Publié sur Opinions

Ajustement des seuils internationaux de pauvreté

Photo: Rama George-Alleyne / World Bank Photo: Rama George-Alleyne / World Bank

Depuis la publication du Rapport sur le développement dans le monde 1990 et l’établissement d’un seuil de pauvreté en dollars par jour, la Banque mondiale utilise les parités de pouvoir d’achat pour calculer le seuil de pauvreté international et ainsi estimer la pauvreté dans le monde. La parité de pouvoir d’achat (PPA) est un taux de conversion monétaire qui tient compte des différences de prix entre les pays. Le seuil de pauvreté international correspond au seuil de pauvreté moyen dans les pays les plus pauvres du monde.  On utilise les PPA pour convertir dans une monnaie commune aux pays les seuils nationaux de pauvreté ainsi que la valeur du revenu et de la consommation des ménages, qui constituent les indicateurs clés pour la mesure de la pauvreté mondiale.

Le seuil de pauvreté international augmente avec le temps essentiellement parce que les prix tendent à augmenter.  Au fil des évolutions du coût de la vie et des calculs de nouvelles PPA, la Banque mondiale a révisé le seuil de pauvreté international : il est ainsi passé d’un dollar par jour en PPA de 1985 à 1,08 dollar en PPA de 1993, puis a grimpé à 1,25 dollar en PPA de 2005 avant de s’établir à 1,90 dollar en PPA de 2011, seuil utilisé à ce jour.

Nous procéderons bientôt à un nouvel ajustement.

À l’automne 2022, la Banque mondiale se fondera sur les PPA de 2017 pour ses estimations sur la pauvreté dans le monde. Cette décision fait suite à la publication en 2020 d’une nouvelle série de PPA basées sur les prix collectés lors de la campagne 2017 par le Programme de comparaison internationale (PCI) (a). Le seuil de pauvreté international s’élèvera désormais à 2,15 dollars. Toute personne qui vit avec un montant inférieur à cette somme par jour sera considérée comme en situation d’extrême pauvreté (a). 

Toutefois, il importe de noter que la valeur réelle du seuil de pauvreté international demeure pratiquement inchangée. C’est juste qu’elle s’exprime dans des prix différents aujourd’hui. 

Cette valeur doit en effet rester constante pour ne pas faire dévier la première cible des Objectifs de développement durable (ODD) et le premier des objectifs de la Banque mondiale, qui renvoient tous deux à la part de la population mondiale vivant sous le seuil de pauvreté international.

En raison de l’incidence considérable des précédents changements de PPA sur les chiffres de la pauvreté, la Commission sur la pauvreté mondiale (a), qu’animait le regretté Sir Anthony Atkinson, a recommandé à la Banque mondiale de ne pas réviser le seuil de pauvreté international sur la base de nouvelles PPA avant 2030, échéance des ODD et de l’objectif de pauvreté que s’est fixé la Banque. Dans sa réponse à la Commission (a), la Banque mondiale avait alors déclaré qu’elle « prévoyait de suivre cette recommandation, mais qu’elle laissait ouverte la possibilité que de futurs cycles [du PCI] soient à nouveau utilisés pour recalculer le [seuil de pauvreté international], y compris avant 2030, uniquement si elle est convaincue que les méthodes du PCI se sont substantiellement stabilisées sur deux cycles au moins ».

Ce critère de stabilité a-t-il été respecté ? Si on parle de stabilité au niveau mondial ou régional, alors la réponse est oui (voir ce document de travail [a] : il apporte une analyse technique et explique en quoi les nouveaux seuils affecteraient les chiffres de la pauvreté de 2017). Au niveau mondial, c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles l’adoption des PPA de 2017 aurait peu d’incidence sur l’extrême pauvreté.

Comme à chaque révision des PPA, on constate en revanche des changements significatifs au niveau national. Pour certains pays, le passage des PPA de 2011 aux PPA de 2017 entraînera des modifications importantes dans les taux d’extrême pauvreté mesurés , en raison des ajustements aux estimations de leur pouvoir d’achat. Cependant, certaines de ces corrections traduisent également des améliorations de la qualité des PPA. Dans plusieurs pays, par exemple, les PPA de 2017 se fondent sur les données de prix d’un panier beaucoup plus important que lors du cycle 2011. Dans d’autres, les données de prix ont été collectées pour la première fois en 2017 : ils n’ont donc plus besoin de recourir à des PPA estimées à l’aide d’un modèle de régression. La décision d’exploiter les données de PPA de 2017 est par conséquent conformément à la pratique en usage : utiliser des données plus récentes et de meilleure qualité lorsqu’elles sont disponibles.

Pour mesurer la pauvreté, la Banque utilise le seuil international de 1,90 dollar par jour, mais aussi deux autres indicateurs, fixés à 3,20 et 5,50 dollars, qui reflètent respectivement les seuils de pauvreté nationaux dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et supérieure. Ces seuils seront également ajustés à la hausse, à 3,65 dollars et 6,85 dollars.

S’appuyant sur les recommandations de la Commission sur la pauvreté mondiale, la Banque mondiale utilise également deux indicateurs complémentaires : la pauvreté « sociétale », qui rend compte de l’évolution des définitions de la pauvreté à mesure que les pays s’enrichissent, et la pauvreté « multidimensionnelle », qui tient compte des privations dont souffre la population au-delà des critères monétaires. Le seuil de pauvreté sociétale (a) de la Banque mondiale sera également actualisé sur la base des PPA de 2017. L’analyse multidimensionnelle tient notamment compte de la pauvreté monétaire et utilise pour cette dimension le seuil de pauvreté international.

Nos estimations de la pauvreté dans le monde reposeront sur les PPA de 2011 jusqu’à l’automne 2022.  À partir du prochain rapport sur la pauvreté et la prospérité partagée, les taux basés sur les PPA de 2017 serviront d’indicateurs phares. Vous pourrez toutefois continuer à consulter les estimations basées sur les PPA de 2011 sur la plateforme Pauvreté et inégalités (a), et ainsi comparer les données actualisées avec d’autres PPA.


Pour de plus amples informations sur la stabilité entre les PPA de 2011 et celles de 2017, le calcul des différents seuils de pauvreté et l’impact des PPA de 2017 sur les chiffres de la pauvreté mondiale, vous pouvez consulter le travail de Jolliffe et al. (2022) (a) et les billets sur les seuils de pauvreté (a) et l’évolution de la pauvreté (a) en regard de cette étude.


Voir aussi


Auteurs

Deon Filmer

Économiste principal au Groupe de recherche de la Banque mondiale

Haishan Fu

Statisticienne en chef de la Banque mondiale et directrice de la cellule Données sur le développement

Carolina Sánchez-Páramo

Directrice mondiale de la Banque mondiale pour la pauvreté

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