Étendre l'accès à des services d'assurance maladie abordables : un même objectif, une multitude de voies possibles

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un nouveau-né au Ghana protégé par une moustiquaire. © Arne Hoel/Banque mondiale

Le débat concernant l'approche à adopter pour garantir à tous des services de santé à la fois de qualité et abordables est loin d'être nouveau (a).

Toutefois, il a été ravivé récemment par la question de la couverture santé universelle. Les discussions autour de cette dernière soulèvent de nombreuses controverses et, comme Tim Evans l'a récemment souligné (a), « bon nombre de ces discussions butent sur la question de savoir si le système doit être financé par les recettes publiques, à travers l’impôt, ou par des cotisations à des régimes d'assurance. »

Le débat s'éternise, et les protagonistes sont divisés en plusieurs camps. Les partisans d'une extension de la couverture de l'assurance maladie affirment qu'elle permet de fournir un accès aux soins et d'éviter les listes d'attente interminables, les soins de mauvaise qualité et la désinvolture dont sont souvent victimes les ménages qui ont recours aux services publics fournis par le ministère de la Santé de leur pays. Ils soulignent aussi que bon nombre de problèmes associés à l'assurance maladie privée découlent des systèmes de paiement gérés par des tierces parties, et qu'ils affectent donc de la même façon les services subventionnés ou les services publics gratuits.

Aux yeux de ses opposants, l'assurance maladie est un mal suprême devant être évité à tout prix. Elle détourne les rares ressources des pauvres et conduit à une surconsommation des soins, à une hausse des coûts (en particulier administratifs), à des fraudes et abus divers, et autres effets pervers (écrémage, antisélection, aléa moral), l'ensemble aboutissant en fin de compte à un système de santé inéquitable.

Les sceptiques vis-à-vis de ces deux approches soulignent que ni les dispositifs privés d’assurance maladie ni les systèmes de santé financés par l'État n'ont permis de régler les problèmes majeurs auxquels les pays en développement sont confrontés en matière de santé. Ils estiment que les financements des pouvoirs publics et des bailleurs de fonds seraient mieux dépensés s'ils étaient orientés vers des pathologies spécifiques pour lesquelles il existe des moyens d'intervention bien connus et efficaces en termes de coûts. Selon eux, cette approche est plus facile à mettre en œuvre et permet de contrôler les résultats produits de manière plus directe.

Un nouvel ouvrage de la Banque mondiale, intitulé Scaling-Up Affordable Health Insurance: Staying the Course (a), contribue à ce débat en fournissant une analyse de différents systèmes d'assurance maladie dans le monde. Il décrit des cas concrets (a) comme celui du système national d’assurance maladie du Ghana, qui a permis d'atteindre un niveau élevé de couverture grâce à des mutuelles de santé non gouvernementales fonctionnant au niveau des districts. Il montre également comment, au Rwanda, le système d'assurance maladie fonctionnant à l'échelon communautaire a permis d'atteindre une couverture de plus de 80 % dans certaines zones.

Cette publication fournit un certain nombre d'exemples qui devraient nous faire réfléchir, en nous rappelant que l'assurance n'est en aucune façon une solution miracle. Par exemple, dans le chapitre consacré à l'Europe de l'Est et à l'Asie centrale, les auteurs montrent que, lorsqu'on examine les différentes réformes du régime de paiement des prestataires et d'autres variables, le passage d'un financement basé sur les recettes générales à un financement basé sur les cotisations salariales a provoqué un accroissement des dépenses de santé nationales et du taux d'activité des hôpitaux, mais sans que cela ne se traduise par une amélioration significative des résultats en termes de santé.

Ce que je retire des conclusions réunies dans cet ouvrage, c'est que même si la couverture santé universelle constitue un objectif commun à de nombreux pays, il n'existe pas de façon unique d'y parvenir. La voie suivie par chaque pays sera déterminée par les réalités politiques, culturelles et socioéconomiques locales plutôt que par des positions idéologiques rigides.

L'assurance maladie ne constitue que l'un des multiples mécanismes de financement possibles. Si elle est conçue convenablement, et particulièrement si elle est associée à des subventions publiques, elle peut permettre d'améliorer efficacement la santé des ménages pauvres et de la classe moyenne.

À l'occasion du lancement de ce livre, Julio Frenk, ancien ministre de la Santé mexicain, a d'ailleurs appelé à « dépasser les fausses dichotomies ». Et c'est ce que font de nombreux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, en expérimentant différentes approches innovantes associant assurance, subventions et services gratuits financés par l'impôt pour atteindre leurs objectifs de santé. Avec l'appui de la Banque mondiale, le Nigéria et le Kenya cherchent actuellement à canaliser des subventions destinées aux pauvres par le biais des systèmes d'assurance maladie publics, tout en étendant à grande échelle l'accès à des services gratuits de santé maternelle et infantile.

Il n’existe pas de règle technique absolue en matière de couverture santé universelle : chaque pays devra trouver sa propre voie en expérimentant une approche, en en tirant les leçons et en continuant à expérimenter.

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