Ce billet est le sixième d’une série consacrée à la sortie du rapport Business Ready (B-READY) (a), une publication phare de la Banque mondiale qui évalue l’environnement des affaires dans le monde. Le premier billet (a), qui porte sur les réformes, propose des conseils sur la façon de consulter et d’exploiter efficacement les données B-READY pour améliorer l'environnement des affaires. Le deuxième explique toute l’importance de la transparence pour faciliter l'accès des entreprises à la législation et la réglementation, et favoriser ainsi leur réussite. Le troisième billet traite de l’impact des politiques de salaire minimum sur le marché du travail. Le quatrième met en lumière l’incidence de l’implantation géographique des entreprises sur leurs performances. Enfin, le cinquième billet (a) se penche sur les restrictions d'accès des PME aux financements liées aux exigences d'intégrité financière.
Le numérique a transformé les relations entre les contribuables et l’administration fiscale. Le passage des transactions papier à des processus digitaux simplifiés et des paiements électroniques1,2 permet un traitement plus rapide, réduit les risques d’erreurs et fait baisser les coûts administratifs. Comme le souligne la Banque mondiale dans son manuel pour l’administration des recettes (a), les contribuables ont, dans le monde entier, largement adopté les systèmes de déclaration et de paiement des impôts en ligne, et les moyennes entreprises leur ont rapidement emboîté le pas. Bien que les avantages du passage au numérique soient évidents, ils ne vont pas de soi et ces systèmes présentent des caractéristiques qui influent considérablement sur l’expérience des usagers, la sécurité des données et les coûts.
À l’aide des données fournies par le rapport B-READY (a) sous le thème Fiscalité (a)3, nous examinons ici la diffusion des paiements dématérialisés, le rôle joué par les pouvoirs publics dans l'accès à ces modes de paiement de l’impôt et les inconvénients que pose le recours exclusif à des prestataires tiers de services de paiement en ligne.
L’essor du paiement dématérialisé des impôts
Les modes de paiement dématérialisés réduisent les coûts qui pèsent sur les contribuables, en permettant de limiter voire éliminer la nécessité des déplacements, les temps d'attente et les contacts avec des agents du fisc susceptibles de solliciter des pots-de-vin4.Du côté des administrations fiscales, ils présentent l’avantage de fournir des informations plus fiables et à jour, et d’améliorer le contrôle effectué sur le respect des obligations fiscales5. Les travaux de Kochanova, Hasnain et Larson (a) montrent que les systèmes de télédéclaration des impôts en ligne qui intègrent aussi des modes de paiement électronique réduisent considérablement le temps consacré par les contribuables à l'accomplissement de leurs démarches fiscales6.
Malgré ses avantages évidents, l’adoption du paiement des impôts en ligne reste inégale. Comme le montre la figure 1, la proportion d’entreprises qui déclarent et paient leurs impôts en ligne est en général plus grande dans les économies à revenu élevé et intermédiaire supérieur que dans celles à revenu faible et intermédiaire inférieur. Si cet écart peut s’expliquer par des disparités dans les infrastructures, les réglementations et les ressources technologiques, les contribuables et les administrations fiscales des économies à revenu faible et intermédiaire inférieur ont le plus à gagner de la numérisation en raison d’infrastructures limitées, de ressources moindres pour le recouvrement des impôts et de coûts administratifs plus élevés.
Télépaiement direct sur le portail des impôts
De nombreuses administrations fiscales offrent aux contribuables un portail intégré, c’est-à-dire une plateforme en ligne unique et sécurisée sur laquelle les usagers peuvent consulter toutes les informations relatives à leur compte, et déclarer et payer leurs impôts. Ces « centres des impôts virtuels », comme les qualifie le Revenue Administration Handbook (a) de la Banque mondiale, centralisent des fonctions essentielles qui réduisent les démarches à la charge des contribuables7.
En permettant le télépaiement direct des impôts, ces portails simplifient les processus, éliminent la nécessité de passer par des prestataires extérieurs et limitent les risques d’erreurs dues à la saisie manuelle des données. Ce mode de paiement en ligne direct renforce en outre la protection des données8. Les données B-READY 2024 (a) indiquent que la plupart des économies ont mis en place un portail des impôts. Cependant, la disponibilité d’une fonctionnalité de paiement électronique direct sur ces portails varie considérablement.
