Publié sur Opinions

Trois leviers pour une relance résiliente dans les pays en situation de fragilité et de conflit

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Ce projet d’appui aux réfugiés et aux communautés d’accueil au Tchad conforte la riposte du pays à la pandémie.
Photo : Edmond Dingamhoudou/Banque mondiale

Pour les pays les plus pauvres du monde, la pandémie de COVID-19 a constitué un choc social et économique sans précédent. Et pour les habitants des pays fragiles, la situation est encore plus dramatique , puisqu’ils subissent de plein fouet la hausse de la pauvreté due à la crise sanitaire, tout en étant aux prises avec les causes profondes et les conséquences des conflits.

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (UNOCHA), les conflits violents n’ont jamais été aussi nombreux depuis 30 ans. Et les projections indiquent que jusqu’aux deux tiers des habitants les plus pauvres du monde vivront dans des pays fragiles à l’horizon 2030. Sans oublier la crise des déplacements forcés (a), la pire depuis la Seconde Guerre mondiale. Une fois la pandémie passée, on ne pourra de toute évidence pas se contenter de reprendre la tâche là où on l’avait laissée, surtout dans les pays et les communautés confrontés à une conjonction inédite de défis .

Nous devons donc faire preuve d’une ambition accrue, pour repartir sur des bases plus durables, plus inclusives et plus résilientes. Cela passe par une approche globale visant à protéger le capital humain, créer des emplois et des débouchés économiques, combattre le changement climatique et renforcer la sécurité alimentaire dans les pays les plus vulnérables.

Quelles sont les actions à mener concrètement sur le terrain ? Depuis des années, par l’intermédiaire de l’Association internationale de développement (IDA), son fonds pour les pays les plus pauvres, la Banque mondiale s’est efforcée avec ses partenaires de favoriser des redémarrages économiques à grande échelle. En réponse à la pandémie, l’IDA a mobilisé 11,6 milliards de dollars en faveur des pays en situation de fragilité et de conflit, dont 44 % sous forme de dons. Cette mobilisation s’inscrit dans l’engagement historique pris en décembre 2019 lors de la 19e reconstitution des ressources de l’IDA (IDA-19) et qui prévoyait d’allouer 25,5 milliards de dollars à ces pays.

Ces ressources ciblées et adaptées au contexte permettent de remédier aux facteurs de fragilité, soutenir le renforcement des institutions, restaurer les opportunités économiques, contribuer à l’inclusion des populations vulnérables  que sont notamment les jeunes et les femmes et préserver le capital humain. Depuis la reprise de leurs relations avec l’IDA, la Somalie et le Soudan reçoivent par exemple des fonds indispensables pour soutenir leur processus de transition historique post-conflit et renforcer leur résilience.

Aujourd’hui, dans la perspective de la prochaine reconstitution des ressources de l’IDA (IDA-20), ses financements et son expertise se concentrent sur la riposte à court terme à la pandémie, sans perdre pour autant de vue trois leviers essentiels pour garantir un redressement de plus long terme résilient et inclusif.

Placer les populations vulnérables au cœur des priorités

Dans les environnements fragiles, la pandémie de COVID-19 a accentué les pressions sur des systèmes de santé, de protection sociale et d’éducation déjà très tendus  — sachant que ces trois secteurs indissociables sont l’une des clés du renforcement de la résilience. Les ressources de l’IDA aident les communautés à affronter les conséquences de la crise sanitaire tout en leur permettant de se construire un avenir.

Ainsi, pour préserver la continuité des apprentissages, plusieurs projets en cours ont été repensés et étendus. Au Nigéria, le projet EdoBest (a) de l’IDA intègre désormais des supports d’auto-apprentissage numériques, envoyés aux élèves grâce à un accès internet gratuit (a) et à l’application WhatsApp, tandis qu’au Niger, un investissement de 140 millions de dollars permet d’élargir les programmes d’enseignement à distance. Ces opérations maintiennent le lien entre les enseignants et les élèves dans des salles de classe virtuelles et préservent le capital humain de cette jeunesse, afin qu’elle puisse, plus tard, décrocher un emploi et se saisir de toutes les opportunités économiques disponibles.

De la même manière, les dons octroyés pour les transferts monétaires au Yémen (a) ont constitué une bouée de sauvetage pour des millions de personnes, palliant ainsi des lacunes critiques en matière de protection sociale et permettant, notamment aux foyers les plus menacés par l’insécurité alimentaire, de satisfaire des besoins immédiats. Ces financements ont permis d’éviter famine, malnutrition et retards de croissance, lesquels compromettent le développement économique et sanitaire des individus et, à plus long terme, l’avenir même des pays. Un programme de renforcement des systèmes régionaux de surveillance des maladies (plus connu sous son acronyme anglais REDISSE), mis sur pied après l’épidémie Ebola qui s’est abattue sur l’Afrique de l’Ouest il y a cinq ans, permet à l’Afrique subsaharienne d’être bien mieux armée face à la crise de la COVID-19.

