il fait peser sur les ménages. Les traitements coûtent cher et ils doivent souvent être répétés plusieurs fois par an. Le paludisme met également à rude épreuve les systèmes de santé, et en particulier les services de soins primaires, les dispensaires étant les principaux lieux de traitement et de prévention.

Il représente aussi un coût économique très élevé, même s’il est difficile de le quantifier précisément faute de données suffisantes. Un coût qui résulte notamment des pertes de journées de travail et d’école et des baisses de productivité causées par la maladie. Selon certaines estimations, le paludisme ampute de 1,3 % la croissance du PIB dans les pays à forte transmission.

Dans ce contexte, le soutien au déploiement durable des nouveaux vaccins antipaludiques s’inscrit dans le cadre d’un ensemble d’interventions essentielles.

1.  Une focalisation constante sur les systèmes de santé

Depuis plus de 30 ans, la lutte contre le paludisme occupe une place importante dans les activités de la Banque mondiale dans le secteur de la santé. Sa vaste expérience dans le soutien aux systèmes de santé — sous la forme de travaux d’analyse, d’un appui technique et de financements — est essentielle à l’heure du déploiement de ce nouveau vaccin dans le cadre des programmes de vaccination systématique.

L'enjeu pour les pays ne consiste pas seulement à se procurer suffisamment de doses, même si cet aspect peut rester problématique. Pour mener à bien un programme de vaccination, les ministères de la santé doivent aussi former les personnels et s'assurer des bonnes conditions de stockage des vaccins. Des systèmes d’information robustes sont également nécessaires pour assurer le suivi des doses administrées et rationaliser l’intégration du nouveau vaccin dans le calendrier de vaccination d’un pays.

Un autre aspect majeur est celui de la demande au sein de la population locale. En effet, le vaccin RTS, S (également connu sous le nom de Mosquirix) doit actuellement être administré en quatre doses. La plupart d’entre elles pourront être administrées dans le cadre des programmes actuels de vaccination, en même temps que d’autres vaccins, mais une consultation supplémentaire sera probablement nécessaire pour observer le schéma recommandé. Il faudra donc convaincre les familles de l'utilité de se rendre une fois de plus au dispensaire. À cela s’ajoute la nécessité de lutter contre l’hésitation vaccinale, qu’elle découle de craintes sur l’innocuité des vaccins ou de doutes quant à leur efficacité.

Des questions se posent également sur la manière dont il faut ordonner et coordonner le déploiement du nouveau vaccin, mais aussi l’administrer parallèlement à d’autres interventions sanitaires et environnementales. À cet égard, il faudra continuer d'intégrer des mesures complémentaires de lutte contre le paludisme comme la distribution de moustiquaires imprégnées d'insecticide, le débroussaillage et l'assèchement des eaux stagnantes, ce qui implique une étroite collaboration entre de nombreux départements et ministères. Ce niveau de collaboration multisectorielle pourra s’avérer compliqué compte tenu de la verticalité de la plupart des programmes de vaccination et des difficultés inhérentes au changement de méthodes de travail établies de longue date.

2.  Un soutien à la planification et à la budgétisation à long terme

Le soutien apporté par la Banque mondiale au renforcement de la planification et de la priorisation des ressources est essentiel pour aider les pays à mettre en œuvre des interventions d’un bon rapport coût-efficacité et équitables, tout en tenant compte des contraintes financières et des limites des systèmes de santé.

Cet appui sera d’autant plus crucial qu’il existe désormais sur le marché un deuxième vaccin — R21/Matrix-M —, environ deux fois moins cher que le RTS, S et plus facile à produire, ce qui laisse présager des difficultés d’approvisionnement réduites.

Néanmoins, même avec un vaccin meilleur marché, il y aura probablement encore d’importants déficits de financement. Afin d’aider les pays à déployer les nouveaux vaccins antipaludiques, la Banque mondiale pourrait à court terme s'appuyer sur les opérations axées sur la vaccination qui existent déjà — comme cela est d'ailleurs prévu au Nigéria — ou étudier la possibilité de mobiliser les programmes de renforcement des systèmes de santé.

Pour les pays qui ne bénéficient pas déjà d’un appui en matière de vaccination, mais qui souhaiteraient introduire les vaccins contre le paludisme, la Banque pourrait allouer de nouvelles ressources dans le cadre plus large de ses financements en faveur des systèmes de santé. À plus long terme, il sera important d’effectuer une analyse des marges de manœuvre budgétaires pour accompagner les pays vers l’autofinancement intégral des dépenses de vaccination.

3.  Des partenariats solides

Les progrès importants réalisés dans le domaine de la prévention, de la lutte et des traitements antipaludiques n’auraient pas été possibles sans des partenariats solides et durables, et cette collaboration doit se poursuivre. 

La Banque mondiale est fière d’être un des partenaires fondateurs de Gavi, l’Alliance du vaccin, laquelle a pour objectif d’introduire le vaccin RTS, S dans 20 pays africains en 2024, au profit de plus de 6 millions d’enfants. La Banque travaille en étroite collaboration avec Gavi en tant que membre de son conseil d’administration et de partenaire technique au niveau des pays. Elle fait en outre partie de divers groupes techniques mondiaux, dont l’équipe de coordination pour les vaccins antipaludiques (MVTC), qui aide les pays à préparer leurs demandes de financement auprès de Gavi et prend part plus largement aux discussions concernant la hiérarchisation des priorités.

La Banque mondiale s’est également engagée récemment à renforcer sa coopération avec le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui joue depuis deux décennies un rôle crucial dans le renforcement des interventions nationales en faveur de la lutte contre le paludisme et son élimination. Des efforts sont actuellement déployés pour concrétiser cet engagement, en particulier au niveau des pays, en mettant l’accent sur le traitement des enjeux du climat et de la santé, l’augmentation des financements pour la santé et le développement de la production médicale régionale, soit autant d’aspects stratégiques pour la lutte contre le paludisme.

Ces partenariats existants peuvent constituer le point d’entrée qui permettra, dans le cadre du soutien apporté à Gavi et d‘une collaboration accrue avec le Fonds mondial, d’optimiser le déploiement des vaccins antipaludiques en veillant à ce qu’il ne s’opère pas isolément, mais qu’il soit au contraire associé à d’autres mesures ayant fait la preuve de leur efficacité et de leur rentabilité.    


Auteurs

Chijioke Okoro

Senior Health Specialist, World Bank

Noel Chisaka

Senior Health Specialist, World Bank

Carolina Kern

Health Specialist, World Bank

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