Publié sur Opinions

En matière de logement pour tous, faisons preuve d’ouverture d’esprit : #Housing4All

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Mexico City. Photo by VV Ninci via Flickr CC

Alors que les dirigeants de ce monde s’opposent sur la manière de gérer des problèmes aussi graves que le terrorisme, les migrations, le libre échange et le changement climatique, tous ont conscience de la nécessité de s’atteler d’urgence à ce qui est probablement la maîtresse des batailles : assurer un logement sûr, bien desservi et abordable aux milliards d’individus qui en ont besoin.

Ils sont même d’accord sur les étapes fondamentales à suivre pour ce faire : améliorer la gestion des terres et adopter des mesures plus neutres en termes de régime foncier.

Tous conviennent également que les pouvoirs publics ne pourront pas, seuls, payer la facture. Selon McKinsey & Co., le comblement du « déficit mondial de logements » coûterait 1 600 milliards de dollars par an, soit le double des investissements dans les infrastructures publiques requis pour suivre le rythme de croissance du PIB.

L’année 2018 marquera le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont le logement fait partie. Il serait temps que les gouvernements s’orientent vers une solution, évidente mais qu’ils persistent à ignorer à leurs risques et périls, pour remédier à ce déficit : faire appel aux marchés des capitaux pour des financements de long terme. Sans hausse substantielle des capitaux privés, le déficit de logements continuera de s’aggraver et, avec lui, les risques de grogne sociale.
 
Intéressons-nous à deux sources non traditionnelles de capitaux : les propriétaires qui rénovent et agrandissent leurs maisons et créent de nouvelles solutions de logement et les investisseurs privés.
 
Même dans les pays les plus pauvres du monde, les propriétaires investissent déjà 30 fois plus que leurs gouvernements dans leur logement. Ce dernier représente entre 50 et 90 % de leur patrimoine. Il devient également une source de revenu : au Mexique par exemple, les particuliers détiennent 70 % de toutes les unités locatives.

Autre source d’investissement encore peu sollicitée : les capitaux privés. Après la crise financière de 2008, l’un des plus grands fonds privés du monde, Blackstone Group, a racheté près de 50 000 logements privés saisis. Ce groupe de New York est devenu le premier propriétaire privé des États-Unis proposant des logements locatifs à des milliers de ménages.

Aujourd’hui cependant, les risques d’un investissement immobilier dans les pays en développement à grande échelle et à des niveaux de tarif adaptés aux personnes les plus démunies sont exorbitants. D’autant que certaines des solutions préconisées pour les marchés émergents (comme l’interdiction des expulsions ou l’achat obligatoire par l’État de terrains privés non viabilisés) pourraient en fait aggraver la situation.

Voici donc trois options alternatives plus productives pour infléchir le cap des politiques du logement :

[Télécharger l’étude (en anglais) :  Housing Finance Policy in Emerging Markets ]

a)  Réduire les risques excessifs pour augmenter l’offre. L’inadéquation des ressources allouées au logement dans les marchés émergents reflète en général des risques excessifs pour les investisseurs, dissuadés par l’absence de droits de propriété, le manque d’accès à des terrains aménageables, une inflation trop élevée... La solution passe par des politiques de réduction de ces risques et la mise en place d’incitations mesurées pour les investisseurs (primes de densité ou pour logements à revenus mixtes, par exemple), afin de favoriser la production de logements abordables, donc de « fluidifier » le marché.

b)  Introduire des réglementations judicieuses pour limiter les dérives, comme les prêts à conditions abusives, les saisies inutiles ou la spéculation. Toute saisie ou expulsion doit trouver un juste équilibre entre les intérêts du débiteur et ceux du créancier. Les impôts fonciers et sur la spéculation peuvent freiner les pratiques abusives tout en engendrant des recettes pour construire des logements bon marché.

c)  Rééquilibrer les politiques du logement. Être propriétaire convient probablement à de nombreuses personnes, mais pas forcément à tout le monde. Pourtant, la plupart des budgets pour les subventions au logement dans bon nombre de pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie favorisent actuellement l’accession à la propriété. Heureusement, plusieurs pays, comme la Chine, le Mexique et l’Uruguay, ont testé à titre pilote des politiques de promotion du logement locatif — et sont en passe de les déployer à grande échelle. Autre solution, inciter les ménages à agrandir en toute sécurité et à rénover des logements existants dans les quartiers des villes desservis par des services publics. Tout cela devrait permettre de combler le déficit de logements en prônant une utilisation plus efficace des terres et en stimulant le marché locatif.

Nous avons la possibilité et le devoir de créer un scénario gagnant-gagnant pour les pauvres comme pour les propriétaires fonciers. Les politiques de subvention des rénovations notamment, qui favorisent à la fois le logement locatif et la construction de logements neufs, créeront de nouveaux débouchés importants — et moins risqués — pour les banques et les investisseurs privés tout en garantissant l’accès à un logement abordable et sûr aux milliards de personnes défavorisées. Mais n’oublions pas que le logement est à la fois un bien économique, un foyer, un droit humain, un facteur d’ordre social et l’un des usages concurrents du foncier urbain.

Dix ans après la crise financière, cessons de rejeter le blâme sur les investisseurs privés et accueillons-les dans un marché immobilier mieux régulé. Il n’est pas question d’oublier toutes les aberrations financières qui ont débouché sur la crise de 2008. Mais l’investissement privé n’est pas intrinsèquement mauvais. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain…


Liens utiles (en anglais) :  
 

Auteurs

Luis Triveno

Spécialiste principal du développement urbain

Michael J. Lea

Principal, Cardiff Consulting Services

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