Une série de billets accompagne le lancement de l’Atlas 2017 des Objectifs de développement durable (ODD). Comme vous êtes nombreux à vous interroger sur la méthode de suivi de la cible 1 de l’ODD 6, nous allons approfondir ici la synthèse présentée dans l’Atlas.
La cible 6.1 vise à assurer, d’ici à 2030, l’accès universel et équitable à l’eau potable, à un coût abordable. Le nouvel indicateur utilisé pour suivre l’évolution des progrès dans ce domaine consiste à mesurer « la part de la population mondiale utilisant des services d’alimentation en eau potable gérés en toute sécurité ». Il reprend en l’approfondissant celui utilisé pour les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et correspond à l’accès à une source d’eau potable améliorée :
- À domicile
- Disponible à tout moment
- Conforme aux normes relatives à la contamination par les matières fécales (aucune trace de germes E.coli dans un échantillon de 100 ml d’eau) et par certains contaminants chimiques prioritaires
Tant que les enquêtes auprès des ménages n’intègreront pas ces indicateurs supplémentaires, les données disponibles ne permettront pas d’avoir une vision globale de l’impact du cadre des ODD dans les différents pays. Comme le soulignait un récent billet (a), une initiative lancée par les pôles mondiaux d’expertise en Eau et en Pauvreté de la Banque mondiale soutient la collecte d’informations pour ces nouveaux indicateurs. Les diagnostics ont permis de révéler les lacunes mais également d’établir de fructueux partenariats pour le recueil d’éléments d’information essentiels en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, en Équateur, en Éthiopie, au Nigéria, en RDC et au Tadjikistan.
L’exercice a aussi permis de faire le lien entre les données historiques des différents pays et le nouveau cadre analytique. Au même titre que pour la production de données, tous ces éléments sont partagés avec le Programme commun OMS/UNICEF de suivi de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement (JMP), afin de faciliter la prise en compte de ces résultats dans le suivi officiel des ODD.
Le nouvel indicateur du « service géré en toute sécurité » des ODD intègre plusieurs éléments factuels recueillis avec les OMD, comme les sources d’eau « améliorées » ou le fait d’avoir l’« eau courante à domicile ».
De nombreux pays disposent déjà d’éléments sur la distance à laquelle se trouve la source d’eau potable, à moins de 30 minutes l’aller-retour ou plus loin. Bien que cela ne fasse pas partie de l’indicateur ODD binaire, cette information pourra servir à distinguer un service « de base » d’un service limité voire inexistant. Pensez seulement à ce que serait votre vie si vous deviez mettre plus d’une demi-heure pour chercher de l’eau !
Deux indicateurs font leur apparition : le fait que l’eau soit « disponible à tout moment » et le fait qu’elle soit « conforme aux normes en matière de contamination par les matières fécales et certains contaminants chimiques prioritaires ».
Les données partielles de suivi des ODD — et le simple bon sens — nous conduisent assez logiquement à comprendre pourquoi le nombre (et le pourcentage) de personnes ayant effectivement accès à ce nouveau type de sources d’eau est en chute libre. Mais les multiples facteurs entrant en ligne de compte pour étendre la couverture des différentes populations sont moins facilement prévisibles sans données factuelles. Le graphique ci-dessous développe le graphique 6c de l’Atlas.
Cette analyse préalable s’appuie sur les dernières séries exhaustives de données disponibles au moment d’étudier chacun des pays : Panama MICS13, Équateur ENEMDU2016, Guatemala ENCOVI14, Inde NSS12, Pakistan HIES2014, Indonésie SUS2013, Bangladesh MICS2012-13, Tadjikistan WPD2017, Niger DHS2012 et MICS/DHS2006, Haïti DHS2012, Nigéria NWSS2015, Tanzanie DHS2015-16, Cisjordanie et bande de Gaza LGPA2016, Mozambique OIF2015, Yémen HBS2014, RDC DHS2014 et WPD2016, Éthiopie ESS2016. Le JMP publiera des estimations officielles pour les ODD dans les prochains mois, établies à partir de toutes les séries de données disponibles par pays.
Notes: chaque indicateur consécutif introduit un critère plus strict et sera donc inférieur à l’indicateur précédent. La notion de « service géré en toute sécurité » va de pair avec l’idée que la source d’eau est « exempte de contamination » Alors que l’on collecte depuis longtemps dans la plupart des pays des données sur les trois premiers indicateurs, certains n’ont pas encore recueilli d’éléments pour les deux derniers.
Bangladesh: le critère « exempte de contamination » intègre non seulement la bactérie E-coli mais aussi l’arsenic, un contaminant chimique très présent dans le pays.
Cas où des indicateurs de substitution sont utilisés en lieu et place de l’indicateur recommandé :
Bangladesh: faute de données disponibles sur le fait que la source soit « disponible à tout moment », l’estimation relative à un service « géré en toute sécurité » doit être considérée comme provisoire, conformément aux recommandations du JMP.
DRC: deux indicateurs de substitution pour les indicateurs « disponible à tout moment » et « exempte de contamination » ont été utilisés : le fait qu’il n’y ait pas eu d’« interruption de service pendant un jour entier au cours des deux semaines précédentes » et le fait que « le point d’eau est exempt de germes E.coli »
Nigéria : la contamination moyenne de l’eau par des coliformes thermotolérants pendant la saison humide et la saison sèche a servi d’indicateur de substitution à un « service géré en toute sécurité ».
Pakistan: la part de la population ayant déclaré lors de l’enquête HIES2015 avoir accès à une source au moins 12 heures par jour (y compris les ménages ayant accès à l’eau courante) a servi d’indicateur de substitution à l’indicateur « disponible à tout moment ».
Panama: la part de la population ayant déclaré lors de l’enquête MICS2013 avoir accès à une source d’eau « une partie de la journée » ou « 24 heures sur 24 » pendant la saison sèche (y compris les ménages ayant accès à l’eau courante à domicile) a servi d’indicateur de substitution à l’indicateur « disponible à tout moment ».
Dix-sept diagnostics-pays sont classés en fonction de l’accès à une source d’eau potable « améliorée » (définition OMD), sachant que l’introduction du critère « à domicile » ferait rétrograder le pays actuellement situé au troisième rang à la huitième place.
Cette remarque a son importance quand les moyens sont limités, puisque les critères retenus pour hiérarchiser les initiatives peuvent changer radicalement la donne. L’application des nouveaux critères ODD peut permettre de recueillir systématiquement des éléments utiles pour que les pays et la communauté internationale définissent le niveau de service et vérifient ce qui se passe sur le terrain [1] afin de tendre vers un accès universel.
Dans les prochains mois, le JMP publiera la première base de référence mondiale, ce qui permettra de repérer les lacunes de données persistantes. Il faudra ensuite identifier comment lancer la collecte des informations nécessaires et les rapprocher des données existantes pour bien comprendre l’état de la situation de départ. Comment pourrions-nous, sinon, espérer parvenir à un accès universel à l’horizon 2030 ?
Prenez part au débat