Plusieurs accords internationaux sur les matières premières ont été conclus après la Seconde Guerre mondiale pour stabiliser les prix, puis de nouvelles initiatives ont vu le jour à la suite de la flambée des cours des produits de base dans les années 1970, généralement soutenues par l'Organisation des Nations Unies. Si ces accords ont d'abord réussi à stabiliser les marchés et à soutenir les prix, au fil du temps la hausse des cours a contracté la demande et favorisé les investissements et l'innovation qui, à leur tour, ont fait émerger de nouveaux fournisseurs sur les marchés. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et ses accords passés avec d'autres grands producteurs sont les seuls vestiges des efforts initiaux. Il est cependant probable que l'entente pétrolière sera tôt ou tard victime des mêmes carences qui ont précipité la fin des accords précédents.
Les premières ententes sur les produits de base
L'Accord international sur l'étain a été négocié en 1954 en vue de maintenir les cours dans une fourchette préétablie grâce à des stocks régulateurs. Actif pendant une trentaine d'années, le Conseil international de l'étain (CIE) a été en mesure d'augmenter et de stabiliser les prix du minerai. Toutefois, en octobre 1985, le CIE s'est retrouvé à court d'argent et a dû interrompre ses activités et, lorsque l'accord s'est effondré, le cours de l'étain a chuté (dans un premier temps), contraignant de nombreuses mines à fermer.
En 1962, la plupart des pays producteurs de café et presque tous les pays développés qui en consommaient ont signé l'Accord international sur le café (AIC) afin de stabiliser les prix mondiaux grâce à l’imposition de quotas d'exportation. Ce système de quotas a réussi à stabiliser les prix du café malgré les importantes fluctuations de la production mondiale. Néanmoins, les pressions sur l'AIC se sont accrues en raison de l'émergence de nouvelles sources d'approvisionnement. Les principaux producteurs n'ayant pu se mettre d'accord sur la répartition des quotas d'exportation, l'accord a été suspendu en juillet 1989, entraînant une chute de 40 % des prix du café.
L'Accord international sur le caoutchouc naturel est entré en vigueur en 1979, mais s'est disloqué pendant la crise financière est-asiatique du fait de l'effondrement des monnaies de trois producteurs clés : l'Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande. Le système reposait sur des stocks régulateurs destinés à stabiliser le cours du caoutchouc. Cependant, quand la demande mondiale a dégringolé, l'accord n'a pas pu continuer à maintenir les stocks. Devenu inapplicable, cet accord a pris fin en décembre 1999.
Le marché pétrolier
Le marché du pétrole a également toujours fait l’objet d’une gestion de l'offre. Aux États-Unis, l'industrie pétrolière a été réglementée depuis le milieu des années 1930 jusqu'au début des années 1970 par des quotas d'État fixés par la Texas Railroad Commission (TRC) et par le contrôle des importations, dans le cadre du programme de quotas obligatoires d'importation de pétrole de 1959. En réponse à ces mesures, l'OPEP a été fondée en 1960 et s'est largement inspirée du modèle de la TRC. À l'époque, elle concentrait 40 % de la production pétrolière mondiale.
Part de l'OPEP dans la production mondiale de pétrole
Source : BP Statistical Review, Agence internationale de l'énergie, Banque mondiale
Notes : Pays non-OPEP (1998) : Norvège, Mexique, Oman et Russie. Pays non-OPEP (2016) : Azerbaïdjan, Bahreïn, Brunei, Kazakhstan, Malaisie, Mexique, Oman, Russie, Soudan et Soudan du Sud. Les États-Unis et le Canada (2020) ont proposé de contribuer à la baisse de la production via des réductions volontaires. Parts de production en avril 2020.
L'influence de l'OPEP sur le marché pétrolier est montée en puissance en 1973, avec l'embargo sur les livraisons de pétrole qui a en quadruplé le prix. Une baisse importante de la production pendant la révolution iranienne de 1979 a encore fait grimper les cours de l’or noir. L'OPEP a alors choisi de restreindre l'approvisionnement et de maintenir des prix élevés pendant la première moitié des années 1980. Cependant, en 1985, la production pétrolière de l'Arabie saoudite a reculé de près des deux tiers et le pays était sur le point d'être évincé du marché. Pour regagner des parts de marché, l'Arabie saoudite a augmenté sa production de plus de 40 % en un an, ce qui a entraîné un effondrement des cours à la suite duquel les membres de l'OPEP ont accepté de s'engager à nouveau à réduire leur production.
