D'une manière générale, l'instabilité politique, les conflits armés et la faible densité de population créent des défis importants pour la collecte, l'accès et la diffusion de données de qualité. Cela est particulièrement vrai dans les pays du Sahel central (Burkina Faso, Tchad, Mali et Niger), qui sont relativement vastes avec de faibles densités de population, allant de 65 habitants par km² au Burkina Faso à 14 habitants par km² au Niger, voire moins dans d'autres pays, et sont caractérisés par des conflits armés récurrents.
Malgré ces nombreux défis, on constate des améliorations notables au cours de la dernière décennie dans la production de données de qualité dans les pays du Sahel ainsi que dans leurs accès et diffusion. Par exemple, après la réalisation réussie de trois projets statistiques — le Projet de développement statistique du Tchad ; le Projet d'amélioration du système statistique national du Mali ; et le Projet de données de qualité pour la prise de décision respectivement au Tchad, au Mali et au Niger — financés par la Banque mondiale, ces pays continuent de renforcer leurs cadres statistiques grâce au Projet d’harmonisation et d’amélioration des statistiques en Afrique de l'Ouest et du Centre (PHASAOC) de la Banque mondiale. Le Burkina Faso a également bénéficié d'une amélioration de son infrastructure statistique avec le soutien de la Banque mondiale à travers le Projet d’harmonisation et d’amélioration des statistiques en Afrique de l'Ouest (PHASAO) en cours. Le Programme régional d’harmonisation et de modernisation des enquêtes sur les conditions de vie a également contribué à améliorer l'offre de données de qualité, en particulier pour le suivi de la pauvreté.
Figure : Amélioration des capacités statistiques au Sahel sur la décennie
Source: Indicateurs de performance statistique (a), Banque mondiale et Inventaire Open Data (a)
Comme en témoignent les scores de l’Open Data Inventory (ODIN) et des Indicateurs de Performance Statistique (SPI), les pays du Sahel central ont connu une amélioration significative de leur performance statistique au cours de la dernière décennie. En 2024, le Burkina Faso se classait 27ème dans le monde et deuxième en Afrique, à égalité avec le Maroc, en termes de score ODIN, qui évalue la couverture et l’ouverture des statistiques officielles. Sur la même période, le Niger se classait 55ème à l’échelle mondiale et 4ème en Afrique, juste après le Sénégal. D’autres pays du Sahel, comme le Mali et le Tchad, se situaient au milieu du classement africain, occupant respectivement les 18ème et 25ème places.
Il s'agit d'une réalisation remarquable pour des pays fragiles et en situation de conflits. Cette performance remarquable est soutenue par les scores SPI, qui indiquent que la performance statistique de ces quatre pays du Sahel s'est considérablement améliorée depuis le milieu des années 2010. En effet, les pays du Sahel, qui étaient en dessous de la moyenne pour l'Afrique subsaharienne (ASS) en 2020, ont vu leur performance augmenter de manière significative en trois ans, dépassant la moyenne de l'ASS en 2023.
Cette performance est principalement attribuée à l'amélioration de la production statistique. Les projets statistiques dans ces pays, y compris ceux financés par la Banque mondiale, ont renforcé les Systèmes statistiques nationaux (SSN) et augmenté la qualité et la disponibilité des enquêtes, recensements, ainsi que des statistiques macroéconomiques et sectorielles. En plus des statistiques économiques, éducatives et sanitaires collectées régulièrement, il y a eu une expansion dans des secteurs généralement sous-couverts tels que la justice, le tourisme, l'artisanat, la jeunesse, la culture, les arts, les mines, l'environnement, l’intérieur, les ressources en eau et l'assainissement, entre autres. De plus, des approches innovantes, telles que les enquêtes téléphoniques ou l'utilisation de drones et de données satellitaires, sont parfois envisagées pour surmonter les défis liés aux conflits. Par exemple, au Burkina Faso, l'utilisation de systèmes innovants de collecte de données a permis d'estimer la population des zones touchées par les conflits lors du recensement de la population de 2019.
Une autre raison de cette performance remarquable est la disponibilité des statistiques via des canaux de diffusion de données appropriés. Par exemple, au Burkina Faso et au Niger, la plate-forme du portail national de données ouvertes (Open Data Portal - ODP), ainsi que certaines de ses données, sont accessibles sur le site web des instituts nationaux de la statistique (INS). Ces plates-formes existent également au Mali et au Tchad, mais elles doivent être revitalisées pour améliorer davantage l'accessibilité des données dans ces deux pays. Dans tous les pays, les projets statistiques ont contribué à moderniser les SSN, en particulier les INS, leur agence centrale, grâce à du matériel et des équipements tels que des ordinateurs et des équipements modernes pour la collecte, le traitement, la diffusion et l'archivage des données.
De plus, les programmes de formation et d'études dans les projets passés et en cours soutiennent les efforts visant à améliorer les capacités en ressources humaines des pays du Sahel en matière de production, de diffusion et d'utilisation des statistiques. Ces programmes, dont beaucoup sont soutenus par la Banque mondiale, améliorent également la capacité des systèmes statistiques nationaux (SSN) à planifier et à coordonner les activités statistiques. Au total, plus de 700 bourses ont été attribuées à des étudiants pour suivre des formations en statistiques et dans des domaines connexes tels que la démographie et la science des données, soutenues par les projets passés et présents dans les pays du Sahel central. Le personnel de l’INS et d’autres bénéficiaires du réseau des SSN a également suivi plusieurs formations continues et visites d’études, ce qui a contribué à renforcer les capacités statistiques dans ces pays. En effet, plus d'un millier de personnes dans la région ont reçu une formation au cours de la première moitié des années 2020.
Le Sahel central devrait continuer à améliorer sa performance statistique, notamment en matière d'accès et de diffusion des données, grâce au soutien des projets statistiques en cours qui mettent un accent particulier sur l'utilisation des données à travers des analyses basées sur les productions statistiques des SSN. Pour mieux adopter des approches innovantes de collecte de données, la formation continuera et s'étendra à des disciplines plus modernes telles que le big data, l'intelligence artificielle, la statistique computationnelle, les systèmes d'information géographique (SIG) et la géomatique, entre autres.
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