Les inconvénients des services de paiement en ligne tiers
Lorsque le télépaiement direct en ligne n’est pas disponible, les contribuables doivent passer par des prestataires tiers de services, ce qui complique leurs démarches.
S’il peut constituer une solution temporaire, en particulier dans les régions où les portails publics sont encore en cours de développement, le recours à des prestataires extérieurs présente des inconvénients importants. Les plateformes de paiement privées peuvent donner lieu à des expériences utilisateur hétérogènes, sachant que la qualité du service varie d’un prestataire à l’autre, ce qui augmente également le risque d’erreur humaine lors du traitement des informations. Les prestataires de services de paiement tiers peuvent aussi exiger des conditions spécifiques, comme la création d’un compte séparé, ou la présentation de documents supplémentaires au titre de leurs processus de vérification9. En outre, la gestion de données sensibles sur plusieurs plateformes augmente les risques de faille de sécurité, tous les prestataires ne mettant pas en œuvre des normes de sécurité strictes10.
Enfin, l’utilisation de plateformes extérieures peut entraîner des coûts supplémentaires11. La figure 2 montre la variation du coût des paiements en ligne entre économies appartenant à différents groupes de revenu. Les entreprises des pays à revenu faible et intermédiaire inférieur supportent des coûts nettement plus élevés que celles des pays à revenu élevé et intermédiaire supérieur. Lorsqu’on associe ces données à celles sur la diffusion du paiement des impôts en ligne (figure 3), on voit clairement que celle-ci est la plus élevée dans les économies où le coût des moyens de paiement électroniques en général est plus faible.
Les portails de l'administration fiscale et les systèmes de paiement en ligne optimisent le recouvrement des impôts grâce à des processus plus efficaces, transparents et sûrs. Lorsque ces portails permettent de procéder directement au paiement des impôts en ligne, sans passer par une plateforme extérieure, les contribuables bénéficient de formalités fiscales moins coûteuses, d’une sécurité renforcée et de mises à jour en temps réel de leur dossier fiscal. Si le recours à des prestataires tiers de services de paiement en ligne peut constituer une solution temporaire, il ajoute en complexité et s’accompagne souvent de frais et de risques de sécurité supplémentaires, au détriment de l’efficacité et de la commodité. En intégrant le télépaiement aux portails de déclaration en ligne, les pouvoirs publics peuvent mettre en place des processus de recouvrement des impôts plus transparents et plus efficaces, ce qui aura pour effet d’accroître les taux de civisme fiscal et, partant, les recettes publiques.
1 OCDE (2021), Édifier une culture fiscale, civique et citoyenne : Un ouvrage de référence mondial sur l’éducation des contribuables, Seconde édition, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/66dd237b-fr.
2 Oyebola Motunrayo Okunogbe & Fabrizio Santoro. 2021.“The Promise and Limitations of Information Technology for Tax Mobilization.” Policy Research Working Paper No. WPS 9848, Washington, DC : Banque mondiale.
3 La collecte des données sur la fiscalité s'effectue via des questionnaires auprès d’experts et les enquêtes de la Banque mondiale auprès des entreprises (WBES) (a).
4 Ibid.
5 Junquera-Varela, Raúl Félix ; Lucas-Mas, Cristian Óliver. 2024. Revenue Administration Handbook. Washington, DC : Groupe de la Banque mondiale. http://hdl.handle.net/10986/41090.
6 Kochanova, Anna ; Hasnain, Zahid ; Larson, Bradley. 2020. Does E-Government Improve Government Capacity? Evidence from Tax Compliance Costs, Tax Revenue, and Public Procurement Competitiveness. World Bank Economic Review. Oxford University Press pour le compte de la Banque mondiale. http://hdl.handle.net/10986/36073.
7 Junquera-Varela et Lucas-Mas, p. 87.
8 Ibid., p. 85.
9 Malaguti, Maria Chiara ; Delort, Dorothee ; Lee, Carol. 2022. Legal Framework for Cybersecurity in the Financial Sector. Washington, DC : Groupe de la Banque mondiale. https://documents1.worldbank.org/curated/en/099735005172232846/pdf/P1647700ca3dbe0b30a3680c806c4563a93.pdf
10 Okunogbe et Santoro, p. 317.
11 Junquera-Varela et Lucas-Mas, p. 54.
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