L’Afrique de l’Ouest est régulièrement touché par des épisodes de sécheresse et des inondations, dont la fréquence et l’intensité pourraient s’accroitre sous l’effet du changement climatique. Ces chocs climatiques extrêmes touchent en priorité les populations pauvres car les plus exposées et dont les moyens de gestion des chocs sont limités.
En novembre 2021, le gouvernement du Niger a annoncé le déploiement d’un programme de protection sociale en réponse à la sécheresse et dont le déclenchement est basé sur un indicateur satellitaire mesurant le déficit des besoins en eau des cultures de mil, principale culture vivrière du pays. Le programme viendra en aide à 15 400 ménages impactés par la sécheresse via des transferts monétaires dès début 2022. Le Niger est le premier pays de la sous-région à développer ce type de réponse précoce se basant sur des données satellitaires pour déclencher des programmes d’assistance aux chocs climatiques.
Le Niger est très vulnérable aux variations de la pluviométrie en raison de la forte dépendance de son économie à l’agriculture pluviale. Au cours de 20 dernières années, le pays a été confronté à plusieurs années de forte sécheresse telles en 2005, 2008, 2010 et 2012 avec des conséquences à long-terme sur le capital humain en raison des difficultés rencontrées par les ménages pauvres pour faire face aux chocs. Entre 2016 et 2018, près de 60 % des ménages ayant été impactés par des chocs climatiques ont eu recours à des stratégies d’adaptation négatives comme la déscolarisation des enfants, la baisse du nombre des repas ou encore la vente d’actifs productifs.
Dans un contexte où les mécanismes d’assurance formels et informels sont limités, la communauté internationale ainsi que le gouvernement du Niger répondent traditionnellement aux sécheresses via une aide alimentaire d’urgence. Celle-ci est typiquement distribuée entre juin et septembre, soit plus de six mois après les récoltes, au moment où les prix des biens alimentaires et l’insécurité alimentaire sont aux plus haut. Bien que les besoins soient les plus importants pendant la période de soudure, il est regrettable que les mécanismes d’assistance n’apportent que rarement une réponse précoce qui serait plus efficace, pour que les ménages lissent leur consommation au cours du temps, leur évitant l’utilisation de stratégies d’adaptation négatives.
Le gouvernement du Niger a ainsi développé un mécanisme de déclenchement d’un programme de réponse à la sécheresse basé sur des données satellitaires permettant d’identifier dès la fin de la saison des pluies les zones potentiellement impactées par un déficit pluviométrique pouvant causer des pertes de production agricole. L’indice de déclenchement du programme est le Water Requirement Satisfaction Index (WRSI) un indice mesurant la satisfaction des besoins en eau des plantes. Cet indicateur développé par la FAO, a été choisi parmi d’autres indicateurs climatiques en raison de sa très forte corrélation avec la production du mil au Niger. En 2022, près de 100 000 personnes vivant dans des communes impactées par la sécheresse vont bénéficier du programme de transferts monétaires qui les aidera à faire face à la perte de revenus engendrée par le déficit pluviométrique.
La technologie au service d’une réponse rapide
Le programme pilote de réponse à la sécheresse fait partie du système de protection sociale adaptative du gouvernement nigérien qui soutient les ménages chroniquement pauvres à travers le programme de transferts monétaires pour la résilience Wadata Talaka. En cas de choc, le système de protection sociale a la capacité d’accroitre sa couverture comme ce fut le cas lors de la pandémie de Covid-19. Le gouvernement du Niger a alors assisté près de 400 000 ménages pauvres à travers l’ensemble du pays via son programme de transfert monétaire de réponse aux chocs.
Pour une intervention rapide, les principaux paramètres du programme de réponse à la sécheresse sont déterminés ex-ante. Le seuil de déclenchement du programme est un paramètre clé et son niveau est fixé à l’avance. Le programme dispose de deux seuils de déclenchement (-10% et -25% de la valeur médiane de l’indicateur sur le long terme) afin de répondre à des crises d’ampleurs moyennes à fortes. En cas de choc modéré (-10% du WRSI en fin de saison des pluies), le programme de transferts monétaires couvre environ 22 % des ménages des communes affectées et la couverture double en cas de choc sévère. En cas de déclenchement du programme, les ménages bénéficiaires reçoivent une assistance monétaire de 15.000 FCFA par mois dès janvier et ceci pendant 12 mois pour les aider à lisser leur consommation jusqu’à la prochaine récolte.
En octobre 2021, le programme a été activé dans deux communes du programme pilote (Tchaké dans la région de Maradi et Tagazar dans la région de Tillaberi). En raison de l’ampleur des besoins, deux autres communes identifiées par l’indicateur comme fortement impactées par la sécheresse en 2021 seront également couvertes par le programme. Au total, 15 400 ménages (soit environ 105 000 personnes) recevront le programme de transferts monétaires en réponse à la sécheresse en 2022.
La qualité de l’indicateur de déclenchement et la coordination avec les autres programmes de réponses sont des enjeux majeurs
Chaque année, le gouvernement du Niger prépare un plan national de soutien qui intègre notamment les chiffres du nombre de personnes en insécurité alimentaire estimé par le Cadre Harmonisé (CH) de mars. Pour assurer la cohérence et la complémentarité entre les différents programmes d’assistance, le programme de réponse à la sécheresse s’est doté d’un indicateur de déclenchement secondaire basé sur le Cadre Harmonisé. En cas de non-déclenchement du programme sur la base du WRSI, le gouvernement peut décider d’activer le programme de réponse à la sécheresse sur la base du CH si la situation l’exige.
La qualité de l’indicateur de déclenchement primaire est un élément clé du programme qu’il semble important de continuer à améliorer. Utiliser un indicateur satellitaire plutôt que des données de terrain comme critère de déclenchement permet une réponse précoce se basant sur des données objectives et facilement accessibles mais l’indicateur satellitaire peut ne pas refléter parfaitement la situation sur le terrain ; ainsi le travail analytique autour des indicateurs de déclenchement est important et doit se poursuivre afin de disposer d’un déclencheur reflétant au mieux la réalité des populations.
Enfin, il semble important d’analyser la plus-value et l’efficacité d’une réponse à la sécheresse qui soit précoce par rapport aux interventions plus traditionnelles qui se concentrent sur la période de soudure. Ainsi, une évaluation d’impact à assignation aléatoire est mise en place afin d’évaluer l’efficacité relative de ce programme de réponse précoce par rapport à d’autres interventions plus courtes et/ou plus tardives.
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