Cette décision est intervenue à un moment important. En effet, l'économie mondiale se relevait de la crise financière asiatique et la demande de produits industriels de base commençait à connaître l'une de ses plus fortes progressions de l'histoire récente, tirée par les économies émergentes et en développement, en particulier la Chine. En janvier 2008, le prix du baril de pétrole dépassait les 100 dollars.
Moyennes historiques des cours du pétrole brut et grands événements
Source : Banque mondiale
Note : Le prix du pétrole brut correspond à la moyenne historique du Brent, de Dubaï et du WTI. Les dernières données datent du 17 avril 2020. Les barres verticales signalent de fortes baisses des cours, ce qui a incité l'OPEP à réduire fortement la production.
L'histoire des accords sur les produits de base se répète : l'envolée des cours du pétrole à la fin des années 2000 a favorisé l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché mondial, notamment des producteurs de biocarburants, de sables bitumineux canadiens et, surtout, de pétrole de schiste américain. En 2014, le prix du pétrole a baissé dans un contexte marqué par l'augmentation de l'offre et l’apaisement des tensions géopolitiques. En dépit des attentes du marché, l'OPEP a décidé de ne pas réduire la production lors de ses réunions de novembre 2014 et les prix du pétrole ont atteint un plancher de 30 dollars le baril en janvier 2016. Même si la faiblesse des cours du pétrole a freiné les augmentations de production hors OPEP, l'industrie américaine du pétrole de schiste a résisté au mouvement grâce à des réductions de coûts, à des gains d'efficacité et à l'innovation. L'OPEP a alors décidé de rétablir les restrictions de production lors de sa réunion de septembre 2016 et invité les producteurs de pétrole hors OPEP à y participer, en particulier la Russie et le Mexique, comme elle l'avait fait au lendemain de la crise financière en Asie de l'Est.
Répartition de la production mondiale de pétrole
Source : BP Statistical Review 2019, Agence internationale de l'énergie 2019, Banque mondiale
Note : Le graphique représente l’évolution de la part respective des États-Unis, de l'Arabie Saoudite et de la Russie dans la production mondiale de pétrole.
L'accord de l'OPEP+ en réponse à la pandémie de COVID-19
La pandémie de COVID-19 a provoqué un effondrement sans précédent de la demande et des prix du pétrole et, une fois de plus, il a fallu prendre des mesures pour consolider le marché pétrolier. En mars 2020, l'OPEP+ (désignation non officielle du groupe formé par l’OPEP et ses alliés) n'avait pas réussi à étendre les accords convenus de réduction de la production, tandis que la demande de pétrole connaissait l'une de ses plus fortes baisses de l'histoire moderne en raison de l'arrêt des déplacements imposé par la pandémie.
Pour la première fois, le marché mondial du pétrole a donc été soumis simultanément à un accroissement de l'offre pour des raisons politiques et à un effondrement sans précédent de la demande. Les cours du pétrole ont chuté, le baril de Brent atteignant son niveau le plus bas depuis plusieurs décennies à la fin du mois de mars. Au vu d'estimations selon lesquelles la demande de pétrole pourrait reculer de 10 % en 2020, 23 producteurs de pétrole (dont la Russie, l'Arabie Saoudite et les États-Unis) ont par conséquent décidé le 12 avril d'une réduction historique de la production de près de 10 millions de barils par jour.
Ces efforts coordonnés pour stabiliser le marché pétrolier ont favorisé une certaine accalmie sur les marchés pétroliers, puisque la courbe des prix s'est rapidement inversée. Cependant, il est probable qu'à plus long terme, le dernier accord de l'OPEP pâtira des mêmes faiblesses que celles qui ont entraîné la fin des accords précédents, à savoir l’émergence de nouvelles ressources, les gains d'efficacité et l’entrée sur le marché de nouveaux producteurs opérant en dehors de l'accord.
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