Le nombre de réfugiés et de déplacés dans le monde a atteint un record sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, en raison notamment du conflit en Syrie, où plus de la moitié des habitants ont été contraints de quitter leur foyer (a).
Pour beaucoup d’entre nous, la crise syrienne évoque des images de familles bloquées aux frontières de l’Europe et de gigantesques camps humanitaires. Or, en réalité, ceux qui fuient la violence ont majoritairement trouvé refuge dans des villes en Syrie et dans les pays voisins, en quête de sécurité, de meilleurs services et d’emplois.
La concentration de ces populations dans les zones urbaines, et non plus dans des camps, oblige à réfléchir aux meilleurs moyens de faire face au défi des déplacements forcés. Le problème ne se limite pas à la Syrie : il concerne nombre de pays touchés par un conflit au Moyen-Orient et ailleurs.
La crise des déplacements forcés au Moyen-Orient est aussi une crise urbaine
Contrairement au passé, la crise actuelle avant tout une crise urbaine. Au Moyen-Orient, en particulier en Syrie, en Iraq, en Jordanie et au Liban, l’afflux soudain de populations a modifié l’empreinte urbaine, en exerçant des tensions considérables sur l’infrastructure, les services, le logement et les opportunités économiques à l’échelle locale.
Les nouvelles tendances des déplacements forcés
- La plupart des personnes déplacées ne vivent pas dans des camps : on estime que 80 à 90 % des populations déplacées dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) vivent dans des villes, contre 60 % au niveau mondial et 40 % il y a encore quelques années.
- D’après les projections, les déplacements forcés vont se prolonger : dans plus de 80 % des cas, les crises migratoires s’étendent sur dix ans, et deux sur cinq sur au moins 20 ans, de sorte que l’on peut s’attendre à une incidence durable sur l’empreinte urbaine dans l’ensemble de la région.
- La répartition des réfugiés et déplacés internes est inégale : en valeur absolue, ce sont les métropoles qui en accueillent le plus, mais les effets sont particulièrement marqués dans les villes secondaires et proches des frontières avec les pays touchés par le conflit.
- Les populations déplacées restent généralement près de leur foyer d’origine : pour un réfugié dans la région MENA, on compte près de cinq personnes déplacées dans leur propre pays.
Étant donné que les personnes déplacées ne vivent plus séparées à l’intérieur de camps, mais se mêlent au contraire à la population urbaine locale, les programmes classiques qui ciblent les individus en fonction de leur situation de déplacé interne ou de réfugié ne suffisent plus. Alors qu’il est toujours plus difficile de localiser et de différencier les besoins des communautés locales et des déplacés dans un tissu urbain et social en mutation constante, les politiques axées sur les territoires (plutôt que sur les catégories de population) doivent occuper une place centrale.
Apprendre à gérer les déplacements forcés dans un contexte de plus en plus urbain
À la Banque mondiale, l’équipe chargée des questions urbaines et sociales dans la région MENA a commencé d’aborder ces aspects dans une note d’orientation intitulée Cities of Refuge: Bringing an Urban Lens to the Forced Displacement Challenge (a). Ce document apporte un éclairage sur le problème des déplacements forcés sous l’angle des villes d’accueil, et propose un cadre de réflexion qui s’articule autour des axes suivants :
- Travailler avec les personnes déplacées et les populations locales grâce à des approches intégrées centrées sur les territoires : l’assistance ciblée aux déplacés doit s’accompagner de mesures de développement territorial reposant sur les mécanismes de prestation de services et les structures de gouvernance qui existent au niveau national et local, afin de mieux répondre aux besoins de tous.
- Associer d’emblée accompagnement humanitaire et développement : dans la plupart des contextes, les réponses aux déplacements forcés en milieu urbain consistent tout d’abord en une aide humanitaire d’urgence, qui cède ensuite la place aux initiatives de développement à long terme. Cependant, plutôt que d’intervenir successivement, il faut que les acteurs de l’humanitaire et ceux du développement déploient des efforts complémentaires, afin de produire davantage d’effets pendant toute la période des déplacements forcés (graphique ci-après).
- Adapter et doser les interventions humanitaires/de développement en fonction du contexte : celles-ci dépendront des caractéristiques des villes d’accueil (suivant leur taille, l’ampleur des déplacements, l’infrastructure et les services en place, et les capacités financières et administratives), avec une stratégie davantage axée sur l’humanitaire dans celles en proie à la violence extrême et aux destructions, ou sur le développement dans les villes disposant de capacités plus importantes et où les réfugiés sont relativement peu nombreux.
- Tirer des enseignements des diverses solutions de développement urbain existantes : même si les déplacements forcés représentent un défi relativement nouveau pour les villes, on pourrait mettre à profit les solutions qui se sont révélées efficaces dans d’autres contextes et qui vont de la rénovation urbaine à la gestion des risques de catastrophes, en passant par le développement communautaire. Il convient cependant de les adapter avec prudence au contexte politique très sensible dans lequel s’inscrivent les crises liées à l’afflux de réfugiés et de déplacés internes.
Enfin, la note d’orientation appelle à l’action et propose plusieurs mesures concrètes pour faire face à l’impact des déplacements forcés en milieu urbain. Un défi qui suppose de recadrer les termes du dialogue politique autour de cette problématique en s’attachant non pas seulement à aider les personnes déplacées, mais en œuvrant au bien-être de tous les habitants, quelle que soit leur origine.
Liens :
- Rapport : Cities of Refuge (a)
- Portail de la Banque mondiale sur les communautés durables (a)
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