Un financement additionnel au titre d’IDA-19 de 2,2 milliards de dollars en faveur des réfugiés et des communautés d’accueil accompagne les populations vulnérables dans 14 pays (a). Le projet d’appui aux réfugiés et aux communautés d’accueil au Tchad conforte la riposte du pays à la pandémie en investissant dans les infrastructures sanitaires et le recrutement de personnel médical. Mais il octroie également des transferts monétaires aux réfugiés et aux communautés d’accueil afin de contrer l’impact de la crise sanitaire sur l’économie locale.  

Notre collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) permet de compléter une aide humanitaire vitale par une assistance au développement de plus long terme, indispensable pour créer des débouchés économiques, renforcer les moyens de subsistance et introduire dans les pays d’accueil des politiques plus inclusives pour accompagner les réfugiés.

Garantir la stabilité et la cohésion sociale grâce à l’emploi et aux opportunités économiques

En 2020, environ 23 millions de personnes supplémentaires ont basculé dans l’extrême pauvreté dans les pays en situation de fragilité, conflit et violence du fait de la pandémie de COVID-19. En outre, malgré les mesures de confinement et de restriction de circulation des personnes, les déplacements internes de population dus à des conflits ont continué d’augmenter même si les autres mouvements migratoires se sont ralentis.  Au Burkina Faso par exemple, le nombre de déplacés enregistré en février 2020 était sept fois supérieur au niveau de février 2019 — et il avait encore augmenté de 46 % en février 2021 (a).

Dans les environnements fragiles, où le secteur privé local est le principal pourvoyeur d’emplois, l’accès de tous à des débouchés économiques est vital pour créer un sentiment d’espoir, de stabilité et de cohésion sociale  et, à terme, installer la paix. Dans les pays fragiles et à faible revenu, le guichet de promotion du secteur privé de l’IDA s’attache à promouvoir les investissements et protéger les moyens de subsistance. En Haïti (a) par exemple, il soutient l’une des premières institutions de microfinance du pays pour lui permettre d’étendre ses financements à des petites et moyennes entreprises, notamment dans l’agroalimentaire.

Pour veiller à ce que personne ne soit laissé au bord du chemin, l’IDA investit dans des axes d’action publique et des solutions portées par le secteur privé. Ainsi en Afghanistan, où la participation des femmes à la vie de la cité sera la clé d’un avenir plus inclusif et prospère, le projet Taghir (« changement ») facilite l’accès des femmes à la fonction publique pour leur permettre de devenir des acteurs à part entière du développement de leur pays (a).

S’attaquer aux enjeux du changement climatique et de l’insécurité alimentaire

Les dérèglements du climat et les chocs climatiques touchent de manière disproportionnée les plus pauvres et les plus vulnérables. La corrélation entre climat, conflit et déplacements forcés est particulièrement nette dans une région comme le Sahel , où l’IDA protège le pastoralisme et contribue à une meilleure gestion des conflits.  

Associés aux multiples impacts de la pandémie, les chocs climatiques ont aggravé la faim dans le monde . Onze des douze « points chauds » qui devraient connaître une insécurité alimentaire sévère dans les douze prochains mois — Afghanistan, Burkina Faso, Haïti, Niger, Nigéria, République démocratique du Congo, Somalie, Soudan du Sud, Soudan, Yémen et Zimbabwe — appartiennent au groupe des pays en situation de fragilité, conflit et violence.

Mais tous bénéficient aussi du soutien de l’IDA et peuvent, de ce fait, s’appuyer sur des investissements précoces pour prévenir et atténuer les crises alimentaires. L’IDA investit ainsi 137 millions de dollars en Somalie (a) pour contribuer au redémarrage des moyens de subsistance et à la reconstruction d’infrastructures dans des régions exposées aux inondations et aux sécheresses et, parallèlement, renforcer la résilience à long terme face à la crise sanitaire et la dernière invasion de criquets pèlerins, qui a mis à mal la sécurité alimentaire du pays.

Les défis auxquels sont confrontés les pays en situation de fragilité et de conflit sont colossaux. Pour l’IDA, la crise actuelle doit être l’occasion de répondre à leurs besoins immédiats  tout en gardant des moyens d’action pour soutenir les avancées à plus long terme dans le but de jeter les bases de la paix, de la stabilité et de la prospérité.

Ce billet fait partie d’une série de publications consacrées aux solutions visant à garantir une reprise résiliente après la pandémie de COVID-19 dans les pays les plus pauvres de la planète. Pour les informations les plus récentes, suivez @WBG_IDA et #IDAWorks.


VOIR AUSSI

Le Groupe de la Banque mondiale et la pandémie de coronavirus (COVID-19)


Auteurs

Samuel Munzele Maimbo

Directeur de la mobilisation des ressources IDA, du financement des entreprises et du développement pour la BIRD

Stefan Emblad

Conseiller senior auprès du directeur général des opérations à la Banque mondiale

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