Tout a commencé en juillet 2015 autour d'un café crème au cœur de Pristina. Je rencontrais Besa Zogaj Gashi, alors secrétaire d'État au Développement économique et aujourd'hui à la tête d'un think tank sur l'avenir du Kosovo, afin de réfléchir à la manière de mieux aider les femmes grâce aux technologies de l'information et de la communication (TIC). Cette conversation tombait à point nommé : quelques jours plus tôt, le ministre des Finances avait demandé à mon équipe de définir une stratégie d'investissements immatériels pour compléter le projet pour l’économie numérique au Kosovo (a), destiné à étendre l'accès à l'internet haut débit aux zones rurales.
Et c'est là que l'idée m'est venue, dans le bruit de la machine à café. En 2014, mes collègues avaient organisé avec succès une série d'ateliers au Nigéria (a) pour que les jeunes puissent accéder aux emplois du numérique. Pourquoi ne pas expérimenter un projet similaire ici ? À ma grande joie, la secrétaire d'État a tout de suite adopté l'idée et donné son accord pour une assistance technique « à la mode kosovare ».
Ce soutien technique, baptisé Women in Online Work (WoW)(a), a déjà permis de former plus de 150 jeunes femmes de cinq villes du Kosovo au développement de sites web, à la conception graphique et au marketing numérique pour qu'elles puissent trouver leur place dans le secteur digital. Le projet a été entièrement financé par le Fonds fiduciaire coréen pour la croissance verte (a).
Peu après mon entretien avec la secrétaire d'État, j'ai rencontré les responsables du projet EYE pour le développement de l'emploi des jeunes (a), financé par l'agence de coopération internationale de la Confédération suisse et mis en œuvre par l’organisation HELVETAS-Swiss Intercooperation (a) et le cabinet MDA (a).
Une nouvelle tasse de café a produit son effet et la glace a été vite rompue : après quelques semaines, nos organisations ont convenu d'unir leurs forces dans le cadre du projet WoW, ce qu'elles ont concrétisé par la signature d'un protocole d’accord en 2016.
Indéniablement, les cafés crèmes du Kosovo ont quelque chose de particulier qui fait jaillir les bonnes idées !
Depuis lors, mon équipe et celle du projet EYE coopèrent et coordonnent avec succès leurs activités dans les Balkans occidentaux. Dès 2016, le projet EYE a dispensé des cours de perfectionnement en anglais ainsi que des formations à l'entrepreneuriat aux diplômées du programme WoW. Au fil du temps, EYE a permis d'étendre ce programme à deux autres villes du Kosovo.
En juillet dernier — encore une fois autour d'un macchiato à Pristina ! — nos équipes respectives ont fait le bilan de cette coopération plutôt inhabituelle. En 2016-2017, les deux tiers des diplômées du programme WoW de la Banque mondiale avaient signé des contrats de travail à distance et six autres avaient été embauchées sur le marché local. Deux ans plus tard, selon une enquête rapide menée avec l'aide de la fondation Upwork, plus de la moitié des diplômées du programme sont toujours prestataires indépendantes d'au moins une grande plateforme en ligne. La réussite de certaines est même spectaculaire : deux d'entre elles ont ainsi gagné plus de 50 000 dollars chacune depuis 2017, grâce à des contrats de saisie de données et de conception graphique.
Le projet EYE a en outre permis à des stagiaires du programme WoW de suivre une formation complémentaire intitulée « Les femmes en affaires ». Cette initiative venait répondre aux résultats d'une évaluation mettant en évidence le besoin de cours supplémentaires sur les compétences non techniques et l'entrepreneuriat. Le programme WoW a été ajusté en conséquence. La formation de base porte désormais sur les aspects techniques habituels, mais elle s’est enrichie de cours dans ces deux domaines jugés nécessaires.
Pour la dernière promotion de la formation WoW, le projet EYE a décidé d'élargir son financement à deux nouvelles municipalités et d'introduire des cours communs avec de jeunes femmes issues des communautés albanaise et serbe. Ce projet a contribué à renforcer les capacités locales des prestataires privés de formation, ce qui permet aux stagiaires de trouver très rapidement du travail sur des sites dédiés aux professionnels indépendants. Ses responsables estiment que le projet WoW pourrait être pérennisé en trouvant le bon partenaire pour assurer la formation, à savoir un prestataire qui pourrait facturer la formation aux utilisateurs finaux et, par conséquent, accroître les bénéfices pour les jeunes de tout le Kosovo.
Le programme pilote WoW a démontré que le secteur numérique peut offrir de vastes débouchés d'emploi au Kosovo, un petit pays enclavé, mais riche d'une population jeune et férue de nouvelles technologies. Il peut en outre offrir de nouvelles possibilités de création d'emplois, même dans les zones rurales les plus reculées. En conclusion, je vous invite chaleureusement à goûter les cafés crèmes du Kosovo ! L’industrie hôtelière locale mérite bien ce coup de pouce, car c'est un vivier d'emplois pour les jeunes... et d'idées lumineuses.
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Ce billet a été rédigé par Natalija Gelvanovska-Garcia, Zhenia Viatchaninova Dalphond, Lea Shllaku et Zenebe Uraguchi.
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